Châtelaine (French)

3 LIVRES POUR SE TENIR AU CHAUD

Cet hiver, on s’installe près de la cheminée avec cette BD, ce recueil de nouvelles et cet essai, tous trois incontourn­ables.

- PAR ANNE-FRÉDÉRIQUE HÉBERT-DOLBEC

Dédé

Le bédéiste Christian Quesnel ne craint pas les défis. Dans son travail, il n’hésite pas à s’attaquer à des sujets délicats – le suicide, la tragédie ferroviair­e de Lac-mégantic – ni à plonger dans la complexité et l’humanité de personnage­s élevés au rang d’icônes, tels que Beethoven et Félix Leclerc. Sa dernière création, Dédé, raconte les moments marquants de la vie du chanteur des Colocs, de sa jeunesse au Lac-saint-jean jusqu’à sa mort, le 8 mai 2000.

La forme, ingénieuse, mélange des extraits de lettres ou d’entrevues livrées par Dédé Fortin et des témoignage­s de proches et de gens du milieu artistique l’ayant connu. Le portrait nuancé qui en résulte rend avec justesse la sensibilit­é, le talent,

Kanatuut

l’humour et l’intensité de l’artiste. Le récit et les états d’âme du protagonis­te sont mis en valeur aussi bien par le style pictural de Christian Quesnel que par la palette de couleurs, qui passe de l’orangé au bleu, puis s’assombrit jusqu’à devenir d’« une clarté minuscule ».

Christian Quesnel a eu accès à une riche documentat­ion pour s’imprégner de l’homme qu’était Dédé : lettres, agendas, pensées, scénarios, extraits vidéo. « Mon travail s’est apparenté davantage à une enquête qu’à une recherche historique. Je voulais que les lecteurs puissent se glisser dans sa tête, toucher à son essence.» Une mission que le bédéiste remplit avec brio. «Je pense que cette version de Dédé mérite d’être connue », conclut-il.

Natasha Kanapé Fontaine a arpenté le territoire ancestral innu et renoué avec les légendes de son peuple avant d’écrire Kanatuut, un recueil de nouvelles à l’orée du mythe, du réalisme magique et de l’onirisme. Pour composer ses histoires, l’écrivaine a fusionné certains éléments de récits fondateurs à des réflexions tirées de ses propres rêves. Elle souhaite ainsi donner aux jeunes Autochtone­s l’envie de se reconnecte­r à leur culture pour mieux définir la suite. « Si nous ne voulons pas que ces récits meurent, il faut leur offrir une portion de nous. J’ai tenté de conserver les bases des légendes, en y ajoutant mon expérience et ma perspectiv­e.»

L’artiste innue a aussi voulu comprendre ce qui distinguai­t les littératur­es autochtone­s. « J’ai grandi avec les paradigmes occidentau­x de linéarité. Pour les Premiers Peuples, les récits sont plutôt circulaire­s, en phase avec l’environnem­ent et les saisons. J’apprends à voir chaque fin comme un recommence­ment. »

Le lecteur entre dans ce recueil comme dans un pays étranger, surpris par des codes qu’il ne maîtrise pas. Et comme pour tout voyage, il en sort grandi, avec une meilleure compréhens­ion de la force de ceux qui sont contraints de marcher à contre-courant.

Hors jeu

Florence-agathe Dubémoreau ne s’était jamais vraiment intéressée à la place des femmes dans l’univers des sports avant de se retrouver soir après soir dans les gradins. En 2014, lorsque son amoureux, le footballeu­r Laurent Duvernayta­rdif, est repêché par les Chiefs de Kansas City, l’étudiante en histoire de l’art est catapultée dans un milieu où les femmes sont souvent reléguées au rang de conjointe ou de meneuse de claque. Ce que l’autrice a découvert, dans l’enceinte de ce club d’hommes qui jouent au ballon, a changé son regard sur les répercussi­ons du sport dans les inégalités de genre.

Inspirée par deux essais de Martine Delvaux, Le boys club (Remue-ménage, 2020) et Les filles en série (Remue-ménage, 2013), Florence-agathe Dubémoreau s’intéresse aux représenta­tions culturelle­s des femmes qui gravitent dans l’univers du sport profession­nel masculin. Son objectif ? Donner envie aux acteurs du milieu de considérer des perspectiv­es plus égalitaire­s et de réinventer les règles du jeu. À ses yeux, le sport n’est pas seulement un reflet passif de la société. « Il témoigne de ce à quoi nous attribuons une valeur en tant que collectivi­té, dit-elle. Il a le pouvoir d’agir sur le présent et l’avenir. En faisant la promotion des espaces égalitaire­s, et des récits d’affirmatio­n et d’inclusion, le sport peut remplir une fonction de catalyseur pour la justice sociale.»

 ?? ?? HORS JEU – CHRONIQUE CULTURELLE ET FÉMINISTE SUR L’INDUSTRIE DU SPORT PROFESSION­NEL, PAR FLORENCEAG­ATHE DUBÉ-MOREAU, REMUE-MÉNAGE, 248 PAGES.
HORS JEU – CHRONIQUE CULTURELLE ET FÉMINISTE SUR L’INDUSTRIE DU SPORT PROFESSION­NEL, PAR FLORENCEAG­ATHE DUBÉ-MOREAU, REMUE-MÉNAGE, 248 PAGES.
 ?? ?? DÉDÉ, PAR CHRISTIAN QUESNEL, LIBRE EXPRESSION, 120 PAGES, EN LIBRAIRIE LE 15 NOVEMBRE.
DÉDÉ, PAR CHRISTIAN QUESNEL, LIBRE EXPRESSION, 120 PAGES, EN LIBRAIRIE LE 15 NOVEMBRE.
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232 PAGES.
KANATUUT, PAR NATASHA KANAPÉ FONTAINE, STANKÉ, 232 PAGES.

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