Châtelaine (French)

LA VIE SANS COMPTE CONJOINT

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Il y a 100 ans, à Montréal, les dames des beaux quartiers étaient six fois plus susceptibl­es de rester célibatair­es que celles des milieux ouvriers, d’après la géographe Arianne Vignola dans ses travaux explorant les effets de l’industrial­isation sur les trajectoir­es féminines. Autrement dit, les unes pouvaient se permettre d’envoyer valser les soupirants, moins les autres.

De nos jours, l’accès au marché du travail et l’autonomie qui en découle apportent aux femmes beaucoup plus de liberté dans leurs choix. Avec une franchise qui les honore, des participan­tes à la table ronde ont avoué que les finances avantageus­es d’un ex-conjoint avaient déjà réfréné leur désir de vivre en solo. « J’étais pas mal princesse », admet Lucie Lebrun, qui ne voyait jamais l’ombre d’un compte à payer lorsqu’elle habitait avec le père de sa fille. Même si son couple battait de l’aile, Lucie a choisi de rester pendant deux ans. « Pour ma fille... »

Ce fantasme d’un train-train luxueux habite encore bien des femmes. Pourtant, dans les faits, les Québécoise­s célibatair­es et celles qui sont en couple ont à peu près le même revenu total net, selon des données de l’Institut de la statistiqu­e du Québec obtenues par l’économiste et consultant­e indépendan­te Carole Vincent pour Châtelaine. Par exemple, les femmes seules sans héritiers à charge gagnent en moyenne 27 500 $ nets par année, contre 29 800 $ pour celles qui vivent avec leur chum. Bien sûr, parmi ces dernières, certaines voient leur niveau de vie augmenter du fait qu’elles peuvent s’appuyer sur le revenu de leur conjoint (comme Lucie). Mais c’est loin d’être le cas pour toutes, comme le démontre une enquête de la sociologue Hélène Belleau selon laquelle être en couple peut même appauvrir les femmes, lorsque le partage des dépenses et des revenus n’est pas équitable.

Reste qu’une rupture tend à coûter cher, en particulie­r aux conjointes de fait, car celles-ci ne jouissent pas des mêmes droits en regard du patrimoine familial que les femmes mariées. De quoi freiner bien des élans de liberté…

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