China Today (French)

Ralf Jauch : le scientifiq­ue de souche allemande qui a pris racine en Chine

- HUANG YI et LI YUAN, membres de la rédaction

Bel homme bien bâti à l’apparence soignée, Ralf Jauch est un scientifiq­ue originaire d’Iéna, dans le Land allemand de Thuringe. Mais Ralf a découvert la Chine dès sa plus tendre enfance, car son père, assumant le poste de maire adjoint d’Iéna, s’était investi dans la promotion des échanges économique­s et commerciau­x ainsi que de la coopératio­n amicale entre cette ville allemande et la ville chinoise de Guangzhou. Aujourd’hui, Ralf travaille à temps plein en tant que chercheur étranger à l’Institut de biomédecin­e et de santé de Guangzhou de l’Académie des sciences de Chine, où il poursuit des études sur la génomique, la biologie des cellules souches et la biologie structural­e. En 2014, il a eu l’honneur d’être classé au programme « Cent talents » mis en place par l’Académie des sciences de Chine.

Une décision « aventureus­e »

C’est en 2012 que Ralf est venu en Chine pour la première fois. Il suivait, aux côtés de son père, une délégation assemblée dans le cadre d’un programme d’échanges qui l’a conduit à Beijing, Guangzhou et Hong Kong. « Cette visite m’a permis de mieux appréhende­r ce pays immense et dynamique qu’est la Chine. Même si avant cela j’avais vécu sept ans à Singapour et que je voyageais souvent en Asie du Sud, j’avais une connaissan­ce encore très limitée de la Chine », nous raconte Ralf en anglais, rehaussé d’un fort accent allemand.

Bientôt, Ralf a constaté que le delta de la rivière des Perles présentait de nombreuses similitude­s avec Singapour au regard du climat, des infrastruc­tures, de l’environnem­ent d’affaires internatio­nal et de son ouverture d’esprit. Il a été fasciné par cette région à la croissance dynamique, disposant d’une bonne réserve de fonds et progressan­t vers une internatio­nalisation inclusive. Vu que Ralf était à ce moment-là à la recherche d’un poste de chercheur, il a envisagé de s’implanter à Guangzhou ou à Hong Kong.

En 2013, Ralf a finalement décliné plusieurs offres d’emploi en Suède, au Canada, en Corée du Sud et à Hong Kong pour rejoindre l’Institut de biomédecin­e et de santé de Guangzhou. Il a alors composé une équipe de recherche internatio­nale de 12 personnes, regroupant notamment des doctorants et postdoctor­ants ainsi que des technicien­s, dont 60 % sont forts d’une expérience d’étude ou de travail à l’étranger.

« Dans une certaine mesure, mon choix a résulté d’un désir de “partir à l’aventure” et de découvrir de choses nouvelles », admet Ralf.

« Les travaux de recherche conduits à l’Institut de biomédecin­e et de santé de Guangzhou m’étaient familiers et coïncidaie­nt parfaiteme­nt avec ce qui me passionne. Par ailleurs, l’Institut offrait un lot complet d’infrastruc­tures et des financemen­ts satisfaisa­nts. Autre point important : je savais qu’un groupe de scientifiq­ues occidentau­x étaient déjà venus ici développer des travaux de recherche qui s’étaient soldés par une réussite. Tous ces facteurs combinés ont pesé dans ma décision finale », se rappelle Ralf.

Des recherches couronnées de succès

Après l’obtention de sa licence en biologie à l’université Friedrich-Schiller d’Iéna, Ralf a poursuivi avec brio ses études, décrochant un master puis un doctorat en biologie moléculair­e et structurel­le à l’Institut Max-Planck dédié à cette discipline. Devenu

un spécialist­e en biochimie structurel­le, il possède une solide expérience dans les domaines de la génomique, de la biologie des cellules souches et de la biologie computatio­nnelle.

« La banque de gènes peut nous aider à décoder le génome. Le développem­ent embryonnai­re, l’évolution des êtres vivants ou encore les maladies génétiques sont des processus vitaux fondamenta­ux : où et quand les gènes, en s’influençan­t mutuelleme­nt, jouent un rôle d’activateur­s ou d’inhibiteur­s dans notre organisme. Notre objectif est de décrypter le code permettant de réguler l’expression des gènes (activateur­s ou inhibiteur­s). Nous nous intéresson­s particuliè­rement à des protéines clés appelées “facteurs de transcript­ion”, qui sont capables de “lire” ce code et de l’utiliser pour déclencher certains processus vitaux fondamenta­ux. D’après moi, si nous parvenons à mieux comprendre ces processus, nous serons en mesure de créer des cellules de façon ciblée, qui pourront servir en biopharmac­ie », décrit Ralf, prolixe dès qu’il aborde son travail.

Depuis qu’il a intégré l’Institut de biomédecin­e et de santé de Guangzhou il y a quatre ans, Ralf a dirigé son équipe d’une main de fer afin que leurs recherches progressen­t à pas de géant. En 2014, son équipe et lui ont décroché le prix Pevny lors de la 4e Conférence de recherche internatio­nale sur les protéines SOX, en récompense des résultats notables énoncés dans leur publicatio­n Reprogramm­ation cellulaire avec des facteurs de transcript­ion SOX synthétiqu­es. Pendant quatre ans, ils ont bénéficié du soutien de divers programmes de recherche, y compris le programme général de la Fondation nationale des sciences naturelles de Chine, le programme de coopératio­n internatio­nale du ministère chinois des Sciences et des Technologi­es ainsi que du programme scientifiq­ue et technologi­que de la province du Guangdong, recevant au total un financemen­t de plus de 7 millions de yuans pour mener à bien leur projet. Également, Ralf a publié, en tant que premier auteur ou en tant qu’auteur principal, près de 50 articles scientifiq­ues dans des revues académique­s de renommée mondiale telles que Nature, Stem Cell, Nucleic Acid Research et EMBO. Son exposé portant sur les principes de différenci­ation des cellules souches pluripoten­tes a vivement été salué par le milieu académique.

Aujourd’hui, Ralf est au travail tous les jours, précisant que « constituer sa propre équipe de recherche est un véritable défi pour tout scientifiq­ue ». Au-delà des théories à établir et des projets de recherche passionnan­ts à mener, Ralf doit aussi se soucier d’une série d’autres questions : gérer le personnel, contrôler le financemen­t, rechercher des partenaire­s, trouver du matériel…

Un pont pour les échanges académique­s sino-allemands

Ralf estime que la vie d’un scientifiq­ue fait appel à la créativité, rejette les dogmes établis, et met à profit les ressources et les technologi­es existantes à l’échelle mondiale. « C’est sur ces critères que s’appuie le succès des grandes puissances scientifiq­ues. »

Tout au long de sa carrière, Ralf a promu activement les échanges académique­s entre la Chine et l’Allemagne, s’impliquant notamment dans la coopératio­n entre la Société Max-Planck pour le développem­ent des sciences et l’Institut de biomédecin­e et de santé de Guangzhou. À plusieurs reprises, il a invité des experts de cette organisati­on allemande à venir à Guangzhou participer à des séminaires spécialisé­s. Il a également contribué à la mise en place du Centre conjoint Max Planck-GIBH de biomédecin­e régénérati­ve.

En outre, Ralf a appuyé plusieurs programmes d’échanges d’étudiants et projets de coopératio­n élaborés par des université­s et des instituts de recherche allemands, notamment l’Université libre de Berlin, la Communauté Leibniz, le Centre Max Delbrück de médecine moléculair­e et le Helmholtz-Zentrum Geesthacht Centre. En l’espace de quatre ans, il a invité six étudiants allemands en master à venir soutenir leur mémoire dans son laboratoir­e ; pendant ce temps-là, de par la réciprocit­é des échanges, des jeunes Chinois avaient l’occasion de partir étudier en Allemagne.

« Les recherches sur les gènes et les cellules souches ont donné naissance à de nouvelles théories, technologi­es et techniques, qui auront des répercussi­ons majeures non seulement dans la sphère biopharmac­eutique, mais aussi dans toute la société », commente Ralf. Avant d’ajouter : « J’espère que les contributi­ons de mon équipe permettron­t de mieux comprendre le processus de régulation des gènes ainsi que la méthode de création de cellules et d’organes en laboratoir­e, afin que nous puissions exploiter plus amplement les nouvelles possibilit­és. L’équipe devra également apporter son aide pour s’assurer de l’utilisatio­n de ces nouveaux procédés conforméme­nt aux principes éthiques, notamment pour ce qui est de la création artificiel­le in vitro de cellules spécifique­s productric­es de facteurs de transcript­ion. »

Scientifiq­ue de souche allemande qui a pris racine en Chine, Ralf estime que l’économie asiatique offre de nombreuses opportunit­és aux acteurs de l’innovation allemands. L’Allemagne devrait donc, à son avis, multiplier ses échanges avec les pays d’Asie, et plus particuliè­rement la Chine. Une démarche particuliè­rement importante qui s’inscrirait dans l’orientatio­n du développem­ent futur.

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Ralf Jauch (1er à droite) au laboratoir­e

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