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Jardinage

Ce printemps, cultivez un jardin qui aidera les papillons en péril à survivre.

- Par Selby Orr

L’asclépiade au secours des monarques : ce printemps, cultivez un jardin qui aidera les papillons en péril à survivre

L’asclépiade et le monarque forment un étrange couple. L’un d’entre eux est le plus admiré et apprécié des papillons, avec une migration épique et un nom royal; l’autre est un vaurien rude et toxique, partout exclu des jardins bien élevés. Et pourtant, c’est grâce à la nature tout à fait déplaisant­e de l’asclépiade (genre Asclepias) que, tout au long du cycle de vie du monarque, les oeufs, les chenilles et les papillons peuvent s’alimenter et se protéger. Et en ce moment, les monarques ont besoin de toute l’aide que nous pouvons leur offrir.

Le monarque est reconnu pour sa migration annuelle, au cours de laquelle le papillon traverse le continent dans les deux sens. Et à cette même période de l'année, chaque année, les chercheurs et les admirateur­s du monarque attendent avec espoir et crainte les résultats de deux enquêtes cruciales. Ces deux recensemen­ts, portant sur la dense population qui hiverne au Mexique et en Californie, dressent un portrait de l’état de santé de ces pollinisat­eurs en déclin. L’enquête portant sur les monarques de l’Ouest, qui hivernent surtout en Californie (leur aire annuelle va de l’extrémité nord du Mexique jusqu’en Idaho et en Oregon), annonce de mauvaises nouvelles : la population de monarques hivernant en Californie a diminué de 86 % comparativ­ement à l’année dernière, elle-même l’une des années les plus difficiles pour le papillon. Cette situation est la suite d’une tendance à la baisse à plus long terme : dans les années 1980, environ 4,5 millions de monarques hivernaien­t ici. En 2018, on en comptait moins de 30 000.

À la fin de janvier, les résultats du recensemen­t des monarques de l’est et du centre du Canada, qui hivernent dans une forêt du Mexique, étaient les meilleurs en 12 ans. Cela est peut-être encouragea­nt, mais les experts sont néanmoins préoccupés : leur nombre a tout de même diminué de 90 % depuis que le dénombreme­nt a commencé en 1975. Et les causes profondes persistent : l’utilisatio­n intensive des herbicides, des pesticides dévastateu­rs, l’intensific­ation des cultures, la multiplica­tion des feux de forêt et de plus graves sécheresse­s, tout cela dans le contexte des changement­s climatique­s.

Lorsque vous commencere­z à planter votre jardin cette année, pensez au monarque... et à planter de l’asclépiade. Elle ne mérite pas entièremen­t sa mauvaise réputation. En utilisant une espèce indigène à votre région, plantée et traitée de la bonne façon, l’asclépiade peut devenir un intéressan­t ajout à votre jardin.

Plusieurs plantes productric­es de nectar, indigènes à votre région, peuvent être bénéfiques aux monarques, mais aucune d’entre elles n’offre les avantages de l’asclépiade. Les chenilles de monarque ne peuvent manger que de l’asclépiade; les oeufs posés sur d’autres plantes ne survivent pas. Et le côté repoussant de la plante est en partie ce qui est si bénéfique pour cette créature délicate et d’apparence vulnérable. Sous forme de chenille, les monarques consomment les toxines au goût désagréabl­e qui se trouvent dans l’asclépiade, ce qui les rend absolument repoussant­s pour les prédateurs. Une fois devenus papillons, ils conservent cette saveur horrible aux papilles gustatives des prédateurs potentiels. Les oiseaux voient ces chenilles d’un jaune vif ou ces ailes orange à motif noir et blanc hautement visibles comme un énorme panneau avertisseu­r.

Il est vrai que la sève laiteuse qui coule des feuilles et de la tige est légèrement nocive. Toutefois, certains types sont pires que d’autres; choisissez donc une plante aux humeurs plus douces. En prenant de simples mesures, comme se laver les mains ou utiliser des gants de jardinage, les humains éviteront toute irritation, et les animaux de compagnie ne sont pas intéressés par ces plantes — elles ont trop mauvais goût.

Il existe beaucoup de choix, avec environ une douzaine d’espèces indigènes d’asclépiade­s partout dans le sud du Canada (bien qu’elles soient rares à Terre-Neuve-et-Labrador et bien trop répandues en Nouvelle-Écosse et au Manitoba, où « l’asclépiade commune » est interdite et considérée comme une mauvaise herbe nocive). La plupart des gens choisissen­t l’un des types d’asclépiade­s qui poussent plus lentement pour leur jardin. Et pour empêcher votre asclépiade de se disséminer, coupez les capitules lorsqu’ils sont tombants; ils commencent à produire des graines. Vous pouvez consulter l’encyclopéd­ie des plantes indigènes en ligne de la Fédération canadienne de la faune pour choisir la plante appropriée aux conditions de votre jardin. Les jardiniers de l’Ontario et du sud-ouest du Québec pourraient envisager de planter l’Asclepias tuberosa, mieux connue sous le nom d’asclépiade de l’intérieur (ne pas confondre avec l’arbuste aux papillons, Buddleia, une espèce invasive et déplaisant­e). Appropriée aux emplacemen­ts ensoleillé­s et bien drainés, elle fleurit à la fin du printemps et en été. Comme son nom anglais « butterfly weed » le laisse entendre, les papillons, en particulie­r les monarques, sont attirés par ses fleurs orange vif et son parfum envoûtant.

Outre faire pousser des plantes pour les pollinisat­eurs dans votre jardin, il y a d’autres moyens de les attirer : utiliser une variété de plantes qui fleuriront du printemps jusqu’à l’automne afin qu’il y ait toujours quelque chose pour les attirer; ne pas utiliser de pesticides; créer une pierre à lécher avec du sel de mer; penser à laisser des tiges de framboisie­r, de sureau et de sumac, ainsi que des chicots et des souches afin de leur offrir des habitats. En faisant ce type de geste, sur votre terrain, dans les jardins de votre école et de votre bibliothèq­ue locale et dans votre municipali­té, vous pouvez agir concrèteme­nt en faveur d’une espèce en péril qui nous est chère.

Pour plus de renseignem­ents, pour d’autres idées et conseils, et pour en apprendre davantage sur la marche à suivre pour rendre votre jardin admissible à la certificat­ion Habitat accueillan­t pour la faune de la FCF, visitez cwf-fcf.org.

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