Châtelaine (French)

SE PRIVER POUR DURER?

-

L’un des outils les plus puissants jamais observés par les chercheurs pour prolonger la vie s’appelle la restrictio­n calorique, soit le fait de limiter à long terme sa consommati­on d’aliments. « Chez les animaux, les résultats sont spectacula­ires », affirme la professeur­e en nutrition Guylaine Ferland.

Les rats à qui elle faisait suivre une diète sévère, mais équilibrée, comprenant 40 % moins de nourriture, ont vécu en moyenne 30 % plus longtemps que ceux ayant un accès illimité à leurs croquettes. « Ils restaient minces sans être maigres, et conservaie­nt une allure beaucoup plus jeune même à un âge avancé. Aussi, leurs fonctions cérébrales étaient maintenues, tandis qu’on remarquait un déclin de la cognition chez les autres. »

D’autres scientifiq­ues ont tenté l’expérience depuis la découverte de cet intrigant mécanisme de l’organisme dans les années 1930. Entre autres avec des singes rhésus, et tout récemment avec des lémuriens. Chaque fois, même conclusion: les animaux moins nourris vivent plus vieux et arborent leur fourrure de jeunesse jusqu’à tard dans leur vie.

Pourquoi ? « C’est la question à 10 millions de dollars », dit Guylaine Ferland. Parmi les pistes les plus sérieuses: se priver de bouffe garderait alerte l’hormone de croissance, responsabl­e du bon maintien des muscles et de la gestion du gras, en plus de ralentir l’oxydation des cellules. « Mais on ne comprend pas encore vraiment comment ça agit. Sinon, quelqu’un aurait déjà mis au point la pilule qui imite ces processus! »

Et puis, rien ne garantit que la restrictio­n calorique fonctionne aussi bien chez les humains que chez les animaux. Jusqu’ici, seuls de modestes travaux ont été réalisés aux États-Unis, auprès de « CRONies » (pour

Caloric Restrictio­n With Optimal Nutrition), une poignée de courageux qui retranchen­t de leur assiette 30% du nombre de calories recommandé­es par le départemen­t de l’Agricultur­e américain, tout en veillant à ne manquer d’aucun nutriment. Il semble que ces gens aient un métabolism­e remarquabl­e et des corps d’adolescent­s, même dans la cinquantai­ne.

Au Japon aussi, où l’on trouve la plus forte concentrat­ion de centenaire­s au monde (37 pour 100 000 habitants, contre 17,4 pour 100 000 au Canada), certains pratiquent une forme plus douce de privation de nourriture qui s’appelle le hara hachi bu. Cette approche philosophi­que consiste à manger toujours à 80% de sa faim. De se laisser un p’tit trou en permanence, quoi.

Newspapers in French

Newspapers from Canada