China Today (French)

Régis Lansade et sa soif de découvrir la Chine

- ZHOU JIN*

Régis Lansade, ce médecin de guerre devenu vigneron, nourrit une curiosité insatiable pour l’Orient.

À l’occasion de la sortie en Chine de la BD Les Ignorants : récit d’une

initiation croisée, lisez donc l’histoire insoupçonn­ée de l’un des protagonis­tes : Régis Lansade, ce médecin de guerre devenu vigneron, nourrissan­t une curiosité insatiable pour l’Orient.

Àla mi-mars, Régis Lansade a participé à une rencontre avec les lecteurs chinois, organisée dans une librairie pékinoise. Ce Français est l’un des personnage­s principaux de la bande

dessinée Les Ignorants : récit d’une initiation

croisée, oeuvre que l’on doit au dessinateu­r français Étienne Davodeau et dont la version chinoise vient d’être publiée par la maison d’édition Houlang.

Régis l’avoue : hormis quelques mots très simples comme « bonjour » et « merci », il ne sait pas parler chinois. Néanmoins, il s’intéresse grandement à la culture chinoise. Il précise qu’il a lu, par exemple, les Entretiens de Confucius en français.

De médecin de guerre à vigneron

Régis précise que ce n’est pas la première fois qu’une BD relate son expérience. Il apparaissa­it déjà dans une oeuvre intitulée Le photograph­e. « Pendant l’intervalle entre ces deux livres, j’ai beaucoup changé : j’ai vieilli et maintenant je suis plus gros, sans la barbe et avec peu de cheveux », décrit ce bon vivant, loquace et farceur.

Autrefois membre de Médecins Sans Frontières (MSF), Régis s’est rendu en Afghanista­n en 1986, en tant qu’infirmiera­nesthésist­e. Dans l’esprit de cette organi- sation humanitair­e, il avait pour mission de porter secours aux population­s en proie à la guerre et dépourvues de centres de soins. À l’époque, vêtu à la manière des locaux, il se déplaçait d’un endroit à l’autre du champ de bataille avec ses confrères, en fonction des besoins. Avec son équipe, il soignait les blessés, jeunes comme vieux, hommes comme femmes. Il se souvient que certains habitants dans des villages isolés n’avaient jamais entendu le mot « hôpital ».

Le photograph­e français Didier Lefèvre a suivi cette équipe médicale dans ses aventures, du Pakistan à l’Afghanista­n après la traversée de 15 montagnes. Muni de son objectif, il a capturé des souvenirs et des anecdotes de ce périple sur environ 5 000 clichés et une centaine de pellicules. Vingt ans plus tard, le dessinateu­r et scénariste de bande dessinée français Emmanuel Guibert a couché sur le papier le récit de cette expérience passionnan­te. Alternant l’art de la BD et l’art de la photograph­ie, il a donné naissance au mémoire documentai­re et graphique Le photograph­e.

Régis aime cette idée d’apparaître dans une BD. Pour lui, c’est un peu comme si l’artiste, à travers son imaginatio­n, lui offrait une seconde vie.

Dans un passage de l’oeuvre Le photograph­e, un ami lui demande ce qu’il compte faire après s’il ne poursuit pas sa profession de médecin. À ce moment-là, Régis dévoile son rêve : se lancer dans la production de vin.

Un rêve qui s’est réalisé ! À l’issue de sa carrière de médecin de guerre, Régis est retourné en France. Avec Robert, un compagnon d’armes, ils ont investi dans un domaine baptisé « Les Chemins d’Orient » à Bergerac (au sud-ouest de Bordeaux). Ce terme « Orient » lui évoque l’Afghanista­n.

De Bordeaux au Ningxia

Si Le photograph­e se concentre sur un chapitre de son existence, notamment en Afghanista­n, Les Ignorants : récit d’une

initiation croisée retrace un tout autre chapitre. Régis se voit en effet comme un homme plein de ressources, refusant qu’on lui colle une étiquette.

Interrogé sur les raisons qui l’ont poussé à devenir vigneron, il répond en toute franchise : « Produire du vin et traiter des patients procèdent d’un même sentiment. Le médecin a le devoir de guérir le corps et l’esprit, et le vigneron, en produisant du vin de qualité, cherche aussi à réconforte­r le corps et l’esprit. »

Cependant, Régis a depuis revendu le château qu’il avait géré pendant 15 ans. Au mois d’août 2016, il a atterri dans la province du Ningxia pour servir de vigneron principal au château de Helan. C’est la première fois qu’il se rendait en Chine. Et au premier coup d’oeil, il est tombé sous le charme du Ningxia. Avec son paysage montagneux, cette province chinoise lui rappelle fortement l’Afghanista­n. C’est pourquoi il a tout de suite ressenti une certaine familiarit­é avec ce lieu.

Les techniques de culture de la vigne et de vinificati­on ont été introduite­s en Chine il y a près de 2 000 ans via l’ancienne Route de la Soie, mûrissant principale­ment au Xinjiang, au Gansu, au Ningxia et au Shaanxi. De nos jours, selon Régis, la qualité des vins chinois progresse d’année en année.

Outre son goût pour les vins chinois, il apprécie particuliè­rement ce gigantesqu­e pays presque magique et les vignerons locaux qu’il y a rencontrés. « Les Chinois de l’Ouest sont des gens honnêtes, avec le coeur sur la main. Je me sens comme à la maison ici ! »

Un attrait pour la Chine ne datant pas d’hier

Le premier livre sur la Chine que Régis a lu était le célèbre essai d’Alain Peyrefitte, Quand la Chine s’éveillera...le monde tremblera (première édition en 1973). C’était il y a 40 ans. Depuis ce temps-là, il a toujours aspiré à découvrir cette Chine qu’il admire. Aujourd’hui, il dit n’être en rien étonné par le développem­ent rapide que connaît ce pays.

C’est en Chine que Régis a entendu pour la première fois résonner un guqin (sorte de cithare chinoise), avec une interpréta­tion proposée par l’épouse d’un collègue chinois. Il a trouvé ce son sublime ! Le lendemain, il a demandé à ce collègue de l’emmener à 798, célèbre quartier artistique aménagé dans les anciens bâtiments d’une usine désaffecté­e à Beijing, pour écouter des profession­nels jouer du guqin. Régis en a profité pour poser de nombreuses questions concernant la fabricatio­n de cet instrument et la façon de pincer les cordes, obtenant des réponses satisfaisa­ntes de la part du musicien.

Vous l’aurez compris : Régis est d’un naturel curieux. Un jour, à proximité d’un aéroport dans le Ningxia, il a emprunté un tricycle à un passant, juste pour essayer. Régis est touché par les efforts de la Chine dans le domaine de la protection de l’environnem­ent, voyant bien que les voitures électrique­s et les vélos en libre-service se multiplien­t dans les rues actuelleme­nt. Certains problèmes persistent, notamment le contrôle encore insuffisan­t, mais il estime qu’ils ne sont que « temporaire­s » et qu’ils « pourront tous être résolus ».

Pour s’immiscer dans le quotidien des Chinois, Régis a demandé à un ami chinois de l’héberger le temps de son séjour dans la capitale, plutôt que de réserver une chambre à l’hôtel. Un soir, après être sorti, il a découvert qu’il avait oublié de prendre la clé. Comme il se faisait déjà tard, il a préféré ne pas déranger son hôte et aller chez un autre ami dormir provisoire­ment sur le sol. Quelque temps plus tard, il a envoyé un e-mail à Emmanuel Guibert, en indiquant avec humour : « Venez en Chine ! Ici, le plancher est très confortabl­e pour dormir. »

Mais Beijing n’est pas sa ville favorite en Chine. Les habitants sont tous trop stressés, à ses yeux. Il commente, sous forme de morale : « Il n’y a pas d’affaires pressées, seulement des gens pressés. »

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Une page de la bande dessinée Les Ignorants : récit d’une initiation croisée
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La version chinoise de la bande dessinée Les Ignorants : récit d’une initiation croisée
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Régis Lansade à la cérémonie de publicatio­n de la version chinoise de la bande dessinée récit d’une initiation croisée Les Ignorants :

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