Jours de plaine
Plus de 70 % des prairies indigènes à graminées ont été perdues pour les besoins de l’agriculture, de l’industrie et de l’urbanisation, mettant en péril ce précieux écosystème et les nombreuses espèces qu’il héberge. Tout le monde devra mettre l’épaule à la roue pour sauvegarder ce précieux patrimoine : éleveurs, Autochtones, écologistes et les trois niveaux de gouvernement. Il est déjà tard. Plus : cinq espèces de la prairie qui ont besoin de protection maintenant.
Plus de 70 % des prairies indigènes à graminées ont été perdues pour les besoins de l’agriculture, de l’industrie et de l’urbanisation, mettant en péril ce précieux écosystème et les nombreuses espèces qu’il héberge. Tout le monde devra mettre l’épaule à la roue pour sauvegarder ce précieux patrimoine : éleveurs, Autochtones, écologistes et les trois niveaux de gouvernement. Il est déjà tard.
est de marcher dans les hautes herbes, main dans la main avec son père. C’était la fin de l’été et ils se dirigeaient vers le terrain de la foire locale près du village de Tantallon, dans la vallée de la rivière Qu’Appelle, en Saskatchewan. Les graminées étaient plus grandes que lui, mais en se déplaçant il découvrait des aperçus vers les collines lointaines qu’il comparait à des animaux endormis. « C’est la prairie telle qu’elle m’a imprégné », raconte Herriot, aujourd’hui auteur, naturaliste et militant pour la conservation de la prairie indigène. « Je me sentais en sécurité dans un monde bienveillant. »
Dans son souvenir, son père et lui sont sortis du champ pour arriver dans une vibrante foire. Des tartes, des tomates, des pétunias et des fleurs de souci étaient soigneusement étalés devant lui, « avec la fierté des aliments produits à la main ».
On était vers 1962 et, à cette époque, des immigrants durs à l’ouvrage avaient établi les ranchs et les fermes qui formaient la base de « la ceinture du blé » du Canada. Mais cela s’était fait au prix de la majeure partie de la prairie indigène à graminées, déchirée par les charrues pour nourrir une nation en croissance. En ce jour qui habite le souvenir d’Herriot, près des deux tiers de la prairie sauvage avaient été convertis en Alberta, en Saskatchewan et au Manitoba. Plusieurs des espèces qu’on considérait incompatibles avec l’agriculture, comme le renard véloce et le putois à pieds noirs, avaient été éradiquées ou étaient en passe de l’être.
Ce qui reste de ces prairies naturelles est maintenant fragmenté entre les provinces centrales et leur conversion en terres agricoles ou industrielles se poursuit. Quelques exceptions sont disséminées dans des secteurs protégés, des ranchs privés ou des pâturages communautaires. Ces derniers présentent le meilleur potentiel aux fins de la conservation, mais cela pourrait changer si les provinces des Prairies, ayant acquis de nouvelles responsabilités de
L’UN DES PLUS ANCIENS SOUVENIRS DE TREVOR HERRIOT
gestion des pâturages en 2012, ne s’engagent pas dans un solide mandat de conservation.
L’enjeu porte sur les populations en diminution de plusieurs espèces d’oiseaux, d’antilocapres, de petits mammifères, d’insectes et de reptiles dont l’évolution les a confinés dans les confins septentrionaux de prairie tempérée autrefois immense. Le sauvetage des vestiges de ces espèces et de ces paysages reposera entre autres sur la capacité des Canadiens à soutenir les éleveurs, les communautés et les écologistes qui luttent pour conserver ce qui reste.
Avant la colonisation européenne, la grande prairie tempérée d’Amérique du Nord s’étendait sans interruption du nord du Mexique jusqu’aux provinces canadiennes. Les graminées prédominaient, occupant une niche où il n’y avait pas assez d’humidité pour les arbres, mais où la sécheresse n’était pas telle que le désert s’installe. Les bisons des plaines vaquaient en hardes de plusieurs millions, leur bruyante présence creusant un habitat dans le paysage pour une multitude d’espèces comme le blaireau, l’antilocapre et le chien de prairie. Les coyotes et les grizzlys occupaient le sommet de la chaîne alimentaire, en conjonction avec les Autochtones chasseurs de bisons, qui utilisaient le feu pour entretenir l’écosystème. Les cris des pipits de Sprague et des plectrophanes à ventre noir signalaient l’arrivée du printemps, tandis que de grandes espèces migratrices comme les oies blanches faisaient escale en grand nombre pour faire le plein d’énergie dans les vastes marécages et les fondrières, en route vers leurs territoires de reproduction de l’Arctique.
Entre le milieu et la fin du XIXe siècle, les bisons étaient pratiquement disparus, et avec eux l’une des principales forces qui façonnaient les Prairies. Les Premières Nations qui les chassaient avaient été battues et pour la plupart confinées à des réserves. Quant aux immigrants européens, ils étaient attirés à s’installer dans les Prairies par des promesses de liberté et de propriété foncière. Ils cultivaient la terre pour se nourrir. Le développement de l’agriculture et des villes empiétait sur le territoire des renards véloces, des putois à pieds noirs, des coyotes et des grizzlys qui ont été chassés, empoisonnés et finalement repoussés. Plus des deux tiers d’une étendue contiguë de l’écozone des Prairies qui s’étend sur 465 000 km2 (soit près de 5 % de la masse territoriale du pays) étaient irrémédiablement perdus.
« La prairie sauvage est aujourd’hui l’un des écosystèmes terrestres les plus menacés », dit Carolyn Callaghan, biologiste de la conservation à la FCF. « Une prairie brisée ne se rétablira jamais. » Elle compare la prairie à un iceberg. « La majeure partie du système vivant est sous la surface, les graminées ne sont qu’une petite portion de tout ce qui
s’y trouve. » Si le sol est labouré, les lichens, les microbes, les plantes et les autres membres de la communauté pédologique sont irrévocablement altérés et c’est pourquoi elle affirme ceci : « Chaque fragment de prairie indigène est précieux. Nous devons conserver ce qui nous reste. »
Les écosystèmes de la prairie ne sont pas seulement importants pour les animaux; ils procurent aussi d’importants services aux gens qui y vivent, observe Dan Kraus, biologiste à Conservation de la nature Canada. Le système racinaire de la prairie retient l’humidité et réussit à ralentir les inondations d’une façon que le sol travaillé ne parvient pas à faire. Les racines libèrent de l’humidité pendant la sécheresse. La prairie indigène fixe plus de carbone qu’elle n’en produit, et Kraus souligne qu’il se pourrait qu’elle soit plus résistante à la sécheresse future et à l’érosion corollaire, qui pourraient être exacerbées par les changements climatiques.
L’écozone de la prairie est divisée en divers types d’associations végétales qui, toutes, ont connu une diminution radicale de leur extension. En 2010, selon le rapport Biodiversité canadienne : état et tendances des écosystèmes du Conseil canadien des ministres des ressources, seulement 25 % (soit environ 10 000 km2) de prairies d’herbes mixtes et de prairies à fétuques étaient encore en place dans l’écozone. La prairie d’herbes hautes a complètement disparu, avec seulement 100 km2 restant des 6 000 km2 originaux au Manitoba. Depuis lors, les prairies continuent d’être détruites par les terres agricoles et l’urbanisation, et nous les perdons peut-être plus vite que nous le pensons.
Nicola Koper est professeure à l’Institut des ressources naturelles de l’Université du Manitoba où elle étudie l’écosystème des Prairies depuis18 ans. Son travail a porté principalement sur les communautés aviaires de la prairie. Elle considère que ce n’est pas seulement la conversion de la prairie à d’autres usages, mais aussi la perte additionnelle liée à « l’effet de lisière » qui ont un impact majeur sur les oiseaux du milieu. « Cela provoque une perte d’habitats accueillants beaucoup plus importante à l’échelle du paysage que ce dont nous, humains, sommes conscients au moment de la conversion de ces milieux. »
L’effet « de lisière » — ou l’effet de frontière — se produit chaque fois que la prairie indigène originale vient en contact avec des habitats altérés, comme des infrastructures humaines et des terres agricoles. L’effet de lisière est associé à des activités récréatives, à des routes ou à des champs cultivés. Les puits de pétrole et de gaz amènent du bruit et des voies carrossables. Des effets indésirables peuvent être associés à des événements bénins. Par exemple, des clôtures autour des champs créent des perchoirs pour les rapaces et
QUAND LES CANADIENS PENSENT À DES ÉCOSYSTÈMES MONDIAUX EN VOIE DE RARÉFACTION, ILS SE REPRÉSENTENT LES FORÊTS PLUVIALES
ET LES RÉCIFS CORALLIENS, MAIS AU COEUR DU CANADA SE TROUVE UN ÉCOSYSTÈME QUI EST AUSSI IMPORTANT, RARE ET MENACÉ QUE N’IMPORTE QUEL AUTRE GRAND ENSEMBLE DANS LE MONDE.
les vachers. Ces changements modifient le paysage pour les oiseaux de la prairie « qui, dit Nicola Koper, devient malheureusement beaucoup moins accueillant pour eux ».
La question se complique du fait que, comme tous les écosystèmes, les prairies ne sont pas des monocultures, mais une juxtaposition d’habitats subtilement différents. Plusieurs espèces sont spécialistes d’un type particulier de prairie. Ce qui est bon pour l’une ne l’est pas forcément pour l’autre.
« Les espèces qui aiment une couverture végétale modérée se portent plutôt bien au Canada », dit Koper.
Les pâturages qui subissent un broutage léger sont bien entretenus par les ranchers, qui ont réussi de cette façon à éviter l’érosion, dit-elle. « Mais les espèces qui préfèrent un habitat non perturbé ou peu brouté sont en déclin. » Le pipit de Sprague est une de ces espèces, qui préfère rester caché dans les hautes herbes. Classée comme espèce en voie d’extinction selon la loi fédérale, sa population a connu un déclin significatif depuis 50 ans, comme celle d’autres spécialistes de la prairie, dit Koper.
À l’inverse, on constate aussi un déclin chez les espèces qui aiment les pâturages broutés ras comme les plectrophanes à ventre noir, aussi une espèce menacée. Ces espèces ont évolué pour tirer avantage des comportements de broutage des bisons, et dans certains secteurs « les bisons y allaient
fort », dit Koper. « Les oiseaux qui étaient vraiment adaptés à cet environnement perdent aujourd’hui leur habitat. »
En reproduisant mieux la façon dont les bisons utilisaient le paysage, les écologistes et les éleveurs peuvent collaborer pour protéger la prairie indigène. C’est un système résilient, dit Koper. « Même si un secteur subit un broutage intense, une fois que vous retirez le bétail, l’habitat retrouve rapidement son équilibre initial. »
À cette fin, les plus grands pâturages sont les meilleurs, dit Koper. Le bétail choisit ses sites de broutage d’une manière similaire à ce que faisaient les bisons. Certains secteurs sont intensément broutés et d’autres ne le sont pas. Une activité intense sur une courte période, suivie de longs repos, est la clé.
Depuis plusieurs décennies, les écologistes et les éleveurs considéraient les pâturages publics comme des endroits où existaient de bonnes occasions de gérer la prairie indigène à la fois pour les besoins de l’élevage et ceux de la faune sauvage. Ces pâturages ont été créés dans les années 1930 quand, en réponse à de graves sécheresses et à des problèmes subséquents d’érosion, le gouvernement canadien a créé l’Administration du rétablissement agricole des Prairies. Au travers de cette démarche, le fédéral prit le contrôle de prairies indigènes, assura leur rétablissement et les loua aux éleveurs pour le pâturage du bétail.
Il existe 89 pâturages de l’Administration du rétablissement agricole des Prairies, totalisant 900 000 hectares, et la majeure partie d’entre eux se trouvent en Saskatchewan. À l’intérieur de leurs limites se trouvent certains des plus grands et des meilleurs fragments de prairie indigène existants, qui assurent un habitat à 31 espèces en péril, dont la chevêche des terriers, le renard véloce, le putois, le pipit de Sprague et le tétras des armoises. En tant que territoires fédéraux, ces pâturages sont sujets à la même réglementation et à la même protection associées aux lois fédérales, comme la Loi sur les espèces en péril.
Toutefois, en 2012, la décision du gouvernement
Harper de démanteler le programme fédéral des pâturages communautaires et de remettre ces terrains aux provinces a changé la donne.
Depuis lors, la gestion des trois pâturages d’Alberta a été transférée à la base militaire (fédérale) de Suffield, et demeure donc soumise à la Loi sur les espèces en péril. L’Association des pâturages communautaires du Manitoba, un OSBL de production, a pris la responsabilité de la gestion de 20 pâturages, grâce à un financement intérimaire fourni par la province. Même si la gestion des pâturages n’est plus soumise à la Loi sur les espèces en péril, la protection des écosystèmes de la prairie fait partie de son mandat.
Le sort des pâturages de Saskatchewan a été le plus incertain depuis la décision de 2012, quand le gouvernement a d’abord considéré d’en vendre certains pour usage privé. La réaction indignée des éleveurs qui louaient les terrains convainquit le gouvernement de reporter la liquidation des pâturages. En 2017, le gouvernement de la province a annoncé qu’il mettait fin à son programme de pâturage communautaire et qu’il vendrait éventuellement le tiers de ces terres. La réaction du public et les commentaires subséquents obtenus dans le cadre d’un sondage dans toute la province ont démontré que la population était très majoritairement en faveur de la propriété publique des pâturages et de la continuité de leur vocation communautaire. En conséquence, les membres de la Community Pasture Patrons Association of Saskatchewan louent maintenant les pâturages du gouvernement provincial, sans soutien pour la gestion des espèces en péril ni du fédéral ni du provincial, dit Callaghan. Les derniers des pâturages sous gestion fédérale que Callaghan décrit comme « certains des meilleurs et des plus grands » seront remis à la Saskatchewan cette année.
Une option pour la gestion des pâturages qui conviendrait aussi bien à l’élevage qu’à la conservation de la biodiversité pourrait être rendue disponible par l’intermédiaire du programme En route vers l’objectif 1 du Canada, une initiative fédérale qui vise à protéger au moins 17 % des zones terrestres et des eaux intérieures d’ici 2020. Cet objectif sera atteint par la création de réseaux d’aires protégées et d’« autres mesures de conservation efficaces par zone » ou AMCEZ. L’Union internationale pour la conservation de la nature caractérise une AMCEZ comme « un espace défini géographiquement, non reconnu comme une aire protégée, qui est régi et géré à long terme selon des principes qui procurent une conservation in situ efficace de la biodiversité, avec les services écosystémiques concomitants, et des valeurs culturelles et spirituelles ». En d’autres mots, tant que les valeurs essentielles de conservation sont satisfaites, ces espaces peuvent servir à d’autres fins. Callaghan considère que les pâturages publics correspondent parfaitement à la définition. « Ils peuvent servir à protéger la prairie indigène tout en permettant l’élevage bovin. »
Callaghan aimerait aussi que le Canada formalise la protection des Prairies dans des politiques qui facilitent la conservation et guident la recherche et l’action sur le terrain. « Nous n’avons pas en main des outils pour connaître
combien de prairie indigène il nous reste », dit-elle, ajoutant qu’Agriculture et Agroalimentaire Canada travaille à développer des instruments de télédétection à cette fin.
De plus, elle ajoute que « nous avons besoin de soutenir les éleveurs qui entretiennent déjà leur prairie ». Beaucoup d’éleveurs privés ont des étendues de prairie indigène sur leurs terres. Callaghan suggère que des subventions gouvernementales ou des incitatifs fiscaux soient offerts aux éleveurs qui continuent de protéger la prairie indigène. Hypothèse plus spéculative : les prairies pourraient être intégrées au marché du carbone, ce qui permettrait aux éleveurs de recevoir des paiements d’entreprises du secteur de l’énergie pour conserver les prairies, qui stockent beaucoup de carbone.
Alors que ces enjeux sont au premier plan des esprits et des coeurs de nombreux habitants et écologistes des Prairies, il s’avère difficile de rallier le reste du Canada autour d’actions en matière de conservation de la prairie. Dan Kraus, de Conservation de la nature Canada, observe : « Quand les Canadiens pensent à des écosystèmes du monde en voie de raréfaction, ils se représentent les forêts pluviales et les récifs coralliens, qui sont importants et que nous devons protéger. Mais nous devons faire prendre conscience aux gens qu’au coeur du Canada se trouve un écosystème qui est aussi important, rare et menacé que n’importe quel autre grand ensemble dans le monde. » Conservation de la nature Canada travaille à créer des servitudes de conservation avec des éleveurs et des exploitants agricoles pour compenser pour les coûts de la protection de la prairie indigène. Kraus aimerait que davantage d’aires protégées soient représentatives des écotypes de prairie.
Des campagnes de sensibilisation formalisées, une gestion durable des pâturages de prairie et certaines formes de protection fédérale aideraient beaucoup, mais, au bout du compte, Herriot suggère qu’il faudrait un recadrage des rapports des gens avec la prairie. Non seulement ces écosystèmes sont-ils intrinsèquement dignes de protection, mais ils procurent aussi des occasions de connexion spirituelle et culturelle avec la nature.
À cette fin, il suggère que nous incluions les populations autochtones, dont les ancêtres ont chassé le bison dans les plaines pendant des millénaires, dans le débat sur la protection de la prairie indigène. « Les voix autochtones sont chargées de valeurs culturelles profondes, dit-il. Si nous pouvons travailler avec les Premières Nations du Canada qui sont préoccupées par la conservation et les impliquer non seulement dans la conservation de la prairie, mais aussi d’autres écosystèmes, je crois que nous commencerons à voir la réorientation culturelle dont tous les Canadiens ont besoin. »
Herriot, évidemment, n’a pas besoin qu’on le convainque. Son rapport avec le territoire est évident quand il décrit le chant de l’alouette au printemps. Il a vu des chevêches à leur terrier et des buses rouilleuses dans le ciel. « Ces choses-là sont immensément importantes. Ce sont des valeurs qu’on ne peut traduire en dollars. »
Callaghan est d’accord : « Il faut de la patience avec la prairie, mais vous finirez par voir sa beauté sauvage autour de vous. Son ciel étoilé est incroyable. Sa tranquillité… quand vous êtes dans le sud-ouest de la Saskatchewan, vous n’entendez aucun bruit humain autour de vous, sinon le vôtre. C’est exceptionnel. Tout ce dont nous avons besoin, c’est d’une manière différente de regarder les plaines et de jouir subtilement de leur beauté. Alors, apprendre à les protéger devient un geste naturel.
Visitez les sites de la FCF et de Faune et flore du pays
(hww.ca) pour regarder des vidéos tournées dans la prairie, mieux comprendre ses écosystèmes et trouver votre place dans sa conservation.