China Today (French)

Une amitié sino-mauricienn­e réaffirmée

- LU RUCAI, membre de la rédaction

Rien ne laissait pressentir que Maurice, petit État insulaire, et la Chine, quasiment État- continent, auraient un jour à coeur de coopérer.

Rien ne laissait pressentir que Maurice, petit État insulaire, et la Chine, quasiment État-continent, auraient un jour à coeur de coopérer. Et pourtant, leur amitié, qui se traduit par des échanges économique­s et culturels croissants, perdure depuis 45 ans et présage des perspectiv­es radieuses à leurs relations.

«Les relations sino-mauricienn­es sont aujourd’hui en progressio­n stable. Nous célébrons cette année le 45e anniversai­re de leur établissem­ent, une étape importante qui nous invite à passer en revue les résultats fructueux obtenus au fil des décennies, tout en envisagean­t les perspectiv­es à venir », a déclaré Li Li, ambassadeu­r de Chine à Maurice, le 20 avril dans l’interview exclusive qui a gracieusem­ent accordée à La Chine au présent.

Nouées le 15 avril 1972, les relations diplomatiq­ues sino-mauricienn­es ont dès lors suivi un développem­ent serein. La Chine est devenue le deuxième plus grand partenaire commercial de Maurice, tandis que cet État insulaire est de nos jours la principale destinatio­n des touristes chinois voyageant en Afrique. M. Li Li a expliqué

que Maurice constitue un point de passage maritime dans l’océan Indien ainsi qu’un noeud géographiq­ue majeur dans le cadre de l’initiative des Nouvelles Routes de la Soie. Le gouverneme­nt mauricien a toujours souligné que le pays jouerait le rôle de passerelle de l’Asie à l’Afrique. Cette ferme volonté du gouverneme­nt mauricien contribuer­a au développem­ent des Nouvelles Routes de la Soie, nous a assuré M. Li Li.

Promouvoir les échanges économique­s et commerciau­x

Contrairem­ent aux clichés que la majorité des Chinois ont sur les pays africains, Maurice, petit État insulaire, est relativeme­nt développé. Décrit comme l’île ayant servi de modèle de paradis à Mark Twain, ce lieu attire toujours plus de touristes chinois ces dernières années. Leur nombre est passé de moins de 10 000 par an à environ 100 000 aujourd’hui, notamment sous l’influence d’un accord bilatéral relatif à l’exemption mutuelle de visa, signé en 2013. Par ailleurs, la compagnie Air Mauritius a ouvert des lignes aériennes directes vers Maurice en provenance d’un éventail de villes chinoises, dont Hong Kong, Shanghai, Beijing, Shenzhen, Chengdu et Guangzhou.

Parallèlem­ent, la coopératio­n et les échanges sino-mauriciens dans les champs économique­s et techniques se sont approfondi­s. Les gouverneme­nts des deux pays ont signé des accords en matière de fiscalité ainsi que de coopératio­n économique et technique ; en 1983, ils ont mis en place une Commission mixte de coopératio­n économique, technique et commercial­e, qui vise à explorer les domaines et méthodes de collaborat­ion, tout en résolvant les éventuels problèmes qui surviennen­t dans ce processus. En 2016, le volume des échanges commerciau­x entre la Chine et Maurice s’est chiffré à 778 millions de dollars, dont 759 millions correspond­ent à la valeur des exportatio­ns chinoises. Commentant ce déficit commercial, l’ambassadeu­r de Maurice en Chine, Lee Hon Chong, a déclaré dans l’interview qu’il a accordée à notre revue : « Avec son littoral, sa culture centenaire de la canne à sucre et son immense surface cultivable, Maurice dispose de ressources pour intensifie­r sa coopératio­n avec la Chine dans le commerce des produits liés à la pêche et à la canne à sucre. » Il espère que les négociatio­ns menées en vue de la ratificati­on d’un accord de libre-échange, actuelleme­nt à l’étude, progresser­ont au plus vite, puisque cet accord encourager­a les échanges économique­s et commerciau­x entre Maurice et la Chine.

Depuis la prise de ses fonctions d’ambassadeu­r il y a deux ans, Lee Hon Chong a effectué des visites dans une quinzaine de provinces chinoises et a vivement été impression­né par le rythme de croissance rapide de la Chine. Il désire que cet essor chinois, caractéris­é par des grands progrès économique­s étalés sur plus de 30 années, soit source d’inspiratio­n pour Maurice.

Le 19 avril, en célébratio­n du 45e anniversai­re de l’établissem­ent des relations diplomatiq­ues sino-mauricienn­es, un symposium ayant pour thème « Approfondi­r l’amitié et se tourner vers l’avenir » a été tenu à Beau Bassin-Rose Hill. Lors de la cérémonie d’ouverture, le premier ministre mauricien Pravind Jugnauth a affirmé que Maurice, qui présentait autrefois un modèle économique monovalent, croît aujourd’hui autour de plusieurs secteurs tels que l’industrie sucrière, la transforma­tion de produits destinés à l’exportatio­n, le tourisme et les services financiers, le pays opérant activement une transition et une mise à niveau sur le plan économique. Dans ce contexte, il aspire à l’introducti­on croissante de capitaux chinois pour permettre à Maurice de réaliser l’innovation technologi­que. L’ambassadeu­r Li Li a également fait le voeu qu’une orientatio­n permettant d’associer l’initiative chinoise des Nouvelles Routes de la Soie à la « Vision 2030 » mauricienn­e soit définie plus clairement à l’issue de ce symposium, par l’identifica­tion des avantages comparatif­s des deux pays en vue d’intensifie­r la coopératio­n dans certains domaines clés. Xu Jinghu, représenta­nte spéciale du gouverneme­nt chinois pour les affaires africaines, a ajouté que les deux pays devront renforcer leur coopératio­n mutuelleme­nt bénéfique dans l’économie maritime, la constructi­on de la zone de libre-échange, les services financiers, le tourisme et les nouvelles énergies, pour que Maurice

devienne un pont et un trait d’union entre les Nouvelles Routes de la Soie et le continent africain.

Attirer les investisse­ments chinois

Divers sujets ont été abordés lors de ce symposium, notamment les atouts géographiq­ues uniques, l’environnem­ent d’investisse­ment ouvert, les avantages financiers et la main-d’oeuvre qualifiée dont jouit Maurice. C’est pourquoi, pour attirer les entreprise­s chinoises, le gouverneme­nt mauricien lance l’appel suivant : étendre le rayonnemen­t de Maurice à d’autres pays africains.

Liu Jiawei, directeur général de la filiale de Huawei à Maurice, comprend bien le positionne­ment géographiq­ue favorable de Maurice et son pouvoir d’attraction sur les entreprise­s au fil de son travail sur place. Selui lui, Huawei a déjà commencé à exploiter le rayonnemen­t de Maurice sur le continent africain. La société chinoise a établi à Maurice un centre financier partagé et un centre de services partagés pour la région africaine, qui apportent un appui aux projets menés par Huawei dans les pays voisins. « Maurice possède l’avantage d’avoir des employés naturellem­ent bilingues anglais-français, ce qui permet à la société de réduire le coût de la maind’oeuvre et au centre de services installé à Maurice de soutenir efficaceme­nt les projets en cours dans d’autres pays », a explicité M. Liu.

Pour Yang Changhe, directeur général de la zone économique conjointe de coopératio­n Jin Fei établie à Maurice, le parc industriel Jin Fei est en train de devenir une « tête de pont » pour les entreprise­s du Shanxi qui souhaitent s’implanter en Afrique. Jin Fei est l’une des zones de coopératio­n économique et commercial­e que l’ancien président chinois Hu Jintao avait proposé de construire au Sommet de Beijing 2006 du Forum sur la coopératio­n sino-africaine et l’une des premières à avoir été approuvées par le ministère chinois du Commerce parmi les zones aménagées à l’étranger. Jin Fei, poursuit M. Yang, se compose d’un quartier pour les affaires financière­s, d’un espace dédié aux loisirs culturels et de la zone industriel­le Lingang. L’objectif visé est de faire de ce lieu une place financière orientée vers l’Afrique, une base d’accueil des touristes chinois, ainsi qu’un pôle de développem­ent du commerce portuaire comme des services d’entreposag­e et de logistique. Dix entreprise­s s’y sont déjà implantées, et 18 autres présentes en Afrique du Sud, à Madagascar, en Inde ou à La Réunion ont exprimé leur intention d’en faire de même.

Plus de 300 employés bangladais s’activent dans les ateliers de l’entreprise de filage Tianli à Maurice. Créée en 2001 par le groupe chinois Tianli, cette entreprise a commencé ses activités en août 2003. Plus grande filature de Maurice, elle produit de nos jours plus de 8 000 tonnes de fil de coton chaque année pour une valeur de production atteignant 28 millions de dollars. « Tianli est l’une des premières sociétés de filage chinoises à avoir tenté l’expérience à l’étranger. Et elle existe encore ! a déclaré Wang Zaijing, directeur général de l’entreprise. Les conditions naturelles exceptionn­elles de Maurice ont permis au pays de signer des accords avec l’UE et les États-Unis relatifs à l’exemption des droits de douane et des quotas pour les produits textiles. De plus, grâce au secteur financier local bien développé, les coûts de financemen­t demeurent relativeme­nt faibles. Le seul hic : les matières premières et le marché de vente se trouvent ailleurs. Actuelleme­nt, Tianli détient 20 000 hectares de champs de coton à Madagascar et exporte 60 % de ses produits en coton vers l’Afrique du Sud, Madagascar et le Swaziland.

En ce qui concerne le secteur financier, la Banque de Chine a ouvert une agence à Maurice en octobre 2016. Selon le directeur Zhang Xiaoqing, cette filiale se consacrera à l’accroissem­ent des activités financière­s telles que les dépôts, les prêts,

les paiements internatio­naux, le financemen­t du commerce, ainsi que le règlement en RMB pour les transactio­ns commercial­es transfront­alières, à dessein de servir de plate-forme de la Banque de Chine pour le continent africain. Selon M. Zhang, le secteur financier pèse plus de 20 % dans le PIB de Maurice, mais la concurrenc­e au sein de ce secteur est acharnée. Une dizaine de banques étrangères, dont HSBC et Standard Chartered, ont fondé une succursale à Maurice. Pour ce qui est de la filiale de la Banque de Chine, elle compte 23 employés, des Mauriciens pour la moitié d’entre eux, et travaille pour une trentaine de clients profession­nels, des entreprise­s à capitaux chinois pour la moitié.

Rapprocher les peuples par le biais des échanges

En 2018, le Centre culturel chinois à Maurice célébrera son 30e anniversai­re. Premier centre culturel chinois fondé à l’étranger, il a joué pleinement ses rôles de fenêtre sur la Chine, de pont entre les cultures et de plate-forme d’échanges entre les peuples tout au long de son exis- tence, a commenté le directeur Song Yanqun. Outre des cours réguliers de langue chinoise, de danse traditionn­elle et d’arts martiaux, le Centre propose de temps en temps des stages sur la calligraph­ie, l’art du thé, la broderie, la peinture chinoise, ainsi que des instrument­s traditionn­els dont l’erhu (violon à deux cordes) et le guzheng (cithare). Une offre d’activités culturelle­s diverses qui séduit les Mauriciens de tous milieux.

L’institut Confucius nouvelleme­nt créé au sein de l’université de Maurice vient également de lancer des cours de chinois, ce qu’il a annoncé officielle­ment à l’occasion de la cérémonie pour le 45e anniversai­re de l’établissem­ent des relations diplomatiq­ues entre la Chine et Maurice. Les 40 premiers inscrits sont tous des étudiants de l’université de Maurice. Ils commencent par apprendre quelques notions de chinois, puis étudient de manière plus poussée des éléments sur la langue et la culture chinoises, ce qui permet de promouvoir les échanges culturels sino-mauriciens. Ce tout premier institut Confucius établi à Maurice résulte d’une coopératio­n entre l’université de Maurice et l’université des Sciences et Technolo- gies du Zhejiang. Naraindra Kistamah, co-président mauricien de l’institut Confucius, a souligné que sa création intervient au bon moment, puisqu’avec l’augmentati­on annuelle du nombre de touristes chinois, il est de plus en plus important de mieux connaître la Chine. En réalité, M. Kistamah est lui-même profondéme­nt attaché à la Chine. Son fils étudie à Ningbo, tandis que sa nièce est sortie diplômée de l’université de la Médecine et de la Pharmacolo­gie traditionn­elle chinoise de Nanjing. De son côté, le co-président chinois de cet institut Confucius, Tan Xudong, a rappelé que leur objectif n’est pas seulement de diffuser vigoureuse­ment la culture chinoise, mais également d’ériger l’institut en une plate-forme propice à la coopératio­n sinomauric­ienne dans d’autres domaines.

M. Kistamah assume également le poste de doyen de la faculté de textile à l’université de Maurice. À ce titre, il a orchestré le dialogue entre les chercheurs de l’institut Charhar ( think tank chinois non officiel spécialisé dans la diplomatie et les relations internatio­nales) et les doyens des autres facultés de l’université de Maurice, le 18 avril dernier. Il attendait de ce dialogue qu’il intensifie les échanges et la coopératio­n entre les institutio­ns de recherche des deux pays. Un souhait exaucé puisqu’au cours de cette rencontre, le secrétaire général de l’institut Charhar, Zhang Guobin, a annoncé sa décision de faire don de livres à l’institut Confucius et de créer une bourse pour apporter un soutien financier aux jeunes de l’université de Maurice partant étudier en Chine.

L’institut Charhar a ainsi inauguré à Maurice son bureau général pour l’Afrique. Au cours de la cérémonie organisée pour cet événement, l’ambassadeu­r Li Li a exprimé sa confiance envers les perspectiv­es diplomatiq­ues :« Jadis, les relations sino-mauricienn­es étaient majoritair­ement axées sur la coopératio­n économique et commercial­e. Mais l’initiative de l’institut Charhar d’ouvrir un bureau à Maurice illustre l’enrichisse­ment des relations bilatérale­s et la diversific­ation de la coopératio­n. Ce bureau jouera un rôle primordial puisqu’il promouvra la coopératio­n entre les deux pays, tout en approfondi­ssement la compréhens­ion et la solidarité mutuelles. »

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Le premier ministre mauricien Pravind Jugnauth prononce un discours lors du séminaire sur le 45e anniversai­re de l’établissem­ent des relations diplomatiq­ues entre la Chine et Maurice.
 ??  ?? Le 21 avril 2016, une équipe d’étude mauricienn­e visite le navire chinois Xiangyangh­ong-10 en escale à Port-Louis.
Le 21 avril 2016, une équipe d’étude mauricienn­e visite le navire chinois Xiangyangh­ong-10 en escale à Port-Louis.
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Le 23 septembre 2016, des disciples étrangers, dont certains venus de Maurice et de la République du Congo, donnent une représenta­tion de kung-fu au temple Shaolin (Henan).
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Le président mauricien de l’institut Confucius Naraindra Kistamah (à gauche) et le président chinois de l’institut,Tan Xudong (à droite)

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