Héros local
Un organisme de Toronto gère un système ingénieux pour brancher les urbains sur la nature et les connecter entre eux. Et les fruits frais sont gratuits.
Quand on pense « saison des récoltes », on ne pense pas forcément « centreville ». La courageuse et ingénieuse OSBL Non Loin de l’arbre récolte les fruits des terrains privés de Toronto et les partage avec les banques alimentaires et les cuisines collectives.
Avec l’arrivée de l’automne, les cultivateurs et les maraîchers ne pensent plus qu’à rentrer les récoltes. Dans les champs et les vergers du pays, les fruits mûrissent. Dans les villes aussi, les arbres fruitiers ploient sous l’abondance. Pourtant, de nombreux propriétaires ou locataires ne récoltent rien de leurs arbres. Il en résulte un gaspillage de fruits frais et gratuits, et des terrains rendus collants de fruits tombés et pourrissants qui attirent les nuisibles. Le temps aidant, certains propriétaires préfèrent se débarrasser des arbres, détruisant une précieuse ressource.
Il y a un peu plus de 10 ans, dans une réponse presque organique à ce gaspillage, sont nés dans des villes grandes et petites du Canada des projets de récupération des fruits non récoltés. À Toronto, en 2008, une jeune femme appelée Laura Reinsborough a fondé Non loin de l’arbre. Nouvellement diplômée d’une maîtrise en science de l’environnement, elle s’intéressait aussi à la question de la sécurité alimentaire. Dans ce qui pourrait ressembler au moment Eurêka induit par une pomme chez Isaac Newton, Laura a allumé sur l’idée qu’il y avait des fruits qui méritaient d’être partagés plutôt que de pourrir. Dans sa première année, avec la poignée de bénévoles qu’elle avait recrutés, elle a récolté 1 400 kg sur 40 terrains.
Selon Sue Arndt, qui dirige le projet depuis 2015, une dimension essentielle du projet Non loin de l’arbre est la façon de partager le fruit de la récolte. On la divise donc en trois parts : un tiers au propriétaire des arbres, un tiers à la bénévole cueilleuse et un tiers pour les cuisines communautaires, accueils pour itinérants, banques alimentaires ou agences similaires du voisinage.
Les résultats sont impressionnants : 70 000 kg de fruits récoltés, près de 20 000 kg fournis à plus de 35 agences locales de service social, plus de 1 600 arbres répertoriés et 2 000 bénévoles et plus associés à la récolte.
La saison commence avec les cerises en juin et s’étend jusqu’en octobre avec les pommes (avec les amélanches, les abricots, les poires, les raisins et les coings au fil de l’été). Dans une année occupée, on effectue 450 cueillettes en cinq mois. La logistique est impressionnante, puisqu’il faut entre autres 11 bicyclettes de transport stationnées aux quatre coins de la ville, pourvues de l’équipement nécessaire et prêtes à être manoeuvrées par des bénévoles-clés (qu’on surnomme « les glaneurs suprêmes ») quand on les appelle, et une robuste plateforme Web pour communiquer avec les propriétaires et les bénévoles, et pour requérir de l’aide selon les besoins.
C’est une réponse intelligente et simultanée à plusieurs défis urbains en offrant des fruits frais dans les « déserts alimentaires », en éduquant et promouvant l’appréciation de la nature tout en favorisant et en approfondissant les liens entre des urbains souvent isolés.
C’est une réponse intelligente et simultanée à plusieurs défis urbains en offrant des fruits frais dans les « déserts alimentaires », en éduquant et promouvant l’appréciation de la nature tout en favorisant et en approfondissant les liens entre des urbains souvent isolés. « Nos quartiers qui rapportent le plus de fruits sont ceux qui ont de longues histoires d’accueil des immigrants en provenance de parties du monde où avoir des arbres fruitiers était un acquis, dit Arndt. Et après toutes ces années, nous bénéficions encore de ces traditions.