L’amoureux des arbres
Gary Schneider aime les forêts indigènes, et il invite ses concitoyens de l’Île-du-Prince-Édouard à partager son amour.
Gary Schneider aime les forêts indigènes, et il invite ses concitoyens de l’Île-du-Prince-Édouard à partager son amour.
Au tournant du 20e siècle, plus de 75 % des forêts de l’Î.-P.-E. — érables à sucre, bouleaux jaunes, chênes rouges, hêtres à grandes feuilles, pruches du Canada, épinettes rouges, pins blancs et frênes blancs — avaient été défrichées pour l’agriculture et la construction navale. Après la Deuxième Guerre mondiale, quand on a laissé les forêts se régénérer, les seuls arbres qui restaient ont occupé le terrain : l’omniprésente épinette blanche, avec sa croissance rapide et sa courte espérance de vie.
La prédominance de cette espèce médiocre au travers de l’île paisible a engendré une culture de coupe à blanc puis, lorsque l’industrie et le gouvernement ont décidé de reboiser, ils ont choisi des espèces non-indigènes comme le pin noir d’Autriche et le mélèze du Japon... et encore des épinettes. Ces choix ont eu des conséquences importantes pour la biodiversité locale, tant dans la canopée que dans le sous-bois, pour les espèces animales aussi bien que végétales.
C’est en réaction à cette réalité que Gary Schneider s’est jeté dans l’action, il y a 25 ans. Avec un bagage de journaliste en Ontario, il a contribué à la fondation, en 1989, de la Coalition Environnement de l’Île-du-Prince-Édouard, un organisme caritatif voué à « l’éducation, la revendication et l’action ». L’un de ses principaux champs d’intervention depuis 1991 a été le projet de Foresterie écologique du Boisé Macphail. Le mandat de ce centre d’éducation à l’écologie de 58 hectares, de son sentier et de sa pépinière d’espèces indigènes, dirigé jusqu’à aujourd’hui par Schneider, est de restaurer et de propager la flore indigène partout dans la province insulaire.
Le centre lança ses affaires en vendant des arbres indigènes, qui furent adoptés sur des propriétés privées, des concessions forestières et des terres de la Couronne. Le centre entreprit plus tard de cultiver des arbustes, puis des fleurs sauvages et des fougères — qui tous furent bien accueillis par le marché. « Nous sommes les premiers producteurs de diversité dans les Maritimes, dit Schneider, et avec une longueur d’avance. »
Schneider admet candidement qu’il serait prohibitif de replanter toutes les forêts disparues de l’île, mais ça n’est pas son intention. Il espère plutôt établir des banques de semences qui, avec le temps et la demande provinciale pour la renaturalisation, finiront par reconquérir l’île rouge. Jusqu’à maintenant, ça fonctionne. Plusieurs des espèces prises en charge par le Boisé Macphail, déclarées en péril dans la province par le Centre des données de conservation du Canada atlantique, sont aujourd’hui en voie de rétablissement.
On peut citer ici l’hamamélis, un arbrisseau classé comme « critiquement menacé » par le Centre des données de conservation. Après avoir recueilli quelques graines il y a une vingtaine d’années, Schneider a semé, distribué et replanté plus de 10 000 plants individuels. Un autre sauvetage récent a touché le cornouiller à feuilles rondes (Cornus rugosa), dont on ne connaissait plus que deux individus dans la province. Les plantations réalisées au Boisé Macphail ont aujourd’hui permis de produire des milliers de graines. « Bon nombre des plantes qui étaient en péril ne le sont plus », commente Schneider.
Non content de faire revivre les forêts de sa province, Schneider s’est attaqué progressivement aux attitudes qui ont initialement provoqué leur déclin. « Notre action éducative est devenue notre principale activité », dit-il. Chaque été, l’équipe du Boisé Macphail mobilise des centaines d’étudiants de partout dans la province dans le cadre d’excursions de plantation conçues pour déclencher l’amour de la nature... Elle utilise aussi son propre territoire — qui connaît diverses phases de renaturalisation — pour démontrer à des acteurs de l’industrie forestière la valeur de la diversité dans les concessions provinciales.
Pour jouer son rôle de champion de la sylviculture durable, le Boisé Macphail récolte et replante, selon des techniques forestières à valeur ajoutée — comme la « coupe sélective » pour maintenir un couvert forestier ininterrompu et en santé — sur 800 hectares de terres publiques qui ont été confiées à la gestion de l’organisme par le gouvernement provincial en 2005. Au moment de signer cet accord historique, Schneider s’est engagé à planter 200 espèces indigènes rares ou inhabituelles sur ces hectares chaque année, à faire pousser plus de bois que ce qui est récolté et à planifier les récoltes en fonction des besoins divers de l’écologie locale, comme les saisons de reproduction des animaux. Finalement, le bois qui y est récolté sera toujours de la plus haute qualité. « L’enjeu véritable, c’est que vous ne pouvez pas saccager vos forêts en espérant qu’elles auront repoussé dans 30 ans », observe Schneider.
Schneider se présente comme un amoureux des forêts qui prend beaucoup de plaisir à ramener des frênes, des hêtres et des pins, avec toute leur envergure, sur des terres autrefois réservées à la production des pommes de terre. Il souhaite que tout le monde partage sa passion. « Je ferai tout ce que je peux pour vous aider à tomber amoureux des forêts.
Zack Metcalfe est journaliste, chroniqueur et écrivain dans les Maritimes.
Gary Schneider souhaite que tout le monde partage sa passion. « Nous ferons tout ce que nous pouvons pour vous aider à tomber amoureux des forêts. »