37 Faune urbaine
Face à la possibilité de leur propre extinction, les jardins zoologiques du Canada essaient de se redéfinir. Quel rôle peuvent-ils jouer?
Face à la possibilité de leur propre extinction, les zoos du Canada tentent de se redéfinir. Quel rôle peuvent-ils jouer face à la crise climatique mondiale?
Il faut parfois une catastrophe pour que les dysfonctions systémiques
existantes deviennent évidentes. Prenons l’exemple des zoos du Canada. Au cours d’un confinement social généralisé qui a duré plus d’un an, les visites et les revenus, déjà en baisse, ont tout simplement cessé. Les dépenses ont continué de courir, bien sûr; elles étaient incompressibles. Il fallait continuer de prodiguer les soins et de nourrir leurs nombreux pensionnaires, même si les couts des aliments spécialisés augmentaient. Les zoos ont fait appel au soutien des gouvernements et à l’argent du public pour financer les opérations et maintenir les équipes au travail. Des dons et des subventions d’urgence ont permis de garder les lumières allumées, mais la COVID-19 a jeté l’éclairage sur ce qui devenait évident : les zoos urbains sont anachroniques et financièrement non viables.
Au cours des dernières décennies, les zoos urbains du Canada ont lutté pour leur survie. Le nombre de visiteurs a chuté et les efforts de marketing tapageurs pour les attirer ont échoué. La pandémie mondiale a mis en lumière la question à laquelle beaucoup tentaient déjà de répondre : les zoos ont-ils un rôle à jouer dans notre avenir?
Ils ont une longue histoire, qui remonte aux ménageries privées de l’Égypte et de la Mésopotamie antiques, en Chine, en Grèce et à Rome. Au 18e siècle, les collections d’animaux exotiques étaient de rigueur dans les cours européennes, plus particulièrement celle de Louis XIV : il fit installer une grande ménagerie de style baroque au Palais de Versailles. Sur un autre site, également près de Paris, était établie une ménagerie dédiée à un divertissement de cour connexe : opposer en combat mortel différentes espèces exotiques du monde entier.
Le premier « Jardin zoologique » a été inauguré à Paris en 1793, après la révolution, lorsque les collections d’animaux de l’aristocratie, dont celle de Versailles, ont été transférées dans un jardin central accessible au public. Le célèbre zoo de Londres a ouvert ses portes en 1847. La notion s’est répandue à la fin du 19e siècle dans les villes d’Amérique du Nord en plein essor, probablement plus par vanité municipale et par esprit de compétition que par un véritable
intérêt pour la nature. Ces zoos étaient souvent indifférents au bien-être des animaux, ce qui était évident au vu des cages lugubres, de la nourriture inappropriée et des cruautés occasionnelles commises par les visiteurs.
La question du droit des animaux à recevoir un traitement « humain » n’a fait l’objet d’une attention concertée qu’il y a une centaine d’années. Le débat sur les zoos s’est poursuivi et intensifié jusqu’à aujourd’hui. Récemment, deux zoos commerciaux du Canada ont été cités sur le site Web de l’organisation Protection mondiale des animaux pour la cruauté des conditions qu’ils imposent à leurs pensionnaires.
La pandémie a mis tout cela en évidence. L’établissement de 284 hectares appartenant à la municipalité de Toronto, qui abrite 5 000 animaux, se bat depuis plus de dix ans pour trouver un nouveau rôle dans la communauté. Les spectacles son et lumière d’hiver et d’autres initiatives de marketing n’ont pas réussi à augmenter la fréquentation du zoo, qui a diminué pendant la majeure partie des trois dernières décennies. Dans son plan stratégique 2020, il promet « d’allumer la passion », de « créer l’émerveillement » tout en « sauvant la faune ». Le zoo a fermé ses portes en novembre 2020 et, au moment de mettre sous presse, il était toujours fermé au public.
En novembre également, le zoo de Calgary a été contraint de renvoyer prématurément des pandas prêtés, en raison de problèmes d’approvisionnement en bambou liés à la pandémie. (Les pandas sont l’une des rares espèces à rapporter de l’argent aux zoos canadiens, malgré le cout élevé de leur entretien; avant d’arriver à Calgary, ils ont contribué à la fréquentation de Toronto pendant cinq ans). Malgré la présence d’espèces exotiques célèbres en provenance de Chine, le zoo de Calgary tente de jouer un rôle de conservation qui ait un sens au niveau local. Parmi ses projets de recherche et de conservation, citons l’élevage de grues blanches en vue de leur réinsertion et l’étude de la relation d’interdépendance de deux piliers des prairies, les chiens de prairie à queue noire et les putois d’Amérique.
Est-ce là l’avenir des zoos? Axés sur la perte d’espèces et le déclin accéléré de la biodiversité et poussés par l’urgence du réchauffement de la planète, ils pourraient être des centres actifs d’éducation populaire sur la conservation et jouer un rôle de première ligne dans la protection des espèces indigènes menacées. Grâce à leur expertise spécialisée, à leurs installations de soins de pointe, à leur capacité de collecte de fonds et à leur lien émotionnel avec le public, les zoos et aquariums canadiens du 21e siècle pourraient être à l’avant-garde de la conservation locale.