Châtelaine (French)

Ma petite révolution : Scindya de Barros

MA PETITE RÉVOLUTION

- ANNE FLEISCHMAN PAR LOUISE SAVOIE PHOTOS

Scindya de Barros était déjà mère de quatre grands enfants quand elle est tombée amoureuse d’un homme plus jeune, Nathan. L’arrivée récente de leur petit garçon, adopté au Vietnam, a bouleversé la façon dont cette femme de 59 ans voit la famille et l’évolution du sentiment amoureux. La mère et la femme que j’étais

J’ai rencontré Nathan au travail. Quand nous avons commencé à nous fréquenter, j’avais 45 ans et lui, 31. Notre couple est né d’une relation sensuelle et intellectu­elle très forte, que nous désirions maintenir, sans envisager de fonder une famille. Nathan connaissai­t évidemment mon âge et savait que j’avais trois filles et un garçon, alors adolescent­s et jeunes adultes. À l’époque, il ne voulait pas d’enfant, et cela me convenait tout à fait.

La mère et la femme que je suis devenue

Je suis à nouveau maman depuis l’arrivée d’Ari, qui avait 16 mois quand Nathan et moi sommes allés le chercher à Hô Chi Minh-Ville, en 2014. Et, depuis l’année dernière, je suis aussi grand-mère ! C’est un formidable tsunami familial. Côté profession­nel, je travaille à temps partiel à l’Université de Montréal, en plus de faire une maîtrise sur le jeu vidéo thérapeuti­que. On peut dire que mes journées sont bien remplies !

Ce qui a tout déclenché Un enchaîneme­nt de circonstan­ces, quoique l’idée d’adopter n’était pas nouvelle pour moi. Lorsque nous avons commencé à chercher une maison, nous nous sommes retrouvés pour la première fois dans une dynamique de jeune couple voulant construire un nid. Et quand nous avons finalement acheté la propriété, Nathan m’a fait remarquer qu’il y aurait de la place pour une personne de plus… J’ai tout de suite dit oui ! Comment « mes grands » ont réagi Je leur ai parlé de notre projet d’adoption dès le début du processus. Tous l’ont accueilli avec bienveilla­nce, mais chacun avec ses préoccupat­ions. Nous avons eu des discussion­s franches, un peu comme lorsque je m’étais engagée avec Nathan. Trois de mes enfants habitent en Belgique – notre pays d’origine à Nathan et à moi – et ils craignaien­t d’être trop loin pour voir grandir leur petit frère. L’attente de ce nouvel enfant m’a paru… Interminab­le: trois ans ! Au début, je trouvais injuste de devoir subir une évaluation psychosoci­ale, alors qu’on ne demande rien aux parents dits « biologique­s ». Mais, finalement, nous sommes tombés sur une merveilleu­se psychologu­e qui nous a aidés à réfléchir sur le caractère atypique de notre famille. Ce que l’adoption m’a enseigné sur la maternité J’ai compris que je devais repartir à zéro, car accueillir un enfant adopté présente des enjeux bien particulie­rs. Je devais oublier presque tout ce que je savais comme maman biologique. Nathan et moi avons vécu notre grossesse de coeur sur un pied d’égalité. Nous avons tout appris ensemble, aussi démunis l’un que l’autre en prenant Ari dans nos bras pour la première fois… Mes premières années avec Ari Je ne me suis pas laissé submerger par la peur et j’en ai été la première surprise! Je craignais que ce soit difficile, mais Ari est un petit garçon adorable et très résilient. Pour le moment, tout va bien, à part la fatigue. [Rires] Nos amis sont très présents, comme notre famille, malgré la distance. Ça fait chaud au coeur d’être si bien entourés. La nouvelle maman que je suis est plus… Outillée. Pour mes premiers

enfants, j’étais plus intuitive. Avec Ari, je me sens mieux documentée. Je ne suis pas une meilleure maman, juste une maman différente. Je veux aussi faire une place à sa mère biologique. Même si je ne la connais pas, j’en parle souvent à Ari, car je trouve indispensa­ble de respecter son passé et ses origines. Une leçon que je n’oublierai jamais L’arrivée d’Ari m’a fait prendre conscience que la relation d’attachemen­t n’a rien à voir avec la parenté génétique et qu’elle ne va pas de soi. Je ne m’étais jamais posé la question lors de la naissance de mes enfants biologique­s, mais je sais maintenant que le lien qui nous unit s’est construit avec le temps et que notre relation est le fruit d’un travail qui n’est jamais terminé. Comment mon couple s’est transformé Il s’est mis en danger et a changé. Nous avons perdu notre liberté, c’est certain. Nous sommes comme tous les parents d’un jeune enfant, ce que nous ne pensions jamais devenir ! Nous jonglons entre le boulot et la vie de famille tout en essayant de préserver nos moments à deux. Pour moi, la conciliati­on travailfam­ille est aujourd’hui… Plus facile. Dans les années 1980 et 1990, je vivais en Belgique, où c’était très machiste. On pointait du doigt les mères qui voulaient travailler à temps plein.

Parfois, je m’inquiète… De ma différence d’âge avec Ari. Quand il sera adolescent, je serai très âgée… Est-ce que j’aurai assez d’énergie pour bien l’accompagne­r? Être mère et grand-mère en même

temps Les messages que j’ai envoyés à ma fille lors de la naissance de sa petite Suzanne étaient les mêmes que ceux qu’elle m’avait fait parvenir à l’arrivée d’Ari. On veut savoir comment ça se passe, suivre l’évolution du bébé… C’est vraiment touchant de partager cela. Comme toutes les grands-mères, je m’éclate avec ma petite-fille.

Comme maman, je suis fière… De ma tribu, de voir comment chacun de mes enfants s’épanouit ! Quand mes grands me disent qu’ils se sentent bien dans leur peau, ça montre qu’ils se sont donné les moyens de leurs ambitions. Avec Ari, nous allons tout faire pour que ce soit la même chose.

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