Héros local
Fasciné par les rapaces depuis l’enfance, David Hancock défend les pygargues à tête blanche becs et ongles depuis des décennies
Fasciné par les oiseaux de proie quand il était jeune, David Hancock a passé sa vie à défendre et à revendiquer au nom des pygargues à tête blanche
Texte et photo de Isabelle Groc
DAVID HANCOCK A PLUSIEURS CORDES À son arc : biologiste de la faune, protecteur de l’environnement, auteur, éditeur, conférencier, réalisateur et pilote. Il observe les pygargues à tête blanche en Colombie-Britannique depuis plus de 65 ans. Chaque fois qu’il en voit un, sa joie et son enthousiasme ne faiblissent pas : « Je n’ai jamais cessé d’être émerveillé par ces oiseaux » dit-il.
David Hancock, qui a maintenant 80 ans, est fasciné par les oiseaux de proie depuis les années 50, lorsqu’il était enfant. À cette époque il a attrapé son premier rapace, un épervier de Cooper, dans un piège à cailles sur l’île de Vancouver. Il avait 11 ans. À 14 ans, il a eu l’occasion de voir de près un jeune pygargue à tête blanche blessé, qu’il a aidé à soigner. « L’habileté de ces machines volantes me ravissait au point de décider d’apprendre à voler moimême ». Après l’école secondaire, il s’est procuré un petit avion biplace qu’il pilotait le long de la côte de la Colombie-Britannique et il survolait la vallée de la Fraser à la recherche de nids de pygargues. « Je volais autour du mont Tuam sur l’île Salt Spring et il y avait 10 à 20 aigles en plein essor. Une fois j’ai coupé le moteur et j’ai plané avec eux. C’était un moment de quiétude, ma seule expérience de pilote de planeur. »
Quand David Hancock s’est mis à la recherche des pygargues, les nids étaient difficiles à trouver. Au début des années 60, quand il survolait les plans d’eau et l’orée des forêts, il n’a trouvé que 3 nids actifs de pygargues dans la vallée du Fraser. L’explication était simple : les pygargues à tête blanche étaient considérés comme des animaux nuisibles. Entre 1917 et 1952, le gouvernement de l’Alaska offrait des primes pour chaque aigle abattu. Résultat : au moins 120 000 ont été tués en Alaska et dans l’État de Washington, et la migration annuelle a été décimée. « J’ai compris la signification des attitudes à l’égard des pygargues, c’était affligeant, » dit-il.
Quand il a compris combien ses chers oiseaux étaient en difficulté, David Hancock a décidé de consacrer sa vie et son travail à changer les attitudes pour contribuer à la conservation des pygargues. Il faisait des conférences dans les écoles, réalisait des documentaires, installait des caméras dans les nids et s’appliquait activement à sauver les arbres nichoirs. « J’étais un de ceux qui veulent faire une différence, qui veulent faire comprendre le côté spectaculaire des pygargues. »
Les attitudes publiques face aux pygargues à tête blanche ont changé progressivement et ils ont obtenu un statut protégé dans les années 1950. Conséquemment, les populations d’oiseaux ont augmenté de façon significative. Actuellement, David Hancock a trouvé au moins 400 nids actifs dans la vallée du Fraser. Mais le retour de ces oiseaux ne signifie pas que son travail est terminé. Il estime que 35 000 pygargues s’arrêtent dans le cours inférieur du Fraser chaque année lors de la migration. Il pense que c’est le plus grand rassemblement de pygargues au monde. « Avec la plus grande population de pygargues au monde vient la plus grande responsabilité. Il nous faut comprendre d’où viennent ces aigles et où ils vont. »
Les aigles font face à de nouvelles menaces. Par exemple ils perdent de plus en plus de territoire de nidification parce que les vieux arbres sont coupés pour faire place au développement résidentiel et commercial. David Hancock est aussi préoccupé par l’exposition des oiseaux aux pesticides. « Nous avons une obligation de conservation : nous devons nous assurer que leur nourriture n’est pas empoisonnée ou contaminée. »
Afin de mieux comprendre les pygargues à tête blanche, David Hancock, en collaboration avec l’université Simon Fraser, a lancé une étude pour comprendre où les oiseaux sont allés en les capturant et en les équipant de transmetteurs cellulaires à recharge solaire. Quand un oiseau vole à proximité d’une tour de relai cellulaire, le module envoie des données qui permettent de savoir où se trouve le pygargue. « Si vous avez des enfants, vous aimeriez qu’ils vous appellent, » dit-il. Son équipe teste aussi les plumes des oiseaux à la recherche de pesticides et de métaux lourds, et utilise les données du GPS pour savoir où les pygargues ont été contaminés. « Ces oiseaux ont de nombreux messages pour nous, si nous apprenons à bien les analyser.
David Hancock pense que les Canadiens ont une responsabilité particulière : « Avec la plus grande population de pygargues au monde vient la plus grande responsabilité. Il nous faut comprendre d’où viennent ces aigles et où ils vont. »