CARAQUET: LE TINTAMARRE SE DÉROULERA SANS RESTRICTIONS SANITAIRES
Le tintamarre se déroulera sans restrictions sanitaires cette année dans plusieurs endroits du NouveauBrunswick. Une excellente nouvelle pour le résident de Caraquet Jean Pascal Brideau. L’Acadien prépare l’événement depuis quatre mois!
Ne comptez cependant pas sur l’Acadie Nouvelle pour révéler le secret le mieux gardé de la Péninsule Acadienne: la création avec laquelle défilera celui qui se qualifie de «patenteux de première classe».
«Il faut garder la surprise pour dimanche, s’amuse-t-il en acceptant toutefois de donner des indices. Ça sera quelque chose en rapport avec la mer d’une trentaine de pieds de long, d’une douzaine de pieds de haut avec un tissu aux couleurs de l’Acadie tenu par une ossature.»
Sur les réseaux sociaux aussi, M. Brideau joue avec ceux qui forment son public depuis 2006, lorsqu’il a commencé à créer ses oeuvres pour le tintamarre: un numéro de l’Acadie Nouvelle géant, un dragon, etc. Il donne de petits éléments d’informations pour éveiller la curiosité.
«Les gens vont savoir que j’arrive, assure le serveur du café Grains de Folie. Ils aiment ça. Il y en a qui me posent des questions dès avril! Ils ont hâte de voir ce que je vais sortir. Ça me met de la pression!»
Le quadragénaire lance en riant qu’il est fou de travailler 40 heures pour une heure de défilé.
«Il se peut que je ne dorme quasiment pas la nuit de samedi, car il faut que mon oeuvre soit finie dimanche et parce qu’elle a des détails dont je ne suis pas encore content», ajoute-t-il.
M. Brideau décrit toutefois son plaisir de créer, de relever un défi, de perpétuer une tradition familiale et d’exposer sa culture sous son meilleur jour.
«C’est un pur plaisir qui en vaut la peine, conclut-il. Pendant le tintamarre, je rencontre des amis de longue date, des gens que je ne vois qu’une fois par an. Je reçois aussi des coups de main et des félicitations.»
L’enthousiaste souhaite inciter d’autres Acadiens à l’imiter, même à plus petite échelle. Il aimerait également que ses enfants prennent sa relève.
«J’aimerais voir des défis entre amis, entre familles et entre entreprises pour une journée de bonheur en l’honneur de notre identité», ajoute-t-il.
L’artiste a toutefois revu ses ambitions à la baisse cette année à cause du spectre de la COVID-19. Son idée initiale était de construire deux marionnettes géantes sur roues, nécessitant un financement et des bras le jour du cortège.
Or, il tenait à pouvoir arpenter les rues de Caraquet même en cas de restrictions sanitaires, comme l’année dernière.
«C’est sûr que des gens vont venir, mais je ne m’attends pas à une foule record», pronostique en outre M. Brideau pour le prochain 15 août.
LE TINTAMARRE, TRADITION RÉCENTE
Le tintamarre est une tradition récente. Son origine remonte à 1955, selon un article de l’ethnologue Ronald Labelle, dans l’Encyclopédie du patrimoine culturel de l’Amérique française.
Cette année-là, l’archevêque de Moncton, Norbert Robichaud, a organisé une grande manifestation pour le 200e anniversaire de la Dispersion des Acadiens, qui a rassemblé 5000 personnes.
«Dès que les cloches commenceront à sonner, chaque famille se mettra à genoux, dehors, devant sa maison, et récitera à haute voix la belle prière du bicentenaire. Une fois la prière terminée, on fera pendant plusieurs minutes, un joyeux tintamarre», a-t-il ordonné dans une feuille d’instruction.
Ce n’est toutefois qu’en 1979 qu’un tintamarre sous la forme actuelle a eu lieu à Caraquet, pour la fête du 375e anniversaire de l’Acadie.
«Selon un des principaux organisateurs, Georges Bourdages, le but était d’encourager la population acadienne à réaffirmer son identité haut et fort dans une manifestation ouverte à tous», raconte M. Labelle.
L’événement est un succès. Il se reproduit donc à Caraquet les années suivantes puis dans de plus en plus d’endroits au NouveauBrunswick, au Québec (à Saint-Liguori, par exemple) et en France (comme à SaintAubin-sur-Mer).
«Il y a des tintamarres surtout depuis les Congrès Mondiaux Acadiens en 1994, précise l’historien Maurice Basque. Ils sont devenus presque des carnavals, avec des costumes, des maquillages et des chars allégoriques.»
Le conseiller scientifique à l’Institut d’études acadiennes de l’Université de Moncton souligne que ces événements sont ouverts à tous, y compris aux immigrants et aux touristes.
«C’est une façon non conflictuelle qu’ont les Acadiens de dire qu’ils sont toujours vivants, explique-t-il néanmoins. Je me souviens d’avoir participé à l’un des premiers tintamarres à Moncton. Je me disais que les vieux anglophones derrière leurs rideaux imaginaient que c’était le jour de la révolte!» ■