BIEN ET MIEUX PAYER NOS POLITICIENS
Les députés de l’Assemblée législative du Nouveau-Brunswick s’apprêtent à adopter d’importantes augmentations de leur propre salaire. Si le moment semble mal choisi, alors que les négociations salariales piétinent avec le syndicat des enseignants, nous n’avons toutefois aucune objection sur le fond. Les politiciens provinciaux méritent d’être bien et mieux rémunérés.
Les politiciens sont dans une position délicate. Ils déterminent eux-mêmes leurs propres augmentations de salaire. Il s’agit d’un privilège dont jouissent peu de Néo-Brunswickois, autant dans les secteurs public que privé.
À cette situation hors du commun s’ajoute le fait qu’aucune étude ne démontre clairement une corrélation entre la rémunération des élus et la qualité de ceux-ci.
Même si le salaire était trois fois plus élevé que ce qui est prévu dans la loi, la population néobrunswickoise serait quand même fort probablement aux prises avec un premier ministre unilingue, qui a consacré sa vie, tant professionnelle que politique, à défendre les intérêts de la famille Irving et pour qui le pouvoir est un outil visant à promouvoir son idéologie plutôt qu’à servir la population.
Les politiciens fédéraux sont les mieux rémunérés. Les 338 députés de la Chambre des communes ont un revenu de base annuel de 185 800$. Le premier ministre du Canada reçoit une indemnité de session deux fois plus élevée, c’est-à-dire un montant annuel de 371 600$. Malgré cela, le titulaire du poste de premier ministre est un homme dont la montée météorique s’est principalement appuyée sur son nom de famille (Justin Trudeau). Son principal adversaire - le conservateur Pierre Poilievre - est un politicien de carrière.
Par ailleurs, ce n’est certainement pas la générosité des contribuables qui a convaincu Louis J. Robichaud, Richard Hatfield, Frank McKenna et Bernard Lord d’abandonner des carrières potentiellement lucratives pour se lancer en politique et faire avancer le Nouveau-Brunswick.
Rien ne prouve qu’une rémunération bonifiée attire l’élite en politique. Au contraire, les électeurs et les militants ont de plus en plus tendance à rejeter les intellectuels et à privilégier les chefs populistes, comme Doug Ford (en Ontario) et Danielle Smith (Alberta). De meilleurs émoluments ne changeront rien à ce phénomène.
Néanmoins, il n’est pas normal que le premier ministre du Nouveau-Brunswick gagne moins chaque année (152 150$) qu’un simple député fédéral d’arrière-ban ou que les députés provinciaux reçoivent presque 100 000$ de moins par année des contribuables que leurs homologues à Ottawa.
Déterminer le juste équilibre n’est cependant pas évident.
Au Québec, le gouvernement du premier ministre François Legault est empêtré dans un débat portant sur la rémunération des élus. Si son projet de loi est adopté, les députés de l’Assemblée nationale seront les mieux rémunérés au Canada, à l’exception de ceux de la Chambre des communes. Le ministre de l’Éducation Bernard Drainville s’est mis dans l’embarras en laissant entendre que le travail de politicien est plus complexe et important que celui d’un enseignant. Il a dû s’excuser.
Le débat n’est pas aussi passionné au N.-B. Aucun parti ne semble vouloir en faire un enjeu électoral. De plus, le projet de loi prévoit que les hausses de salaire des députés, des postes législatifs (par exemple les whips, le président, etc.), des chefs de parti, des ministres, du chef de l’opposition et du premier ministre n’entreront en vigueur qu’en novembre 2024, soit après les prochaines élections provinciales. Il s’agit d’une sage décision. Les élus évitent ainsi de prêter flanc à la critique, en laissant aux électeurs le privilège de déterminer qui mérite de voir sa rémunération être bonifiée.
La grande surprise est le fait que ce soit le gouvernement Higgs qui ait choisi de procéder à cette révision. Il a pourtant déjà déclaré qu’il y a trop de députés et que ceux-ci font obstacle à la prospérité de notre province. Il se fait aussi un devoir d’imposer la ligne dure aux fonctionnaires lorsque des conventions collectives sont négociées.
Pourquoi alors augmenter les salaires des députés? Parce qu’ils jouent un rôle important dans notre système démocratique. Il est normal de les payer convenablement. Le même argument vaut pour nos élus municipaux, qui ont entrepris un rattrapage salarial au cours des dernières années à l’initiative de l’Association francophone des municipalités du N.-B. Le gouvernement Higgs a pris de nombreuses mauvaises décisions au cours des derniers mois. Améliorer le traitement salarial des députés provinciaux n’est pas l’une d’entre elles.