Engins de pêche fantômes récupérés: «Ce n’est qu’un début»
Le ministère des Pêches et Océans participe depuis trois ans au financement d’opérations de récupération d’engins de pêche perdus au fond des eaux. L’effort fait juste commencer, selon deux acteurs acadiens de l’industrie.
Le ministère des Pêches et Océans (MPO) subventionne des opérations de nettoyage des eaux depuis 2020. Elles ont permis de récupérer 5600 engins de pêche perdus et 85 km de cordage, pour un total de 187 tonnes de matériel près des côtes du Nouveau-Brunswick.
«Nous en sommes au début, croit Pierre Dupuis, directeur de l’organisme scientifique de l’Union des pêcheurs des Maritimes, Homarus. Nous essayons encore de déterminer si les choses que nous repérons au fond de l’océan sont des engins de pêche perdus.»
Il pense néanmoins que l’industrie de la pêche va dans la bonne direction. Il espère qu’elle améliorera ses techniques et ses données. Homarus a par exemple inventé un grappin dédié à la récupération des casiers perdus. L’organisme essaye maintenant de concevoir une caméra sous-marine utilisable par un bateau en marche.
«Il faut localiser l’équipement perdu avant de descendre le grappin, pour ne pas faire de dégâts à l’écosystème du fond marin, explique M. Dupuis. Alors nous utilisons un sonar à balayage latéral. Mais des reliefs et des roches ressemblent à des engins de pêche.»
La solution pour vérifier les profondeurs est un drone équipé d’une caméra à descendre d’un navire à l’arrêt, pour l’instant. Les pêcheurs de l’UPM participant aux opérations de récupération aimeraient gagner du temps.
«Il faut aussi voir pourquoi nous avons des engins perdus pour minimiser les pertes, fait remarquer M. Dupuis. Dans notre coin, toutefois, il y en a juste ici et là. Ce n’est pas un tapis.»
Il fait référence à la zone 25 de pêche aux homards, entre le Nouveau-Brunswick et l’Île-du-Prince-Édouard. Son organisme devrait y organiser des sorties de ramassage avant et après la prochaine saison d’automne. Il a reçu 331 000$ du MPO pour ça en 2022 – 2023.
«Nous avons eu des fonds après la tempête Fiona, ajoute M. Dupuis. Nous avons fait une opération de récupération en octobre en coopération avec la Prince Edward Island Fishermen’s Association. Nous avons remonté 2800 trappes, des casiers à homards surtout.»
INVENTER LA ROUE
Le directeur de l’Association des pêcheurs professionnels crabiers acadiens (APPCA), Paul Robichaud, pense aussi que la récupération des engins de pêche perdus devra durer encore longtemps.
«Je vois ce travail s’échelonner sur des années et des décennies, parce qu’il y a eu des pertes pendant longtemps, croit-il. L’année 2023 permettra de tester les améliorations technologiques. Nous n’avons pas inventé la roue, mais presque! Nous en sommes très fiers. J’ai l’impression que nous allons améliorer énormément notre efficacité.»
Les membres de l’APPCA nettoient des endroits plus profonds et plus éloignés des côtes que ceux de l’UPM. Ils vont dans la zone 12 de pêche au crabe, au sud du Golfe du Saint-Laurent, entre l’île Miscou et les Îles-de-la-Madeleine notamment. Ils utilisent donc des techniques spécifiques.
«Les dernières années, nous avons surtout fait de la cartographie avec la même technologie que l’UPM. Nous avons aussi conçu un engin de récupération, un genre de charrette équipée d’une caméra et d’un grappin qui ne traîne pas sur le fond marin. C’est très efficace», précise M. Robichaud.
L’APPCA a reçu 300 000$ du MPO en 2022-2023 pour utiliser ce matériel afin de récupérer des engins de pêche perdus.
«Notre initiative débutera pendant l’été et se poursuivra durant une partie de l’automne, indique M. Robichaud. Nous commencerons par un blitz à la fin de la saison de pêche actuelle pour récupérer ce qui est visible, les cordes et les bouées par exemple, avec quatre à cinq bateaux.»
Ensuite, l’APPCA utilisera un ou deux bateaux équipés de matériel sophistiqué pour effectuer des sorties de juillet à octobre, grâce aux données cartographiques accumulées depuis 2020. Elle entreposera les engins ramassés avant de les recycler ou de les rendre à leurs propriétaires.
Le MPO a aussi accordé un financement de 200 000$ à un organisme mi’kmaq en 2022-2023. Le but est de former le personnel de l’homologue autochtone d’Homarus, Anqotum, à la plongée et à la conduite de véhicules sous-marins téléguidés.
Une fois certifiée, l’équipe inspectera les zones 23 et 25 de pêche aux homards, aux côtés des pêcheurs des Premières Nations Esgenoopetitj et Natoaganeg. ■