Guide de terrain
Comme son cousin que l’on voit partout à Noël, cet arbuste apporte une tache de couleur dans la monotonie hivernale (et sans les désagréables épines).
Comme son cousin que l’on voit partout à Noël, le houx du Canada apporte une tache de couleur dans la monotonie hivernale (et sans les désagréables épines)
Certains l’appellent houx du Canada, mais nos voisins anglophones ont plusieurs façons de le désigner, et en particulier « winterberry », petit fruit d’hiver. C’est en effet le fruit emblématique de la plus canadienne des saisons. Ces petits fruits rouge brillant suspendus à leurs branches dénudées apportent une note joyeuse dans la palette bleu-blanc-gris de la saison sans lumière.
Même si ses feuilles n’ont pas les indentations profondes qu’on trouve sur d’autres espèces de houx, sa désignation binominale, Ilex verticillata, provient du mot latin qui désignait le chêne (ilex) à cause de la ressemblance entre la forme des feuilles. Quant à l’adjectif verticillé, Wikipédia nous apprend que « les organes d'une plante sont dits en verticille ou verticillés lorsqu'ils sont insérés au même niveau, par groupe de trois unités au minimum, en cercle autour d'un axe (tige ou rameau) ». L’adjectif réfère à la position des fruits en cercle autour de la tige principale. L’arbuste peut atteindre jusqu’à 5 m de hauteur et former des buissons denses quand l’humidité le permet. Comme certains de ses cousins (mais pas tous), notre houx indigène est dit « dioïque » (d’un mot grec qui signifie « à deux maisons ») : la plante mâle et la plante femelle sont différentes, et il faut au moins une plante mâle pour polliniser les femelles. La plante produit des petits fruits globulaires, d’environ 7 mm de diamètre, et de petites fleurs avec cinq pétales blancs ou plus. Ses feuilles allongées et en dents de scie sont vert foncé et lustrées. C’est une caractéristique
des houx décidus : ils perdent leurs feuilles à l’automne. Ce faisant, en dégageant visuellement les brillants fruits rouges, ils se transforment en une addition décorative à votre jardin endormi; voilà pourquoi on les cueille aussi pour créer des couronnes intérieures.
Pour visuellement attirant qu’il soit, Ilex verticillata est aussi vénéneux et contient une toxine appelée théobromine, un alcaloïde similaire à la caféine présente dans le cacao et le thé. « Un alcaloïde dénomme de manière générique diverses molécules à bases azotées. [...] Habituellement en chimie biologique, les alcaloïdes sont des dérivés des acides aminés. [...] Associés à l'essor de l'industrie pharmaceutique, ils ont permis d'ouvrir le domaine des « médicaments chimiques » à partir de la fin du 19e siècle. » (Wikipédia). La théobromine et la caféine sont similaires en tant qu’alcaloïdes qui affectent le système nerveux humain. La théobromine a un impact moindre sur le système nerveux, mais est un puissant stimulant du système circulatoire : elle accélère le coeur et élargit les artères. Ces substances chimiques sont surtout présentes dans les fruits, mais l’écorce et les feuilles sont aussi toxiques. Des quantités importantes des fruits peuvent provoquer des étourdissements, des crampes d’estomac, de la nausée, de la diarrhée, un pouls accéléré avec une faible tension artérielle de même que de la somnolence, particulièrement chez les enfants et le petit bétail. C’est probablement ce qui explique qu’on appelle aussi la plante fever bush.
Malgré ses effets secondaires généralement perturbants, le houx a connu de nombreuses applications en médecine populaire. On en faisait bouillir les feuilles et l’écorce pour produire un tonique et pour soulager la fièvre. On produisait un cataplasme avec l’écorce pour soigner les éruptions et les démangeaisons, tandis qu’on consommait les fruits comme purgatifs et pour chasser des parasites intestinaux. On n’a pas pu démontrer scientifiquement l’efficacité de cette pharmacopée folklorique, alors que ses effets toxiques sont bien documentés. Nous déconseillons fortement d’y recourir, alors que des solutions pharmaceutiques efficaces et sécuritaires sont disponibles.
Mais le houx verticillé a encore sa place dans nos jardins et dans nos maisons, apportant ses vives couleurs dans notre saison sans lumière. Comme joyeuse décoration du temps des Fêtes, il offre une image bien canadienne pour remplacer le traditionnel houx européen. —MEL WALWYN