Ornithologues sur le terrain
un réseau national d’observatoires spécialisés, réunissant des centaines de personnes zélées, porte la surveillance des migrations vers de nouveaux sommets
Le Canada fournit un habitat de reproduction crucial à des millions d’oiseaux migrateurs chaque année. Grâce aux nouvelles méthodes de suivi et de comptage, nous en apprenons de plus en plus sur leur vie extraordinaire et sur les nombreux défis auxquels ils sont confrontés ici et dans le monde.
L’histoire des oiseaux au Canada – et leur déclin de plus en plus apparent, bien qu’inégal – est l’histoire de multitudes en mouvement : plusieurs centaines d’espèces distinctes, plusieurs milliards d’individus fébriles, dont beaucoup ne passent que quelques mois chaque année à l’intérieur de nos frontières avant de partir, avec leurs nouveaux rejetons, vers des aires d’hivernage aux États-Unis, au Mexique ou en Amérique centrale et du Sud.
« Il faut vraiment considérer le cycle de vie complet de ces espèces pour comprendre leur réalité », déclare Bruno Drolet, biologiste principal à Environnement et changement climatique Canada, à Québec.
Pour la plupart des Canadiens, même ceux qui remarquent davantage les oiseaux en raison du confinement et de l’isolement à domicile, aller au-delà d’un simple aperçu de ce cycle de vie peut sembler hors de portée.
Mais il s’avère que ce n’est pas si facile à atteindre pour les ornithologues amateurs engagés ou même pour les biologistes professionnels.
Lorsqu’ Environnement et changement climatique Canada a publié le dernier rapport sur L’État des oiseaux au Canada en 2019, par exemple, contenant près de 50 ans de données sur les tendances démographiques de plus de 400 espèces, le comité directeur du projet a dû s’appuyer sur plus d’une douzaine de programmes différents de surveillance à long terme.
Ce rapport contenait des détails frappants : alors que de nombreuses espèces d’oiseaux aquatiques et d’oiseaux de proie ont augmenté en nombre depuis 1970, les populations de plus de la moitié des oiseaux du Canada, en particulier les oiseaux de prairie, les insectivores aériens et les oiseaux de rivage, ont chuté de 40 à 60 % en moyenne.
Pour obtenir ces informations, les auteurs se sont appuyés sur deux enquêtes nationales et continentales de longue date – le Recensement des oiseaux de Noël et le Relevé des oiseaux nicheurs d’Amérique du Nord
– qui dépendent de milliers de citoyens scientifiques bénévoles pour récolter les données de terrain. Ils se sont également appuyés sur de nombreux recensements moins connus qui se concentrent sur des régions, des habitats ou des types d’oiseaux spécifiques. Réalisés par des professionnels du Service canadien de la faune et du United States Fish and Wildlife Service ainsi que d’autres groupes, ces comptages nécessitent des avions, des hélicoptères et un travail de terrain souvent ardu, difficile et parfois dangereux. Même après tout cela, le rapport est accompagné d’un grand astérisque : près d’un quart des espèces d’oiseaux du Canada ne sont pas encore bien surveillées.
Il ne s’agit pas de dire que les conclusions du rapport ne sont pas très significatives. Il s’agit plutôt de souligner l’énormité et la nature incomplète de la tâche et de mettre en lumière un autre programme canadien qui combine le baguage des oiseaux migrateurs, la collecte de données et la recherche avec un engagement public créatif et l’éducation sur les oiseaux et la conservation : le Réseau canadien de surveillance des migrations (RCSM).
Ce réseau de près de 30 observatoires d’oiseaux indépendants répartis dans tout le pays, de la baie de Fundy à la pointe de l’ile de Vancouver, a été fondé en
1998 en tant qu’entreprise coopérative entre les stations, l’organisation de conservation à but non lucratif Oiseaux Canada et le Service canadien de la faune (une direction d’Environnement Canada). Il développe aujourd’hui son identité propre de manière importante.
La plupart de ces observatoires membres sont de petites associations à but non lucratif au budget modeste, avec peu de personnel et beaucoup de bénévoles engagés. Bien qu’ils soient importants au niveau local, ce qui les rend significatifs au niveau national – et un exemple au niveau mondial – est que l’appartenance au réseau exige le respect de protocoles normalisés de collecte de données. Ils soumettent ces données au réseau, où elles sont compilées et analysées, produisant ainsi un ensemble de données pancanadiennes sur les tendances et d’autres informations à l’usage d’autres chercheurs et décideurs politiques. Ce faisant, « ces petits David deviennent des Goliath », explique Stuart Mackenzie, responsable du programme de migration à Oiseaux Canada et membre du comité directeur du réseau, composé de 12 membres, ce qui permet également aux oiseaux du Canada de disposer d’un allié supplémentaire alors que les besoins n’ont jamais été aussi grands.