Pourquoi pas une Commission sur l’enseignement, l’apprentissage et l’acquisition des langues officielles?
Les Commissaires Finn et McLaughlin ont reçu un mandat dont le premier volet est incompatible avec le deuxième. D’une part, il est question de réviser la Loi sur les langues officielles et d’autre part, de faire des propositions pour améliorer l’apprentissage d’une langue seconde.
Si on examine l’objet de la Loi sur les langues officielles (L.L.O.), on voit qu’elle a trois éléments: le respect des langues officielles, l’égalité de statut, de droits et de privilèges des langues officielles et finalement les pouvoirs et les obligations des institutions eu égard aux langues officielles. Nous notons d’emblée que dans l’objet de la loi, il n’est nullement question d’enseignement, d’apprentissage, ni d’acquisition d’une deuxième langue. La loi fut instituée justement pour que chaque citoyen puisse demeurer unilingue s’il le souhaite et recevoir les services du gouvernement de sa province dans sa langue. Il est donc contradictoire, voire antinomique, que soit traitée l’acquisition de la langue seconde en même temps que se fait l’exercice de la révision de la loi.
Le recensement de 2016 nous indique que 63 140 francophones du NouveauBrunswick ne parlent pas l’anglais. De ceux-là, on ne parle jamais. Ils habitent majoritairement dans le nord du NouveauBrunswick. Le discours émanant de Fredericton et, principalement, de la part du premier ministre, évoque sans cesse le cas des unilingues anglophones qui n’arrivent pas à décrocher un poste bilingue dans la fonction publique. Il est donc important de rajuster le tir et de voir l’autre côté de la question. Où sont les unilingues francophones au niveau de la direction dans la fonction publique provinciale? Il n’y en a sans doute aucun. Bon nombre d’unilingues francophones qui s’établissent dans le sud de la province, surtout à Moncton, ne trouvent pas facilement des emplois: ils sont embauchés au CHU Dumont, dans les Caisses populaires, à la Ville de Dieppe, etc., surtout dans des lieux francophones.
Sur le plan linguistique, la situation d’un citoyen de St. Stephen (population: 3233) est essentiellement la même que celle d’un citoyen de Caraquet (population: 3108). C’est-à-dire que ni les premiers ni les seconds ne vivent dans des contextes où ils sont exposés à l’autre langue officielle. Lorsqu’ils sont à l’école, ils acquièrent les éléments de base de l’autre langue, mais ils n’y sont plus du tout exposés une fois qu’ils se trouvent à l’extérieur de la classe. Arrivés à la maison, l’autre langue devient une langue étrangère plutôt qu’une langue seconde. Rares, donc, sont les citoyens de Caraquet ou de St. Stephen qui ont passé la majeure partie de leur vie dans leur lieu de naissance et qui pourront, à l’âge adulte, obtenir un poste au niveau de la direction dans la fonction publique en étant gestionnaire d’un groupe de fonctionnaires composés de francophones et d’anglophones.
Nous devons donc comprendre que l’unilinguisme d’un citoyen est dû principalement à l’absence d’exposition à une deuxième langue. Prenons à titre d’exemple l’idée que tous les Européens parlent plusieurs langues. Ceci est un mythe répandu. En analysant la situation de plus près, on voit dans un premier temps que les Européens bilingues ou trilingues vivent dans des pays où leur langue nationale n’est parlée que par eux. On pense aux habitants des pays nordiques ou encore aux Allemands. Dans un deuxième temps, on observe que les personnes polyglottes le sont puisqu’elles vivent dans des pays ou des régions qui avoisinent d’autres pays ou d’autres régions où la langue nationale est différente de la leur. Dans tous les autres cas, on voit que les gens sont surtout unilingues: qu’on pense aux Français, aux Espagnols, aux Anglais. Le cas des unilingues au Nouveau-Brunswick n’est donc pas un spécimen rare. Bien au contraire, il se situe tout à fait dans la norme.
Nous voyons donc après une petite analyse que la notion d’apprentissage de la langue seconde ne trouve pas son fondement dans l’objet de la loi depuis la version première de 1969. L’objet de la loi est tout autre. Il est donc inapproprié d’inclure dans sa révision un volet consacré à l’apprentissage de la langue seconde.
Puisque le mandat fut donné par le premier ministre et qu’il devient donc incontournable d’y répondre, pourquoi ne pas tenir une Commission sur l’enseignement, l’apprentissage et l’acquisition des langues officielles au Nouveau Brunswick? En abordant le deuxième volet du mandat de cette manière, chacun d’eux serait traité là où il devrait l’être et chaque volet recevrait l’attention qui lui est due.
En terminant, je dirais que l’acquisition de la deuxième langue au NouveauBrunswick n’a pas pour but ultime d’obtenir un poste dans la fonction publique. Il faut savoir que le nombre de postes diminue depuis des années et mieux vaut ne pas tabler son avenir professionnel là-dessus. Le but principal d’apprendre une deuxième langue dans notre province est avant tout de pouvoir communiquer avec l’ensemble des citoyens, peu importe où ils vivent et peu importe la langue officielle qu’ils parlent. Apprendre la langue de l’autre communauté c’est favoriser le «vivre ensemble». ■