Émergence contemporaine:
Dans des univers singuliers touchant à des enjeux humains et sociaux, quatre artistes ont donné le coup d’envoi au 16e Festival danse atlantique avec le spectacle De belles incursions dans des créations engagées et porteuses de changement.
Émergence contemporaine.
Si seulement une quarantaine de personnes ont assisté, jeudi, à ce spectacle d’ouverture du festival à la salle Bernard-LeBlanc à Moncton, il reste que l’enthousiasme était au rendez-vous. Chacun des danseurs a été vivement applaudi par la petite foule. Enfin un vrai spectacle en salle qui a été un réel bonheur pour les gens ayant assisté à ces quatre courtes prestations en solo.
Image de la femme, travail déshumanisant, symbolique des rêves et reconstruction de sa vie figurent parmi les thématiques abordées par les danseurs et chorégraphes de l’Acadie, du Québec et de la France.
Parmi les oeuvres particulièrement percutantes, la pièce Réalité Déshumanisante de Simone Gauthier sur une chorégraphie de Constance Gadan. Son oeuvre dansée sur une musique évocatrice met en lumière le travail abrutissant et routinier. On voit un personnage pressé, tiraillé par les ficelles d’une société qui le stresse. Le système craque de partout. En voyant évoluer Simone Gauthier sur la scène, on croit vraiment à cet univers. Son interprétation criante de vérité et ses mouvements très relevés nous transportent. Certaines images sont très puissantes.
Pendant la discussion qui a suivi la représentation, l’artiste a indiqué qu’il s’agit d’un embryon d’un programme qui sera plus long. L’inspiration première de ce projet est venue d’une espèce de gigue en délire, a-t-elle souligné.
L’Acadienne Chantal Baudouin a offert un extrait d’un projet en chantier dont la création a débuté en 2018. La pièce Nid chorégraphiée par Jessie Garon, met en scène un personnage qui tente de construire et reconstruire sa vie face à l’adversité et le doute. Le personnage interprété par Chantal Baudouin qui porte une combinaison d’astronaute symbolise le désir des êtres humains de dépasser leurs limites, d’explorer au-delà de leurs frontières que ce soit l’espace ou encore les profondeurs de l’océan. Danseuse athlétique, Chantal Baudouin a interprété cette pièce avec justesse, conviction et beaucoup d’émotions.
Pour sa part, Julien Derradj a présenté une oeuvre sur la symbolique des rêves. Dans ce solo dansé sur une collection de musiques et de paroles en allemand, l’artiste vêtu d’une jaquette d’hôpital explore le monde des rêves qui peut parfois devenir cauchemardesque. Certaines images sont frappantes même troublantes. Celui qui danse avec intensité a confié que cette oeuvre lui est venue dans un de ses rêves.
La pièce Femme Fatale 2.0 d’Ariane Famelart remet en question l’idée de plaire et d’être fabuleuse à tout prix. Dans un environnement musical qui brasse la cage, l’artiste nous entraîne dans ses réflexions sur l’image de la femme. Tantôt nu-pieds, tantôt en talons très hauts, elle offre des mouvements sensuels, mais aussi désarticulés, un peu comme si elle se brisait. Elle est forte, mais elle peut aussi tomber. Avec une certaine dose d’ironie, elle développe une relation d’amour-haine avec ces fameux souliers à talons hauts, symbole par excellence des standards de la féminité, selon l’artiste. Une oeuvre qui propose un mélange d’intensité et de légèreté visiblement appréciée du public. L’artiste québécoise a indiqué qu’elle développe ce projet et ce personnage depuis plusieurs années.
Si les formes courtes permettent de découvrir divers univers, parfois elles nous laissent aussi un peu sur notre faim. On aurait envie d’en voir davantage, mais bref, ce spectacle a offert une belle fenêtre sur le monde de la danse contemporaine.
Ce sont tous des artistes que l’on pourrait qualifier d’émergents et engagés dans leur art. Ils ont prouvé que la danse peut faire réfléchir, émouvoir et provoquer. Selon Simone Gauthier, le rôle de l’artiste émergent consiste justement à forcer les changements.
Le Festival danse atlantique se poursuit jusqu’au 22 août. Le programme comprend, entre autres, un atelier découverte avec Chantal Baudouin, ainsi que le spectacle extérieur Cube de la compagnie Zeugma Danse. ■