LA MYTHIQUE ÎLE DE SABLE, AVANT L’ACADIE
Les brisants viennent se fracasser sur le rivage et se retirent avec un léger sifflement. L’air est rempli de parfums d’algues et de plantes sauvages aromatiques comme le myrique et le genévrier. Par temps clair, l’horizon semble infini.
- Site web de Parcs Canada: «L’île aux merveilles». Plutôt que l’île Sainte-Croix, l’île de Sable aurait bien pu être le berceau de l’Acadie.
Six ans avant le voyage de Pierre Dugua de Mons et de Samuel de Champlain, une tentative de colonisation a lieu sur ce petit bout de terre situé à moins de 200 kilomètres au large des côtes atlantiques de la Nouvelle-Écosse. Et elle porte bien son nom. C’est une petite bande de terre sablonneuse, en forme de croissant, d’une longueur d’environ 42 km de longueur et dont le point le plus large fait 1,6 km.
C’est sur cette petite bande de terre inhabitée que le Marquis de La Roche jettera son dévolu. Mais pourquoi avoir choisi cette petite île isolée du continent? Il semble que La Roche y voyait un emplacement stratégique d’où il pourrait arrêter ceux qui voudraient faire commerce sur le territoire qu’on lui avait concédé.
ÎLE DE SABLE – LA TROISIÈME FOIS SERA LA BONNE
Troilus de La Roche de Mesgouez est Breton. En tant que gouverneur de Morlaix, il est à même de constater la valeur des fourrures et des produits de la pêche qui arrivent dans son port en provenance du Nouveau Monde. Il rêve probablement de richesse, comme bien d’autres.
La Roche a côtoyé les gens au pouvoir à un très jeune âge. À 13 ans, il est page à la cour d’Henri II et attire les faveurs de l’épouse de celui-ci, Catherine de Médicis. Quand Henri III accède au trône, Laroche est bien placé pour obtenir du roi, en 1577, une commission lui accordant la propriété de toutes les terres qu’il pourra s’approprier en Nouvelle-France, dont il sera même nommé vice-roi.
Mais la Nouvelle-France n’existe encore que sur les cartes. Il n’y a pas d’établissement, seulement des pêcheurs qui exploitent les Grands bancs de Terre-Neuve et font sécher leurs prises sur les côtes, ainsi que quelques aventuriers en quête de fourrures.
La Roche organise une première expédition en 1578, mais celle-ci est stoppée par des navires anglais peu après le départ de la flotte française. Ce n’est que six ans plus tard qu’il tente à nouveau le coup, cette fois avec un groupe de 300 hommes. Son principal navire coule avant même de prendre le large. Nouvel échec.
En campagne pour le compte du futur Henri IV, il est fait prisonnier par des partisans de la Ligue, en guerre contre le roi. Il sera détenu pendant sept ans à la prison de Nantes.
Toujours animé par son désir de gloire et de richesses au Nouveau Monde, il obtient en 1597 l’autorisation d’Henri IV, devenu roi pendant son emprisonnement, de monter une nouvelle expédition.
La Roche est alors nommé lieutenant-général des pays de Canada, Terre-Neuve, Labrador et Norembègue, avec, en prime, la propriété du pays et le monopole de la traite des fourrures.
LE RÊVE TOURNE AU DÉSASTRE
Pour ce troisième essai, le marquis affrète deux navires et réunit une quarantaine de «gueux», mendiants et des criminels à qui il achète leur liberté. Une dizaine de soldats les accompagneront. Au début de l’été 1798, soit 20 ans après sa première expédition, La Roche atteint finalement, l’endroit tant désiré, l’île de Sable, qu’il renomme île de Bourbon, en l’honneur du gouverneur de Normandie, François de Bourbon, duc de Montpensier. Pour l’établissement, on choisit la côte nord, près d’un petit cours d’eau. Des habitations et un magasin sont construits. Mais en août, La Roche part en exploration des pêcheries près des côtes terre-neuviennes, laissant à son compagnon Querbonyer la tâche de commander le poste.
Une forte tempête l’empêche cependant de revenir à l’île et il va plutôt gagner la France. Contrairement à ce qui a été souvent raconté, le Marquis de La Roche ne va pas «abandonner» l’île. Chaque printemps, il fait expédier des ravitaillements et, l’année suivante, quelques autres hommes. Pour une raison inconnue, ce ne sera pas fait en 1602. L’année suivante, un nouvel équipage arrive à l’île avec des vivres et constate avec horreur que les officiers responsables de l’établissement ont été tués, de même que certains colons.
Chefd’hostel, commandant de cette expédition, décide alors de ramener tout le monde en France. Certains disent qu’il n’en restait qu’une quinzaine.
Henri IV les convoque. Au lieu de les punir – ou de les faire pendre, comme le souhaitait La Roche – il les gracie et leur donne chacun 50 écus, jugeant qu’ils avaient été contraints de vivre une situation inhumaine.
Malgré cet échec complet, le Marquis de La Roche propose au roi de fortifier les havres de Terre-Neuve et la future Nouvelle-Écosse, ce qu’Henri IV refuse. La Roche meurt, découragé et sans doute ruiné, en 1606. Entretemps, de nouveaux hommes lui avaient succédé pour poursuivre son rêve: l’Acadie avait pris naissance.
ET LES CHEVAUX?
Les chevaux sauvages de l’île de Sable sont emblématiques de l’endroit. Tout indique que leurs ancêtres y ont été transportés au milieu du 17e siècle par un marchand bostonnais. Il même possible qu’ils aient été des chevaux confisqués aux Acadiens lors de la Déportation. Protégés, la population atteint maintenant environ 500 animaux.
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