DES MINES DÉSAFFECTÉES DEVIENNENT DE NOUVELLES MAISONS
Travail innovant dans le nord; parce que les chauves-souris ont besoin de toute l’aide que nous pouvons leur apporter.
ON TROUVE DE NOMBREUSES MINES ABANDONNÉES éparpillées parmi les reliefs accidentés du nord de l’Ontario. Personne ne sait avec certitude combien il y en a, mais on estime ce nombre à 5000. Elles représentent un danger important pour le public et pour certaines espèces sauvages. Beaucoup restent exposées, car la réhabilitation peut comporter une responsabilité coûteuse et une entreprise difficile pour les compagnies minières responsables. Laissées sans réhabilitation pendant des décennies, voire plus longtemps, beaucoup de ces mines abandonnées se sont naturalisées et sont désormais des habitats essentiels pour les espèces locales. En conséquence, les biologistes commencent à poser des questions importantes sur les facteurs écologiques qui devraient entrer en jeu en vue de la réhabilitation des régions ravagées par l’exploitation minière.
Prenons l’exemple de la mine d’Edison dans le nord de l’Ontario. Elle a été développée par le légendaire inventeur américain (et homme d’affaires acharné) Thomas Edison. Bien qu’il soit mieux connu pour avoir inventé une première ampoule fonctionnelle (bien que ce ne soit pas la première, qui aurait été inventée par un Canadien), Edison s’est également distingué dans l’industrie minière, en étant le pionnier de nouvelles techniques minières, dont une lampe de mineur à pile. En Ontario, Edison a joué un rôle clé dans la découverte du nickel à Falconbridge, et il a participé à la ruée locale vers l’argent près de la ville actuelle de Cobalt. Ce n’est pas l’argent qu’il recherchait, mais le cobalt, un sous-produit de l’extraction de l’argent, pour un nouveau type de batterie qu’il avait inventé. En 1905, il fit l’acquisition de sa propre mine près de Latchford, à peu près à mi-chemin entre North Bay et Timmins. En deux ans, les employés d’Edison ont
creusé deux puits jusqu’à 45 mètres, reliés par une galerie horizontale, et plusieurs puits d’exploration et coupes transversales, avec huit trous au total. Au cours de cette période, six à huit tonnes de minerai de teneur inconnue ont été extraites. Il ne semble pas que la production commerciale ait jamais eu lieu. La mine a été abandonnée.
Aujourd’hui, plus d’un siècle plus tard, la pensée novatrice est de retour dans la mine.
Le site appartient désormais à la grande multinationale de l’électricité Eaton Corp. (qui a acquis les actifs de la société Edison il y a près de 100 ans). Afin d’éliminer toute responsabilité liée à la mine, Eaton a engagé Golder Associates Ltd., une société mondiale de conseil, de conception et de construction dans le domaine de l’environnement ayant des racines en Ontario, pour engager une « réhabilitation progressive » du site.
Entre-temps, le ministère ontarien des Ressources naturelles et des Forêts a identifié les parties souterraines de la mine Edison comme un habitat potentiel pour les chauves-souris. Lorsque Golder a mené des fouilles, il a confirmé la présence de deux espèces de chauves-souris, toutes deux menacées de disparition : la petite chauve-souris brune et le vespertilion nordique. La mine Edison a alors été désignée comme un habitat protégé pour une espèce en péril, et trois dangers physiques de la mine (la galerie, le puits et la mine à ciel ouvert) devaient être laissés ouverts et préservés pour permettre à la population de chauves-souris de rester. La mission du projet avait changé : en tant que composante importante de l’écosystème local, la mine devait encore être fermée pour assurer la sécurité du public, mais devait aussi permettre à la population de chauves-souris en difficulté de rester.
La réhabilitation progressive des dangers physiques des mines, adaptée aux chauves-souris, est assez nouvelle en Ontario, et la mine d’Edison a posé d’importants défis logistiques en raison de son terrain accidenté, de son éloignement des forêts et des conditions de travail estivales difficiles et de courte durée. Étant donné que les options de réhabilitation classiques (clôtures, remblais et bouchons techniques) empêcheraient les chauves-souris d’utiliser librement les chantiers souterrains pour hiberner, l’ingénieur de Golder, Josip Balaban, et ses collègues ont conçu et construit trois structures accueillantes pour les chauves-souris qui protègent le public tout en permettant à la population de chauves-souris de rester. La tâche a nécessité plus de 40 héliportages et plusieurs livraisons de matériaux par barge sur la rivière Montréal. Une porte complexe pour les chauves-souris, avec des coupoles en acier inoxydable, permet aux chauves-souris de voler à l’intérieur tout en empêchant les humains d’entrer. Plusieurs mines qui ne sont pas des habitats pour les chauves-souris ont été remblayées avec des matériaux locaux. Achevée en 2018, la réhabilitation de la mine Eaton montre comment des priorités concurrentes visant à intégrer la sécurité publique et la protection de l’environnement peuvent déboucher sur des solutions innovantes à long terme. Elle soulève également d’importantes questions sur le rôle que la protection de l’environnement devrait jouer dans la réhabilitation des mines. Bien que les mines perturbent le paysage et détruisent l’écologie locale dans leur phase initiale, des sites comme la mine d’Edison ont évolué pour devenir des habitats importants pour les écosystèmes environnants. Grâce à l’innovation, à la créativité et à l’investissement, la réhabilitation peut inclure leurs nouveaux rôles environnementaux.