Châtelaine (French)

Sexe : se forcer ou pas ?

Même quand on aime son conjoint, il arrive qu’on n’ait pas le goût de faire l’amour. Devrait-on faire un effort ou respecter son manque de désir ? La réponse, en apparence simple, se décline plutôt en plusieurs nuances de gris.

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Annick Desrochers et son conjoint forment un jeune couple heureux. Deux enfants en santé, un bel appartemen­t à Montréal, des projets enthousias­mants, de bons amis. Question sexe, par contre, on ne peut pas parler d’un climat torride: ils font l’amour une fois par mois… dans le meilleur des cas.

Un sujet de discorde entre eux ? Même pas. Simplement, la sexualité n’exerce plus l’attrait des débuts. Au point où il arrive à cette blonde de 37 a s de se secouer u peu pour passer à l’acte, lorsqu’elle sent que son couple en a besoin. « Mon chum ne me met pas de pression. C’est moi qui me dis qu’il faudrait qu’on le fasse plus souvent. Je ne le vois pas comme une corvée. Faire l’amour fait toujours du bien et je suis contente que nous retrouvion­s nos petits clins d’oeil complices le lendemain. Mais j’admets que l’envie n’est pas toujours là à 100% dès le dépar », co fie- -elle. Annick est loin d’être la seule à « faire u pe i effor ». Selo u so - dage CROP- Châtelaine mené en octobre dernier, les trois quarts des Québécois en couple, hommes ou femmes, affirme qu’il leur es arrivé un jour ou l’autre de se forcer à avoir des relations sexuelles. Mais une femme sur cinq admet se contraindr­e « régulièrem­e ».

Les conjoints exercent-ils de la pression? En fait, bien souvent, la pression vient des femmes elles-mêmes. Rosalie Bonenfant a abordé cette question dans u e chro ique radio (au 107,3 Rouge), à l’au om e 2017. Ce e jeu e comédie e de 22 a s y raco ai , u sa - glot dans la voix, la culpabilit­é qui l’a envahie lorsqu’elle a refusé de faire l’amour avec son conjoint un matin où elle n’en avait pas envie. Malgré ses conviction­s féministes et le fait que son amoureux n’exigeait rien d’elle, elle avait l’impression d’être une mauvaise blonde.

« Rationnell­ement, j’étais capable d’expliquer que respecter mes désirs était la chose à faire. Mais émotionnel­lement, je me sentais coupable. Cette conviction qu’on devrait se donner à son chum si on l’aime est telleme a crée e ous », soulig e- -elle.

Dans les heures qui ont suivi sa diffusion, la chronique est devenue virale sur les réseaux sociaux. Des dizaines de femmes lui ont avoué qu’elles ressentaie­nt cette culpabilit­é. « En général, nous n'arrivons même pas à déterminer clairement notre malaise. Des amies m’o co fié avoir réalisé qu’elles avaient parfois des relations sexuelles sans même se demander si elles le désiraie vraime . »

ENCORE LE DEVOIR CONJUGAL ?

La culpabilit­é qui ronge certaines femmes serait-elle un dernier relent de l’époque de os gra ds-mères, que la religion contraigna­it au devoir conjugal, donc à ne jamais se refuser à leur mari ?

Malgré l’évolution des moeurs, l’idée que notre partenaire masculin doit avoir accès à o re corps comme il le veut reste présente, estime Chiara Piazzesi, sociologue et professeur­e à l’Université du Québec à Montréal. « Cela explique, du moins en partie, que certaines femmes se sentent tenues de faire un effort pour le satisfaire », di -elle.

Elle ajoute toutefois qu’une forme de dictature de la performanc­e joue aussi un rôle considérab­le dans cette pression que ressentent les femmes, même les célibatair­es. Car il est de bo o , da s o re socié é, d’afficher une sexualité épanouie, qui passe prétendume­nt par des rapports fréquents. « La vie sexuelle est devenue la mesure de la valeur d’une personne ou du bo heur d’u couple. » Sarah* a pu le constater à son premier rendez-vous médical postnatal, hui mois après avoir accouché. I quiè e de so ma que de libido,

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