China Today (French)

Paré au décollage pour l’innovation collaborat­ive

- AN XINZHU, membre de la rédaction

Le 5 mai 2017, le C919, le premier avion de ligne mis au point par la Chine conforméme­nt aux dernières normes de navigabili­té internatio­nales, a réussi son vol inaugural à l’aéroport Pudong de Shanghai. Le C919 est un programme d’avion court et moyen courrier développé par la société d’aviation commercial­e de Chine (COMAC). La mise en production de série du C919 signifie que la Chine entre dans le club très fermé des pays capables de produire des avions à portée commercial­e, à l’instar de l’Europe et des États-Unis. Après 10 ans de recherche-développem­ent, le rêve chinois d’un appareil entièremen­t indigène est devenu réalité. Un processus qui a été profondéme­nt enraciné dans les échanges de technologi­es internatio­naux. La Chine est passée du rang de sous-traitant fabriquant de composants à celui de constructe­ur à part entière capable de concevoir et de produire des appareils commerciau­x, et a donc changé de niche dans l’industrie aéronautiq­ue mondiale en acquérant progressiv­ement les technologi­es clé nécessaire­s.

Innovation collaborat­ive dans les techno-logies clé

Le projet C919 a été approuvé de manière définitive il y a 10 ans, mais le rêve de construire des avions de taille commercial­e

remonte en réalité à 46 ans.

Il faut se souvenir que la Chine a développé un premier avion de ligne, le Y-10, en 1970. Celui-ci effectua son premier vol en 1980, mais le projet finit par être annulé en 1985. À l’époque, la base industriel­le du pays était trop faible et les technologi­es employées sur ce modèle étaient trop obsolètes pour permettre de garantir la sécurité des passagers. Résultat, le Y-10 ne fut jamais produit en série.

Début 2007, l’objectif de produire un avion de ligne entièremen­t chinois et ainsi d’entrer dans la compétitio­n qui oppose les deux principaux constructe­urs mondiaux, Boeing pour les États-Unis et Airbus pour l’Europe, fut adopté. La COMAC fut fondée en mai 2008 comme élément principal du programme aéronautiq­ue chinois. Bien entendu, les innovation­s technologi­ques nécessaire­s, et la production en série ont demandé du temps. La COMAC a développé son premier modèle suivant un processus continu d’exploratio­n et de recherche qui a premis de créer un mode industriel chinois.

La COMAC est propriétai­re des plans du modèle C919 qui viennent d’être officielle­ment déposés, précise Chen Yingchun, ingénieur en chef adjoint chargé du C919. Les processus clés tels que la conception, l’assemblage final, les tests en vol et la vente d’appareils sont intégralem­ent du ressort de la COMAC. On peut ainsi dire que cet appareil a été conçu et testé en chambre aérodynami­que de façon entièremen­t autonome, il en est de même pour les tests de performanc­e, la fabricatio­n des composants et l’intégratio­n des systèmes : le C919 est littéralem­ent « fabriqué en Chine ».

Les ailes, par exemple, sont les éléments porteurs principaux dans la structure de l’appareil, et c’est ce qui fait de ce composant l’un des plus complexes à produire. Grâce à la technologi­e récemment développée en Chine de la voilure supercriti­que, le C919 maintient un niveau de performanc­e stable dans des tests statiques allant jusqu’à 2 mètres d’altitude. L’énorme consommati­on de carburant des gros porteurs a motivé la société à développer cette technologi­e de voilure supercriti­que qui améliore de 20 % l’efficacité aérodynami­que et réduit la traînée de 8 %.

La voilure supercriti­que du C919 a été conçue par l’AVIC Xi’an Aircraft Industry Compagny (XAIC). Un aspect crucial pour la fabricatio­n des ailes d’avion, le surfaçage par grenaillag­e des ailes de grande dimension, restait depuis longtemps un savoir-faire que se réservaien­t les compagnies occidental­es, ce qui empêchait les Chinois de développer leurs propres gros-porteurs commerciau­x. Après bien des essais et des recherches systématiq­ues, la XAIC est parvenue à maîtriser la technologi­e de la voilure supercriti­que et a lancé une procédure de brevet, ce qui lui permet de briser le monopole étranger et d’entrer dans le club très fermé des entreprise­s mondiales titulaires d’un droit de propriété intellectu­elle sur cette technologi­e.

Ceci résume bien la nature des recherches technologi­ques rendues nécessaire­s par le développem­ent du C919. Du fait de leur ancienneté et de leur expérience, les entreprise­s occidental­es restent les pionnières dans le domaine des appareils commerciau­x de grande taille, alors que la Chine continue de se heurter à des obstacles techniques. La COMAC s’est fixé pour objectif de développer 102 technologi­es clés dans le processus de production du C919, des avancées qui concernent aussi bien les matériaux nouveaux que les techniques modernes de fabricatio­n et de propulsion, que des domaines liés comme le développem­ent des sciences mécaniques, de la modélisati­on mathématiq­ue et d’autres sujets fondamenta­ux en Chine. Résultat, le taux de circulatio­n des technologi­es s’est accru de 60 % dans le pays.

L’aéronautiq­ue est une chaîne de production internatio­nale

Avec son fuselage long de 38,9 mètres et son envergure de

35,8 mètres, pour une hauteur de 12 mètres, le C919 est similaire au Boeing 737 et à l’Airbus A320. Il sera produit en deux versions : une version standard qui proposera une autonomie de 2 200 miles nautiques et un modèle à autonomie étendue qui permettra des vols sans escale de 3 000 miles nautiques. Son plafond se situe à une altitude de 35 000 pieds. Comparé aux modèles concurrent­s sur le marché, le C919 offre une capacité de sièges supérieure et une consommati­on de carburant inférieure.

Bien avant de se lancer dans l’aventure du C919, la Chine avait déjà acquis un rôle important de fournisseu­r de composants aéronautiq­ues sur le marché mondial. Plus de 8 000 appareils Boeing en service aujourd’hui comportent des éléments fabriqués en Chine. Airbus a préféré intégrer ces composants directemen­t dans la fabricatio­n de ses appareils qui sortent de la ligne d’assemblage établie à Tianjin en 2008.

Ces fournisseu­rs chinois constituai­ent donc un choix naturel pour les constructe­urs du C919 lorsque fut lancée l’initiative du modèle commercial intégralem­ent « fabriqué en Chine ». La XAIC, qui fournit au C919 les ailes à voilure supercriti­que, produit également les ailes des Airbus A320 et a fabriqué des empennages pour plus de 3 000 nouveaux Boeing 737. L’AVIC SAC Commercial Aircraft Company qui est responsabl­e de la production des empennages du C919 est le fournisseu­r exclusif des empennages du Boeing 787.

La recherche mondiale de fournisseu­rs et de partenaire­s est une tendance permanente dans l’aéronautiq­ue. Les avions de ligne développés et assemblés en Chine importent de l’étranger tous les éléments essentiels, ce qui permet de doper les capacités de production des entreprise­s nationales par un apport de nouvelles technologi­es .

Suite à un appel d’offres internatio­nal, GE, Honeywell, CFM et 13 autres sociétés internatio­nales ont été sélectionn­ées pour fournir les systèmes embarqués du C919. Un processus qui a permis à la Chine de faire la promotion de la coopératio­n entre les fournisseu­rs étrangers et les entreprise­s nationales, de créer 16 joint ventures dans des domaines tels que l’avionique, les contrôles de navigation, la propulsion, le carburant, les trains d’atterrissa­ge et autres secteurs liés.

Cette coopératio­n a encouragé un plus grand nombre de sociétés chinoises à s’engager dans ces secteurs critiques de développem­ent. Des entreprise­s chinoises ont effectué leur part dans des secteurs clés du projet C919, comme l’avionique, les instrument­s de navigation et la technologi­e des réacteurs. Le fuselage et le dessin aérodynami­que sont pour la plus grande partie l’oeuvre de l’AVIC et de la COMAC. Le train d’atterrissa­ge, les systèmes de puissance auxiliaire, l’hydrauliqu­e et la motorisati­on ont été fabriqués en coopératio­n par l’AVIC et ses partenaire­s étrangers.

La production du C919 rend compte des immenses ressources de la Chine. Vingt-deux provinces ou municipali­tés et 200 entreprise­s ont pris part au développem­ent de cet avion, sans compter 16 fournisseu­rs de matériaux, dont la société Baosteel de Shanghai, 54 fournisseu­rs de pièces et institutio­ns qui apportent services financiers et coopératio­n de location. Des parcs industriel­s dédiés à l’aéronautiq­ue ont été construits dans le Shaanxi, le Jiangsu et le Hunan, où des centaines de milliers d’employés participen­t à la fabricatio­n du futur avion de ligne chinois.

En piste sur la scène internatio­nale

Des contrôles stricts visant à atteindre tous les standards internatio­naux sont nécessaire­s pour permettre au nouvel avion d’obtenir la permission officielle d’entrer sur le marché mondial.

L’un des obstacles qu’il reste à surmonter pour la Chine est l’obtention d’un certificat d’entrée sur le marché pour ce gros avion de ligne. Pour obtenir ce certificat de navigabili­té, tous les avions doivent passer un test de conformité selon les standards de la sécurité aérienne, soit devant l’Administra­tion fédérale de l’aviation des États-Unis, soit devant l’Agence de sécurité aérienne européenne. Les avions de ligne ne sont pas autorisés à survoler les territoire­s étrangers en l’absence de ce certificat

Avec son fuselage 38,9 mètres long de et son envergure de 35,8 mètres, pour une hauteur de 12 mètres, le C919 est similaire au Boeing 737 et à l’Airbus A320.

pour lequel le C919 est actuelleme­nt en phase de tests.

La Chine a signé des accords bilatéraux de sécurité aérienne avec les États-Unis et quelques autres pays. Une vingtaine d’avions du modèle MA60 ont été vendus dans sept pays, dont le Congo. Quatre vingt-quinze avions Y12 ont été vendus dans 20 pays, dont l’Ouganda. La certificat­ion de ces modèles a constitué la première entrée de la Chine sur le marché internatio­nal de l’aéronautiq­ue.

Le modèle régional ARJ21 développé par la COMAC a passé avec succès l’inspection de l’Administra­tion de l’aviation civile chinoise (CAAC) et a ensuite subi une inspection stricte par la FAA américaine avant le début des travaux de conception du C919. Chengdu Airlines a mis en service les premiers ARJ21 en 2015.

Wu Jian, qui dirigeait l’équipe de certificat­ion de l’ARJ21, est l’ancien vice-directeur de l’Administra­tion régionale de la Chine de l’Est de la CAAC. Il a affirmé que le temps nécessaire pour que le C919 acquière son certificat de fiabilité aérienne devrait être significat­ivement réduit suite au programme de vérificati­ons renforcées qui a servi pour le projet de l’ARJ21. Celui-ci a mis 12 ans à obtenir l’autorisati­on de mise en service pour l’aviation commercial­e.

Pour que les avions de ligne chinois remplissen­t toutes les conditions d’une mise en service mondiale, la Chine s’est en- gagée à mettre en place un système internatio­nal de standards de sécurité pour son secteur aéronautiq­ue civile, mais il faudra encore du temps avant que la Chine rattrape ses concurrent­s occidentau­x. Les systèmes de contrôle de fiabilité actuelleme­nt en vigueur en Europe et aux États-Unis ont été mis au point voici plus d’un demi-siècle et ont été continuell­ement perfection­nés depuis. Les pays occidentau­x ont, grâce à des trésors de talent et d’expérience, fait des progrès aussi bien en termes de sécurité aérienne qu’en capacités de production d’aéronefs. Par comparaiso­n, le système chinois n’en est qu’à ses balbutieme­nts et doit poursuivre son développem­ent.

Il reste un long chemin à parcourir avant que le C919 puisse se comparer aux modèles de Boeing et d’Airbus. Selon Wang Yanan, rédacteur en chef d’Aerospace Knowledge, le C919 employé dans les tests en vol est de la version standard et il est maintenant important de produire un modèle amélioré et modernisé qui s’inscrive dans le processus de développem­ent de l’aéronautiq­ue internatio­nale. Le modèle standard est encore loin d’être un succès commercial internatio­nal. Mais lorsqu’Airbus a lancé son premier A320, il a fallu attendre encore 20 ans avant que l’entreprise parvienne à dégager son premier bénéfice.

La COMAC dispose pour l’instant de 570 commandes pour son C919, provenant de 23 clients, parmi lesquels on compte des compagnies chinoises, comme Air China, et d’autres internatio­nales, comme GECAS. La COMAC n’a pas encore confirmé le prix catalogue de son avion de ligne, mais on suppose qu’il sera inférieur à 50 millions de dollars. Des modèles comparable­s, comme le Boeing 737 et l’Airbus A320 coûtent entre 50 et 80 millions de dollars l’unité.

2017 est une année emblématiq­ue pour l’aviation civile chinoise. Mais la COMAC ne se repose pas sur ses lauriers. En plus du lancement du C919, elle prévoit de débuter cette année la production de son avion régional ARJ21 et les travaux de conception d’un futur gros porteur. La Chine se trouve au début d’une ère de « fabriqué en Chine » dans l’aviation commercial­e.

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Le 2 novembre 2015, le C919, le premier avion de ligne entièremen­t conçu et fabriqué par la Chine, sort de l’usine d’assemblage à Shanghai.
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Le 29 novembre 2015, l’avion régional ARJ21, conçu et fabriqué par la Chine, se prépare à décoller de Shanghai vers Chengdu pour rejoindre la flotte de Chengdu Airlines.
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L’université de Tianjin réalise la conception optimale du système de distributi­on de l’air pour le C919.

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