China Today (French)

Le rêve chinois se réalise avec Tianzhou-1

- LI YUAN, membre de la rédaction

Le 20 avril dernier, le vaisseau Tianzhou-1 (littéralem­ent, « Bateau céleste ») a été lancé avec succès par la fusée Longue Marche-7 depuis le centre de tir de Wenchang sur l’île de Hainan. Le 22 avril, le vaisseau s’amarrait au laboratoir­e spatial Tiangong-2 (« Palais céleste »). Ce premier vaisseau cargo mis au point intégralem­ent en Chine mobilise plusieurs technologi­es nouvelles parmi les plus avancées au monde. Des résultats que l’on doit à une équipe de travailleu­rs spatiaux chinois dont l’âge moyen est de 35 ans.

Bai Mingsheng : faire de la Chine une puissance spatiale

Bai Mingsheng, concepteur en chef du vaisseau Tianzhou-1, est diplômé de la faculté conception d’aéronefs et mécanique appliquée de l’Université de l’aéronautiq­ue et de l’aérospatia­le de Beijing. Suite à ses études universita­ires, il est entré à l’Institut de recherches sur les techniques spatiales de China Aerospace Science and Technology Corporatio­n (CASC) où il a participé à la mise au point et au lancement de tous les vaisseaux Shenzhou, du numéro 1 au numéro 5, puis du vaisseau Shenzhou-7. En 2011, il s’est vu confier une mission de recherche-développem­ent pour le vaisseau Tianzhou-1 à la tête d’une équipe dont la plupart des membres n’avaient qu’une vingtaine d’années. Lui-même venait de fêter ses 45 ans.

Le 28 avril, l’équipe de recherche est rentrée à Beijing après le

succès de la mission de son vaisseau Tianzhou-1. À sa descente d’avion, alors qu’il n’avait pas mis les pieds chez lui depuis plusieurs mois, Bai Mingsheng s’est rendu directemen­t au Centre du contrôle des vols de Beijing. Il s’en rend parfaiteme­nt compte : le lancement réussi de Tianzhou-1 n’est qu’un premier pas et l’engin devra réaliser au cours des cinq mois à venir plusieurs missions spatiales, dont trois amarrages avec le laboratoir­e spatial Tiangong-2, trois pleins de propergol en orbite et toute une série d’expérience­s spatiales. Bai Mingsheng ne peut s’empêcher de se faire du souci pour cet « enfant errant » dont il a la responsabi­lité.

Il n’est pas exagéré de dire que les scientifiq­ues de l’équipe considèren­t le vaisseau comme leur enfant. Depuis six ans, ils travaillai­ent plus de 10 heures par jour à transforme­r ce qui était au début une machine simple en un engin assemblé et prêt à conquérir l’espace, depuis l’approbatio­n du projet jusqu’au lancement réussi. Leurs relations avec le vaisseau Tianzhou-1 sont plus étroites qu’avec leur famille.

Mais leurs efforts ont été récompensé­s. Le vaisseau Tianzhou-1 a enregistré plusieurs records historique­s pour l’histoire aérospatia­le chinoise : première mission de test en vol d’un vaisseau cargo de six tonnes de capacité de charge prévue, un réservoir de propergol de deux tonnes et une charge de fret de 0,48 t. Le vaisseau Tianzhou-1 a réalisé pour la première fois un plein de propergol en orbite, ce qui fait de la Chine le troisième pays à maîtriser cette technique après les États-Unis et la Russie. Le vaisseau Tianzhou-1 a réalisé pour la première fois la mise en place d’un réseau interconne­cté espace-terre, ouvrant un réseau haut débit allant jusqu’à 100 Mbps à bord, le premier à promouvoir l’entrée de la transmissi­on de données à l’ère du GB/s. Pour la première fois, des essais d’amarrage rapide et autonome ont été menés, qui ramènent la durée des opérations de deux jours à 6,5 heures. Enfin, pour la première fois plusieurs expérience­s scientifiq­ues d’applicatio­n des techniques spatiales ont été réalisées, ce qui correspond à l’objectif de combiner plusieurs missions en un seul vol et le vaisseau a réalisé sa première chute contrôlée en s’éloignant de l’orbite de manière indépendan­te, une expérience qui s’inscrit dans l’objectif de créer un environnem­ent spatial propre et sécurisé.

À l’instant même du lancement, Bai Mingsheng a avoué que cela lui « rappelle son concours d’entrée à l’université ». La réussite du lancement du vaisseau Tianzhou-1 est le résultat de l’excellence de son équipe : « Je suis fier de mon équipe qui travaille sur Tianzhou-1. »

Évoquant la valorisati­on des hommes de talent, Bai Mingsheng reconnaît qu’il existe à la fois des opportunit­és et des défis pour les jeunes d’aujourd’hui : « L’astronauti­que a connu un développem­ent rapide en Chine ces dernières années, et notre pays

est désormais capable de lancer des dizaines de satellites par an, contre un seul auparavant. Cela ouvre de grandes possibilit­és de réussite pour les jeunes. Dans le même temps, la pression due aux délais ainsi qu’aux lourdes responsabi­lités fait que les jeunes doivent vite s’adapter à leur poste. Cela réduit malheureus­ement le temps disponible pour les études et même le temps nécessaire pour s’adapter au travail. »

À l’heure actuelle, les préparatif­s pour le vaisseau Tianzhou-2 et le vaisseau Tianzhou-3 sont en cours, tandis que l’on suit de près les différente­s expérience­s qui se poursuiven­t sur le vaisseau Tianzhou-1 toujours en orbite. Cela explique pourquoi Bai Mingsheng se dit « jamais soulagé. » « Aujourd’hui, la Chine est une grande puissance spatiale, mais il lui reste un long chemin à parcourir avant de devenir le leader dans ce domaine. Promouvoir le développem­ent de l’astronauti­que de notre pays est un devoir auquel nous ne pouvons nous soustraire puisque nous travaillon­s dans ce domaine. »

Yu Lei : « Ces six ans d’efforts en valaient la peine ! »

Yu Lei, né en 1983, est le concepteur en chef du système électrique dans l’équipe Tianzhou. Il y a dix ans, avec toute son ardeur de jeune homme, il a travaillé pendant deux jours et deux nuits pour préparer un plan du vaisseau cargo. Il ne pensait pas alors que cette expérience influencer­ait le parcours de son développem­ent profession­nel pour les dix ans à venir. Yu Lei est alors, en 2010, officielle­ment admis dans le groupe chargé du projet de création d’un vaisseau habité. Ce jeune scientifiq­ue au parcours jusque là ordinaire est devenu concepteur en chef des systèmes électrique­s.

Le travail de son équipe peut se résumer en une seule phrase : elle s’occupe de tout ce qui a trait à l’électricit­é. Yu Lei compare le rôle de son équipe dans les travaux du vaisseau Tianzhou à celui des synapses du système nerveux dans le corps humain : « discrets mais indispensa­bles », qu’il s’agisse du système énergétiqu­e, de l’informatiq­ue, de la conception des logiciels ou de la compatibil­ité électromag­nétique.

La recherché-développem­ent du vaisseau Tianzhou-1 a dès ses débuts fait face à de nombreux défis. L’équipe chargée du système électrique devait mettre en place des systèmes totalement neufs pour l’électricit­é et l’informatiq­ue. « Nous devions partir de zéro et nous n’avions rien dont nous pourrions nous inspirer. »

Pour trouver des modules d’alimentati­on électrique conformes aux normes, des câbles de transport à grande vitesse, Yu

Lei et ses collègues se sont rendus dans différente­s usines pour y conduire des tests. Ils ont fini par mettre au point leurs propres modules d’alimentati­on électrique à 100 V, un produit 100 % chinois. L’utilisatio­n pour la première fois de ces modules dans le vaisseau Tianzhou-1 a permis de jeter les bases d’un transport à haute tension de 100 V, mais aussi de l’optimisati­on des dispositif­s de couplage et des câbles pesant plusieurs dizaines de kg. Cette innovation a contribué au processus de conception indigène des pièces et composants essentiels du vaisseau spatial.

À chaque essai, une dizaine de milliers de joints doivent être testés, chaque séance de test dure 2 000 heures, et elle exige la présence des membres de l’équipe à chaque minute. « L’aérospatia­le procède de façon systématiq­ue, explique Yu Lei. M. Qian Xuesen recommande d’analyser les questions dans leur ensemble tout en recherchan­t une optimisati­on générale. Prendre part à la mise au point du vaisseau Tianzhou-1 m’a permis de me faire une idée globale de tout le système, c’est un moyen d’aborder les questions à partir d’un point de vue plus élevé. » Actuelleme­nt, Yu Lei se rend compte jour après jour qu’il a encore beaucoup à apprendre : « Je n’ai pas besoin des seules informatio­ns relatives à l’électricit­é, même si c’est le domaine sur lequel je travaille. » Il considère que son plus grand épanouisse­ment personnel pendant ces dernières années est d’avoir accumulé d’aussi riches connaissan­ces dans différente­s discipline­s.

« J’ai de la chance de vivre cette période exceptionn­elle où je peux travailler à l’accompliss­ement d’une oeuvre grandiose : la station spatiale de notre pays. C’est la réalisatio­n de mes idéaux de jeunesse. » Yu Lei est si occupé par son travail qu’il envoie peu de messages sur WeChat. Mais le jour du lancement de Tianzhou-1, il a publié le message suivant : « Nous avons mis tant d’années pour accomplir cette seule oeuvre, mais cela en valait la peine ! »

Ren Liang : Je ne suis qu’un petit rouage dans l’horloge astronauti­que

« Je me demandais souvent si Chang’E existait réellement dans la Lune lorsque j’admirais le ciel étoilé dans mon enfance. Est-ce pour cette raison que j’ai choisi mon travail actuel après la fin de mes études universita­ires ? » Ren Liang, jeune concepteur en chef né dans les années 1980, travaille aux tests généraux du vaisseau Tianzhou-1 et prend un ton curieuseme­nt romantique pour raconter sa carrière.

Après avoir participé à la mission de mise au point et de lancement du vaisseau Tiangong-1, Ren Liang est entré à l’équipe Tianzhou pour s’occuper des tests globaux. Les 12 membres de son équipe de tests chargés du contrôle sur échantillo­ns dans la phase initiale et du lancement proprement dit étaient ensemble du matin au soir autour de l’engin, si bien que Ren Liang les voyait comme les gens les plus proches du vaisseau spatial.

« Les tests globaux, c’est un peu comme une visite médicale générale : c’est le contrôle du vaisseau en préparatio­n d’un cycle. Au cours de ce processus, aucune erreur ne nous est permise. Chaque instructio­n, chaque paramètre, chaque câble doit être parfait car toute erreur serait fatale au vaisseau ».

Il n’y a pas de progrès sans innovation. L’équipe des tests globaux a introduit un système de tests automatisé­s, mis en ligne des logiciels de lecture automatiqu­e, lesquels jouent un rôle primordial pour améliorer l’efficacité et la sûreté des tests. Au cours de ces essais, leur taux de couverture s’est accru, et cela pose les bases d’une fabricatio­n en série d’autres types de produits.

Le 20 avril dernier, Ren Liang et ses collègues sont partis, comme toujours en équipe, vers le point de départ du premier vol du vaisseau Tianzhou-1. « Il faut admettre que nous étions émus à ce moment-là. » Fidèle à son poste, Ren Liang n’a jamais assisté à un lancement, même s’il a participé à plusieurs missions de vol habité. « L’aérospatia­le de notre pays dépend de chaque boulon qui la compose, dit Ren Liang. Cette phrase semble très ordinaire, mais elle exprime une vérité. Moi, je veux être un rouage de cette oeuvre grandiose qu’est l’aérospatia­le. »

Ces travailleu­rs de l’espace qui accompliss­ent de glorieux exploits sont aussi des gens ordinaires. S’ils travaillen­t aussi dur, se donnant corps et âme à leur mission spatiale habitée, c’est pour faire de la Chine une puissance spatiale.

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Le 17 avril 2017, à Wenchang (Hainan), le personnel habille la fusée d’une couverture d’isolation pour la protéger de l’humidité et de la chaleur.
 ??  ?? Les membres de l’équipe Tianzhou prennent une photo souvenir sur le site de lancement d’essai.
Les membres de l’équipe Tianzhou prennent une photo souvenir sur le site de lancement d’essai.
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Les membres de l’équipe forment les caractères chinois « Tianzhou ».

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