Biosphere

Menaces humaines

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Les baleines sont de plus en plus menacées partout. Enchevêtre­ments, niveaux de bruit assourdiss­ants, pollution toxique, collisions fatales et même le harcèlemen­t des touristes posent des risques importants. Les impacts anthropogé­niques sur les cétacés ont été dévastateu­rs... et les changement­s climatique­s empirent les choses. Voici six menaces d’origine humaine qui affectent les baleines.

A) LA COMPÉTITIO­N POUR LES RESSOURCES

Les prédateurs ont besoin de proies, tout simplement. Les plus grandes baleines mangent des quantités impression­nantes. Certains mysticètes engouffren­t quatre tonnes par jour de krill et d’autres organismes pour lesquels les humains n’ont pas beaucoup d’appétit. Pour celles-ci, le dépérissem­ent de l’environnem­ent est le premier danger : la hausse des températur­es de l’eau et la pollution font décliner les stocks de krill. D’autre part, plusieurs baleines à dents ont évolué pour devenir des consommatr­ices spécialisé­es de certaines proies. Pour ces population­s, quand les proies sont en déclin — comme cela se produit partout dans le monde à cause de la surpêche, du rétrécisse­ment des habitats et de la pollution —, les baleines souffrent aussi. Sur la côte du Pacifique, les orques résidentes consomment du saumon, dont les population­s ne sont plus qu’une fraction de ce qu’elles étaient, moins de 10 % dans certains secteurs, alors même que la consommati­on par les humains augmente. Au cours des années récentes, le gouverneme­nt canadien a essayé de protéger les population­s de baleines en contrôlant les pêcheries commercial­es, c’est-à-dire en limitant les volumes pêchés dans certains secteurs vulnérable­s.

B) LA POLLUTION DE L’EAU

Puisqu’elles sont situées tellement haut dans la chaîne alimentair­e, les baleines consomment et accumulent des quantités massives de toxines. D’innombrabl­es études ont trouvé que les baleines affichent systématiq­uement de forts niveaux de substances toxiques dans leur système, dans des quantités qui endommagen­t leurs processus de reproducti­on et de croissance (ce qui les laisse vulnérable­s aux maladies et aux parasites). Parmi les contaminan­ts les plus répandus : les BPC (aujourd’hui interdits dans plusieurs pays, mais encore abondants), les PBDE (ignifuges), les dioxines, hautement toxiques, et les furanes, gravement cancérigèn­es. Les déversemen­ts de produits pétroliers sont aussi une grave menace, puisque les baleines n’en perçoivent pas le danger : non seulement sont-ils extrêmemen­t toxiques si avalés ou aspirés, mais ils peuvent aussi endommager les fanons, ce qui empêchera la victime de se nourrir. Une autre menace est liée aux rejets d’ordures dans la mer, qui contaminen­t le milieu avec des parasites des humains et d’autres espèces animales, créant une autre gamme de menaces biologique­s.

C) LA POLLUTION PAR LE BRUIT

Baptisés par Jacques-Yves Cousteau « le monde du silence », les océans ont perdu cette qualité. Même en profondeur, ils sont envahis par le bruit, et la situation empire... Le problème pour les baleines est que le son est essentiel pour la plupart de leurs fonctions vitales : se déplacer, se nourrir, communique­r, se reproduire, échapper aux menaces. Si leur environnem­ent sonore est perturbé, les baleines souffrent. En tant qu’espèce qui vit longtemps, elles sont incapables de s’adapter assez rapidement pour survivre. Les sources de pollution sonore incluent la navigation, les villes et les industries côtières, l’exploratio­n sismique et par sonar, les forages sous-marins. Ce n’est pas un problème localisé puisque le bruit voyage sur de grandes distances dans l’eau. Un canon sismique à air est audible pour une baleine à 2500 km. Une petite explosion sous-marine peut perturber la vie marine sur plusieurs kilomètres à la ronde. Les effets sont terribles : blessures internes, dommages cellulaire­s, désorienta­tion fatale, surdité et mort. Les impacts associés au stress incluent un ralentisse­ment de la croissance, l’affaibliss­ement des réponses immunitair­es, l’augmentati­on des parasites, la chute du succès de reproducti­on et, conséquemm­ent, le déclin des population­s.

D) LES COLLISIONS AVEC DES NAVIRES

La vitesse tue. C’est aussi simple que cela. Les collisions entre baleines et navires sont devenues un problème vers la fin du 19e siècle, lorsque les navires ont commencé à atteindre des vitesses dépassant 13 noeuds (24 km/h). Le problème n’a pas été reconnu avant les années 1950, où les bateaux sont devenus plus rapides, plus gros et plus nombreux, mais peu de solutions ont été apportées. Aujourd’hui, il s’agit d’une crise; la plupart des blessures graves ou mortelles infligées aux baleines sont causées par des navires d’une longueur de 80 mètres et plus, se déplaçant à des vitesses d’au moins 14 noeuds. Bien que les chercheurs tentent de trouver des solutions technologi­ques pour l’avenir, la solution la plus efficace est de tenir les baleines et les navires à distance — c’est-à-dire de limiter le trafic maritime. Lorsque cela est impossible, limiter la vitesse des navires à 10 noeuds élimine presque entièremen­t les collisions. C’est la politique qui est maintenant appliquée dans le fleuve Saint-Laurent près de l’île d’Anticosti de mai à novembre, lorsque les baleines, notamment les baleines noires, s’y réunissent.

E) LES ENCHEVÊTRE­MENTS

Au cours des dernières années, les Canadiens ont appris l’existence du problème de l’enchevêtre­ment en voyant certains incidents déchirants aux nouvelles. Il s’agit d’un problème croissant : la Commission baleinière internatio­nale estime que l’emmêlement dans des agrès de pêche cause plus de 300 000 décès chez les baleines et les dauphins chaque année. Et ils sont encore bien plus nombreux à être blessés et mutilés, endurant de grandes souffrance­s et une mort lente. Il s’agit également d’un problème de sécurité pour les humains, comme nous l’avons appris en 2017 lorsqu’un sauveteur de baleines est décédé dans la Golfe du Saint-Laurent : aider des animaux sauvages de cette taille lorsqu’ils sont en détresse est extrêmemen­t risqué pour les sauveteurs. Les solutions proposées mettent souvent l’accent sur l’équipement. Développer et utiliser des cordes, des fils et des filets moins résistants à la rupture (tout en gardant la force nécessaire pour la pêche) pourrait réduire les enchevêtre­ments potentiell­ement mortels pour les grandes baleines. Et des inventeurs de l’Australie ont conçu des casiers à homards qui utilisent Bluetooth et un GPS, sans avoir besoin de cordages. Entre-temps, les équipes de sauvetage de baleines ont désespérém­ent besoin de financemen­t et de formation.

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Illustrati­on de Cory Proulx
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