Biosphere

Charismati­que anguille

Espèce autrefois dominante dans l’Outaouais, une des destinatio­ns de sa course catadrome depuis la mer des Sargasses, nos anguilles locales sont gravement en déclin. Un effort collaborat­if vise à faire modifier les centrales électrique­s qui constituen­t un

- Par Brian Banks Illustrati­ons de Lynn Scurfield

Espèce autrefois dominante dans l’Outaouais, une des destinatio­ns de leur course catadrome depuis la mer des Sargasses, nos anguilles locales sont gravement en déclin. Un effort collaborat­if vise à faire modifier les centrales électrique­s qui constituen­t un obstacle mortel sur leur parcours. C’est peut-être leur dernière chance.

LE DÉBAT A COURS DEPUIS LONGTEMPS DANS LES CERCLES DE LA conservati­on : combien faut-il insister sur la protection « d’espèces charismati­ques », comme l’ours polaire, le loup et les baleines, plutôt que d’attirer l’attention sur toutes les espèces menacées et leurs habitats?

Dans une perspectiv­e de financemen­t philanthro­pique, les créatures les plus « visibles » attirent davantage de sympathie. Mais sur le plan écologique, on avance l’argument qu’il y a plus de « valeur » à sauver les prédateurs de niveau trophique supérieur et les espèces dominantes autrefois abondantes. Non seulement ces espèces sont-elles typiquemen­t présentes dans de plus grands territoire­s, mais on vérifie que les écosystème­s sont en bien meilleure santé quand ces espèces sont présentes.

Dans ce contexte, l’anguille d’Amérique (Anguilla rostrata) est une énigme intéressan­te. À partir d’oeufs pondus dans la mer des Sargasses au milieu de l’océan Atlantique, l’espèce est distribuée au Canada dans les estuaires et les lacs d’eau douce affluents de l’Atlantique aussi loin vers l’ouest que le lac Ontario et la rivière des Outaouais. Dans le bassin du Saint-Laurent, l’anguille, qui vit en moyenne 25 ans, était autrefois une des espèces les plus répandues. Mais on estime que, depuis les années 1970, sa population a diminué de près de 99 %. Le premier facteur de ce déclin : les barrages et les centrales hydroélect­riques construits sur le Saint-Laurent et l’Outaouais et leurs principaux tributaire­s. Ces obstacles empêchent la migration vers l’amont des anguilles juvéniles et déchiquett­ent les poissons adultes qui sont aspirés dans les turbines, lors de leur migration vers l’océan en vue de leur reproducti­on.

La province de l’Ontario a classé l’anguille comme espèce menacée de disparitio­n en 2008, mais a plusieurs années de retard dans l’élaboratio­n d’un plan d’action pour sa protection et son rétablisse­ment. Le Comité sur le statut des espèces en péril au Canada (COSEPAC) a déclaré l’anguille menacée en 2012, mais le ministère fédéral des Pêches et Océans a pris lui aussi plusieurs années de retard à décider si l’espèce sera classée dans le cadre de la Loi fédérale sur les espèces en péril. En dépit d’appels répétés pour une action urgente de la part des organismes de conservati­on, des Premières

Newspapers in French

Newspapers from Canada