SUR LA ROUTE DES MICROBRASSERIES:
DES MOTEURS ÉCONOMIQUES
NLDR: Le Nouveau-Brunswick compte de plus en plus d’adeptes de bières artisanales. Aujourd’hui, à peu près chaque région de la province a sa ou ses microbrasseries. L’Acadie Nouvelle a sillonné les routes de la province afin de vous faire découvrir les nombreuses facettes de la bière artisanale et les retombées qu’a cette industrie.
De nombreux producteurs de bières artisanales estiment que le gouvernement du Nouveau-Brunswick tarde à reconnaître l’importance économique de l’industrie de l’alcool artisanal, un secteur d’activité présentant un fort potentiel de développement.
Depuis une dizaine d’années, les brasseries artisanales connaissent un essor important au Nouveau-Brunswick.
En seulement cinq ans, le nombre de producteurs brassant annuellement moins de 500 000 litres de bière dans la province est passé de 23 à 58, faisant de la province l’un des endroits au pays où l’on retrouve le plus grand nombre de microbrasseries par habitant.
Or, plusieurs brasseurs artisanaux rencontrés par l’Acadie Nouvelle estiment que le gouvernement tarde à reconnaître et saisir les occasions économiques offertes par cette industrie.
Scott Maclean, propriétaire de Think Brewing, une microbrasserie de Harvey, près de Fredericton, explique que les producteurs d’alcool artisanal sont devenus de véritables moteurs économiques.
«Il faut aussi commencer à prendre en compte les impacts qu’ont les producteurs locaux sur l’économie de la province, les emplois que ça représente pour les Néo-Brunswickois, les entreprises qui sont créées grâce à nous, les produits d’ici que nous achetons, c’est très important», dit M. Maclean.
D’après une analyse d’impact économique commandée par l’Association des producteurs d’alcool artisanal du N.-B. (APAANB) - qui représente notamment les petits vignobles, distilleries et producteurs de bière de la province - les acteurs de cette industrie ont contribué près de 25 millions $ au produit intérieur brut de la province en 2020. Ils étaient aussi responsables de l’équivalent de près de 620 emplois à temps plein.
Serge Nadeau, l’un des propriétaires du CAVOK, une microbrasserie située à Dieppe, constate pour sa part que le gouvernement du Nouveau-Brunswick a trop longtemps regardé cette industrie qu’à travers le prisme des revenus qu’elle génère grâce aux ventes d’Alcool NB. Les retombées sont toutefois bien plus importantes et touchent, entre autres, les secteurs de l’agriculture et du tourisme.
«Il faut regarder au-delà de l’argent que nous apportons grâce à la vente de nos produits chez
Alcool NB, explique M. Nadeau. Chez
CAVOK, nous avons près de 20 employés et nous achetons des produits d’ici pour brasser nos bières, notamment chez des agriculteurs.
Globalement, pour la province, on parle d’importantes retombées.»
Heureusement, dit Sébastien Roy, propriétaire de la Distillerie Fils du Roy et président de l’APAANB, certains signes laissent croire que le gouvernement du Nouveau-Brunswick commence à le réaliser.
Cette année, Fredericton a par exemple adopté une Stratégie sur les boissons et les aliments locaux. Grâce à celle-ci, le ministère de l’Agriculture, de l’Aquaculture et des Pêches a entamé plus tôt cet été une tournée dont l’objectif est d’encourager les Néo-Brunswickois «à profiter de l’abondance de boissons et d’aliments locaux offerts dans l’ensemble de la province» et de les sensibiliser à l’importance des achats locaux.
«Ils commencent à comprendre, c’est mieux que c’était, mais le problème c’est qu’il y a des ministères qui ne se parlent pas et qui ne voient pas les retombées de notre industrie dans leur ensemble», note M. Nadeau.
D’ailleurs, force est de constater que, pour l’instant, la volonté du gouvernement d’encourager les produits néo-brunswickois se manifeste de manière assez timide chez Alcool NB.
«ANBL reçoit une lettre de mandat de la province chaque année et cette année n’est pas différente, a indiqué dans un courriel Tom Tremblay, porte-parole d’Alcool NB. Notre mandat principal est de gérer une entreprise de vente au détail rentable pour la population du Nouveau-Brunswick. Ce mandat peut parfois nous guider à rechercher des occasions appropriées pour soutenir l’industrie locale en tant que détaillant de boissons alcoolisées. Par conséquent, nous sommes en contact régulier avec l’APAANB et les partenaires locaux pour discuter ces possibilités.»
UN FORT POTENTIEL DE CROISSANCE
Sébastien Roy croit toutefois qu’en offrant aux producteurs un meilleur environnement pour opérer, notamment en faisant plus de place pour leurs produits chez Alcool NB, le marché de l’alcool artisanal peut croître davantage.
L’analyse économique de l’APAANB indique en effet qu’un meilleur accès au marché néobrunswickois pourrait permettre à l’industrie de l’alcool artisanale de croître de 47% d’ici 2023, faisant passer sa contribution au PIB provincial à 36 millions $. Avec une telle croissance, les producteurs seraient responsables de 900 emplois directs et indirects au Nouveau-Brunswick.
M. Roy croit d’ailleurs que le gouvernement pourrait être en train de mettre en place les conditions nécessaires afin que cette croissance soit au rendez-vous.
«Ça part de la lettre de mandat que donne le ministre des Finances à Alcool NB et qui lui dit essentiellement quoi faire, explique M. Roy. Là, on vient d’avoir une copie de la lettre et il y a des signes qui nous laissent croire qu’on souhaite s’aligner un peu plus sur les autres provinces et essayer d’être fiers des produits locaux, essayer d’encourager nos producteurs.»
Le ministère des Finances s’est fait avare de commentaires à ce sujet, se contentant de dire qu’en 2021, Alcool NB «continuera de travailler en étroite collaboration avec les parties prenantes et les petites entreprises afin d’accroître les retombées économiques du secteur des alcools artisanaux.»
L’ÉCONOMIE CIRCULAIRE POUR MULTIPLIER LES RETOMBÉES
D’après Sébastien Roy, en adoptant des approches d’économie circulaire, la province et l’industrie de l’alcool artisanale pourraient créer davantage de richesses. Les déchets issus de l’industrie, par exemple les bouteilles et les canettes, pourraient être récupérés et recyclés au N.-B., créant un tout nouveau secteur d’activité économique.
«Présentement, il faut payer pour se débarrasser du verre, il n’y a plus de marché pour le vendre à l’extérieur. Ce serait la prochaine étape afin d’être plus écologique, générer le moins de déchets possible et transformer ceux que nous produisons, tout en améliorant la situation économique de la province», imagine-t-il, ajoutant que ce genre d’industrie pourrait être créée à même le Fonds en fiducie pour l’environnement du Nouveau-Brunswick, lui-même en partie financé grâce aux consignes prélevées dans le cadre du Programme de gestion des récipients à boisson. ■