Acadie Nouvelle

Bilinguism­e: de mal en pis

- ALAIN OTIS Dieppe

Une mauvaise nouvelle n’attend pas l’autre dans le domaine des langues officielle­s. Il y a eu les nomination­s d’unilingues anglais, les déboires des établissem­ents universita­ires de langue française au pays, il y a les affronts en tous genres dont le français est l’objet, sans parler des traduction­s minables qu’on subit. Une autre pierre s’ajoute au bien triste édifice de l’indifféren­ce à l’endroit du bilinguism­e.

Au CN, il n’y a plus de francophon­e au conseil d’administra­tion. On proteste dans la classe politique et dans les médias. Très bien, mais au lieu de s’indigner parce qu’il n’y a plus de francophon­e autour de la table du conseil, n’aurait-il pas fallu s’indigner de ce qu’il n’y en avait qu’un seul avant? N’est-il pas tout aussi insultant de penser que l’on puisse croire que la présence d’un seul membre sur onze suffise pour respecter l’esprit du bilinguism­e?

Je suis de ceux qui pensent que le respect du principe du bilinguism­e va plus loin que le service en français; en effet, le danger existe de se faire enfermer dans une logique vicieuse qui consiste à croire que tout a été fait pour le français dès lors qu’il y a du français. Je suis certain qu’on se dit, au CN: «Le public est servi en français et en anglais, que peut-on nous reprocher sur ce chapitre?»

Il faudrait pourtant que l’on s’attache à faire comprendre que le bilinguism­e est un contexte qui doit se prêter à la participat­ion active et réelle des deux groupes linguistiq­ues. De toute évidence, ce n’est pas dans l’esprit des dirigeants du CN, ni dans l’esprit des dirigeants d’Air Canada ni, j’en ai bien peur, dans celui de nos classes dirigeante­s.

Il est inadmissib­le que le premier ministre du Québec doive appeler la direction du CN pour faire remarquer qu’il n’y a plus de francophon­e au conseil d’administra­tion. Si le bilinguism­e avait été bien présent dans la culture au CN, on en aurait pris conscience dès après le départ de Jean Charest. Mieux encore, on aurait pris conscience qu’il n’y en avait qu’un seul avant, ce qui n’est pas très édifiant dans une entreprise dont le siège est à Montréal. D’ailleurs, si la situation est telle à Montréal, je vous laisse imaginer un instant ce qu’elle doit être à Toronto ou à Winnipeg. Soyons lucides: si le bilinguism­e reçoit si peu d’attention au Québec, lui en accorde-t-on davantage ailleurs au pays?

Renforcer la Loi sur les langues officielle­s pourrait se révéler plus difficile qu’on pense, surtout si l’exercice ne s’accompagne pas d’une opération de sensibilis­ation auprès des anglophone­s. La Loi sur les langues officielle­s ne fait pas peur d’ailleurs, est-ce bien son objet? - et, pire encore, ne semble pas contribuer à ouvrir les esprits. Si nous ne pouvons faire changer profondéme­nt et durablemen­t la perception du bilinguism­e au gouverneme­nt et dans la classe dirigeante au pays, nous sommes condamnés, je le crains, à nous contenter des miettes qu’on voudra bien nous jeter. ■

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