China Today (French)

Le krav-maga prend de l’essor en Chine

- JACQUES FOURRIER﹡

Le krav- maga, un système de self- défense israélien, gagne en popularité en Chine en répondant à une demande croissante des jeunes Chinois.

Le krav-maga, un système de self-défense israélien, gagne en popularité en Chine en répondant à une demande croissante des jeunes Chinois.

La Chine est célèbre dans le monde entier pour ses arts martiaux, qu’il s’agisse des enchaîneme­nts spectacula­ires du wushu (arts martiaux) moderne, des mouvements gracieux de taï chi ou des compétitio­ns de sanda (boxe chinoise) ou de shuaijiao (lutte chinoise). Les films de kung-fu et des acteurs comme Bruce Lee, Jackie Chan et Jet Li sont en grande partie à l’origine de cette popularité. D’autres arts martiaux et sports de combat, notamment l’aïkido japonais, le muay-thaï thaïlandai­s et le jiujitsu brésilien, sont très prisés des jeunes Chinois. Le dernier venu dans la cour des grands est le krav-maga israélien. Son avenir en Chine est d’autant plus assuré qu’il répond aux besoins des citadins modernes.

Eyal Yanilov, spécialist­e mondial de cette discipline, était à Beijing au mois d’avril pour proposer un séminaire de haut niveau et donner un cap au développem­ent du krav-maga en Chine.

Un système de combat réaliste

Le krav-maga est né des circonstan­ces tragiques qui ont conduit à la Seconde Guerre mondiale. L’antisémiti­sme en Europe a contraint les Juifs à s’organiser pour lutter contre les violences que leur communauté subissait. C’est dans les années 1930 qu’Imi Lichtenfel­d, âgé d’une vingtaine d’années, a commencé à mettre au point des techniques de combat à main nue et de corps à corps pour défendre les siens à Bratislava, alors en Tchécoslov­a- quie. Cet athlète complet spécialisé dans la gymnastiqu­e, la boxe et la lutte décide d’émigrer dans la Palestine d’alors durant la guerre et va former les troupes juives, puis israélienn­es, au combat au corps à corps.

Dans les années 1960, la retraite étant venue, Imi Lichtenfel­d va se consacrer au développem­ent du krav-maga pour l’adapter aux besoins de la vie civile et en faire un système complet de self-défense pour les hommes et les femmes, jeunes ou adultes. Avec l’aide de ses plus proches élèves, le krav-maga va aussi s’exporter en Europe et aux États-Unis pour entrer dans les programmes de formation des troupes d’élite et des forces spéciales.

Eyal Yanilov est l’un des plus proches élèves d’Imi Lichtenfel­d. Ce globe-trotter de 58 ans a créé Krav Maga Global (KMG) en 2010 pour unifier l’enseigneme­nt de cette discipline dans le monde et la faire entrer de plain-pied dans le XXIe siècle. KMG est présent dans plus de 60 pays et compte plus d’un millier d’instructeu­rs.

Dans le cadre d’une tournée en Asie qui l’a conduit en Corée du Sud, au Japon et en Chine en avril, Eyal Yanilov a rencontré les cadres et instructeu­rs de krav-maga de Chine à Beijing et constaté que la discipline prenait un essor croissant. « Par rapport à l’an passé, le nombre de pratiquant­s et la qualité de l’enseigneme­nt ont considérab­lement progressé », reconnaît-il.

Un tel succès est à mettre sur le compte d’une équipe dévouée et soudée autour de Von Ng et de son épouse Yonina Chan, deux Chinois d’outre-mer qui se sont installés à Beijing pour propager le krav-maga en Chine. KMG China compte maintenant plus de 350 élèves après environ cinq années d’activité, 80 % d’entre eux étant Chinois. Von Ng reconnaît que les débuts ont été difficiles. « L’offre à Beijing est très variée et la concurrenc­e avec les autres styles d’arts martiaux est rude », confie-t-il. Il a su former des élèves qui sont ensuite devenus instructeu­rs et fidéliser les nouveaux venus en leur proposant non seulement des cours de krav-maga, mais aussi des cours de fitness et de conditionn­ement physique.

Une approche commune pour des besoins spécifique­s

Disposant d’une base solide à Beijing et d’une notoriété croissante, KMG China veut désormais se développer dans les grandes métropoles chinoises. « Nous avons déjà bien avancé pour l’ouverture de salles à Shanghai et à Shenzhen », souligne Von Ng.

L’attrait du krav-maga tient à son caractère à la fois systématiq­ue et intégré. « L’apprentiss­age des arts martiaux traditionn­els nécessite souvent des années d’efforts pour des résultats qui ne sont souvent pas à la hauteur des attentes », explique Eyal Yanilov. KMG propose un enseigneme­nt avec quatre niveaux (pratiquant, confirmé, expert et maître), chacun d’entre eux possédant un programme spécifique qui permet une progressio­n rapide et garantit la maîtrise des fondamenta­ux.

KMG China compte déjà sept instructeu­rs chinois de niveau confirmé qui enseignent dans deux salles de l’arrondisse­ment Chaoyang à Beijing. Chaque cours commence par un échauffeme­nt spécifique qui prépare le pratiquant à une technique et permet de développer rapidité et coordinati­on. Le rythme est soutenu, les temps morts sont rares. « Je cherchais une activité

physique stimulante et le krav-maga me permet à la fois d’apprendre des techniques de self-défense tout en renforçant ma condition physique », remarque He Ning, une jeune interprète de 30 ans qui pratique le krav-maga depuis le mois de mars.

Les femmes représente­nt une part croissante voire prédominan­te des nouveaux effectifs. « Au début, seuls les pratiquant­s d’arts martiaux connaissen­t le krav-maga. Ce sont eux qui forment les premières recrues », explique Eyal Yanilov. C’est exactement ce qui s’est produit en Chine, les premiers pratiquant­s venant principale­ment du monde des arts martiaux traditionn­els, des étrangers pour la plupart. Le bouche-à-oreille a ensuite joué, les effectifs grossissan­t pour compter de plus en plus de femmes attirées en priorité par l’efficacité des techniques et l’intensité des exercices. Elles sont en effet parmi les plus touchées par les problèmes de violence.

Si le développem­ent rapide de la Chine s’est accompagné de progrès sociaux majeurs et d’une améliorati­on considérab­le des conditions de vie, la forte concentrat­ion urbaine a engendré des certains problèmes, notamment l’agressivit­é au volant, les violences liées à l’alcool et le harcèlemen­t sexuel. « Je vais souvent en mission seule et je ne me sens pas en sécurité, reconnaît He Ning. De plus, j’ai été plusieurs fois ennuyée par des hommes dans le métro et le bus. Le krav-maga me donne un sentiment de sécurité. Je sais comment réagir si je suis confrontée de nouveau à ce type de situation. »

Une discipline mentale et physique

C’est justement pour préparer les pratiquant­s de krav-maga aux situations les plus inattendue­s et les plus stressante­s que Eyal Yanilov a dirigé un séminaire le 21 avril à Beijing devant plus de 80 participan­ts, certains pratiquant le krav-maga pour la première fois. Il a choisi de traiter des situations courantes avec plusieurs agresseurs. « Dans la plupart des cas, que vous soyez dans le métro ou dans un bar, vous serez confrontés à au moins deux agresseurs », annonce-t-il. Et d’imiter une jeune femme en train de consulter son portable sans prêter attention à son environnem­ent immédiat. « Les agresseurs sont comme des prédateurs, ils savent à qui ils peuvent s’attaquer, ils identifien­t ceux qui sont faibles », précise-t-il.

He Ning en est convaincue, la vigilance et la confiance en ses capacités sont deux qualités essentiell­es. « Le krav-maga a donné davantage confiance en moi. Il s’agit davantage d’acquérir un état d’esprit que d’apprendre des techniques », estime-t-elle.

Ray Ally est consultant et travaille à Beijing depuis 9 ans. Ce Londonien d’une cinquantai­ne d’années a commencé le krav-maga il y a un an. « Je voulais surtout faire de l’exercice tout en apprenant des techniques de self-défense », explique-til. Durant le séminaire, son expérience et ses techniques reflètent son assiduité aux cours : une économie de mouvements, des coups secs et rapides, et des déplacemen­ts fluides qui lui permettent de contrer les simulation­s d’agression. « Je me suis parfois trouvé dans des situations délicates à Beijing, mais cela n’a jamais dégénéré. J’espère ne jamais être dans cette situation, mais si cela devait se produire, alors je serais prêt », dit-il en reprenant son souffle.

Eyal Yanilov insiste sur la dimension mentale du krav-maga. Il s’agit de prévenir une agression, de dissuader l’agresseur et de désamorcer une situation tendue. La riposte à une agression doit être proportion­née et doit permettre de garantir sa propre sécurité et celle des siens. Toujours avec beaucoup d’humour, Eyal Yanilov pose la question : « Si vous vous faites braquer avec un couteau pour votre argent, quel conseil vous donnerait votre mère ? Elle vous dirait de donner votre argent », lance-t-il en riant. Il passe ensuite de la parole aux actes. Deux instructeu­rs l’agressent. L’un lui met un couteau à la gorge alors que l’autre lui fouille les poches. Les coups fusent, les deux agresseurs se retrouvent à terre et Eyal Yanilov est déjà loin, en sécurité.

C’est sans doute l’image qui restera de ce séminaire. « Entraînez-vous constammen­t et votre niveau s’améliorera sans cesse », répète-t-il avant de conclure le séminaire. « La Chine est un grand pays, avec ses 1,3 milliard d’habitants et le krav-maga à sa place. Nous avons une organisati­on complète pour que vous puissiez propagez le krav-maga en Chine », lance-t-il pour galvaniser les participan­ts.

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Le 6 mai 2017, une entraîneus­e israélienn­e guide des élèves dans un club de krav-maga.

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