Châtelaine (French)

SOPK… QUOI ?

À l’instar d’environ une personne de sexe féminin sur dix, je suis atteinte du syndrome des ovaires polykystiq­ues (SOPK), maladie longtemps sousdiagno­stiquée et encore méconnue, malgré sa forte prévalence.

- PAR DAPHNÉ B.

i on parle très peu du SOPK, c’est peut-être parce qu’il ne touche que les femmes cis ou les personnes qui ont un utérus. Et parce que la médecine a historique­ment privilégié la santé des hommes.

Personnell­ement, on ne m’en a jamais appris l’existence, même s’il est considéré comme la première cause d’infertilit­é chez la femme, qu’il augmente les risques de souffrir de troubles cardiovasc­ulaires, de cancer de l’endomètre ou de diabète. Quand mes premiers symptômes sont apparus, je n’ai donc pas su les reconnaîtr­e.

Tout a commencé par des saignement­s. « Pas grave, c’est normal»,m’a-t-onrépondul­orsque j’ai exprimé mon inquiétude au médecin. Or, j’éprouvais aussi une anxiété débilitant­e, surgie de nulle part. Je l’ai mise sur le compte de mes études, du livre que j’allais publier, de la vie. Sauf que je n’arrivais plus à dormir. À un point tel que j’ai demandé qu’on me prescrive des antidépres­seurs. J’ai donc renoué avec le Citalopram, la drogue de ma jeunesse.

Je remarquais aussi de nouveaux poils drus et noirs sur mon visage, mes fesses, mon ventre et l’aréole de mes seins. Je suis devenue maniaque de la pince à épiler. Mes amies se foutaient un peu de ma gueule, certaines insinuant qu’il fallait que j’apprenne à m’aimer telle quelle. Alors que j’étais convaincue que quelque chose ne tournait pas rond, je me suis mise à douter de moi. À mon tour, je me suis détournée de mon corps.

Au bout de trois ans d’errance médicale, c’est dans une clinique sans rendez-vous, à Montréal, que j’ai par hasard appris que j’avais lesopk.«c’estécritda­nston dossier », m’a balancé le médecin que je consultais pour une infection urinaire.

Même s’il a été répertorié en 1935, on ne sait toujours pas exac

Stement ce qui cause ce syndrome. Par conséquent, on ne peut pas le traiter. On ne fait que s’attaquer à certains de ses symptômes. Or, si cette maladie touchait autant d’hommes que de femmes, nos connaissan­ces seraient-elles aussi déficiente­s?

En général, une prise en charge sérieuse n’est évoquée que dans la mesure où la patiente souhaite tomber enceinte, comme si le seul enjeu réel n’était que de cet ordre. Mais qu’en est-il des risques de cancer? De la prévalence de l’insulinoré­sistance ? Dans le bureau du médecin, on ne m’en souffle mot. On dirait que mon corps n’a de valeur que s’il veut enfanter.

Pour faire cesser mes saignement­s, on me recommande la pilule. Je capitule et gagne le gros lot : menstruati­ons pendant deux mois. Excédée, je me tourne vers Instagram pour ventiler. Des tas de femmes se confient à moi : elles aussi ont le SOPK. Elles aussi ont erré, se sont butées à des médecins incompréhe­nsifs, pas assez outillés. Tour à tour, elles me font part de leurs épopées, mais aussi de leurs pistes de solutions : médecine douce, supplément­s, alimentati­on, etc.

Si l’image des femmes qui googlent compulsive­ment leurs symptômes est devenue un cliché, c’est peut-être parce qu’on ne les écoute pas lorsqu’elles souffrent. Ces douleurs qu’on leur refuse, elles les matérialis­ent dans la barre de recherche. Au bout du compte, ce sont ces femmes plutôt que le corps médical qui m’ont donné le courage d’essayer de mieux vivre avec ma maladie… en attendant qu’on lève le voile sur le SOPK.

SI CETTE MALADIE TOUCHAIT AUTANT D’HOMMES QUE DE FEMMES, NOS CONNAISSAN­CES SERAIENTEL­LES AUSSI DÉFICIENTE­S ?

 ?? ?? Poète, essayiste et traductric­e, Daphné B. est l’autrice de l’essai à succès Maquillée (Marchand de feuilles). Elle anime aussi son propre balado, Choses sérieuses.
Poète, essayiste et traductric­e, Daphné B. est l’autrice de l’essai à succès Maquillée (Marchand de feuilles). Elle anime aussi son propre balado, Choses sérieuses.

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