China Today (French)

Les lanceurs chinois prennent leurs marques

- ZHOU LIN, membre de la rédaction

La fusée porteuse chinoise Longue Marche 3A (aussi appelée CZ-3A) attend que s’égrène le compte à rebours au Centre de lancement des satellites de Xichang au fin fond des monts Daliang, dans la province sud-ouest du Sichuan. Au signal « zéro », Jiang Jie, conceptric­e en chef de la mission, donne l’ordre de l’allumage et du lancement pour le CZ-3A.

« Atteindre une cible à 10 000 km »

Mme Jiang est membre de l’Académie des sciences de Chine et conceptric­e en chef de la série CZ-3A de l’Académie chinoise de technologi­e des lanceurs.

Elle se le répète souvent : « Voici trente ans, mon rêve était d’être une pionnière de l’espace... aujourd’hui c’est ma passion ! »

Jiang Jie a commencé sa carrière au sein de l’Académie chinoise de technologi­e des lanceurs en 1983, juste après avoir obtenu son diplôme de l’Université nationale des technologi­es de défense. Depuis, elle a grimpé les échelons, de simple ingénieur à conceptric­e en chef de fusée. Pendant ces trois décennies, elle s’est consacrée tout entièremen­t à la recherche sur le modèle des lanceurs de la série CZ-3A.

Un lanceur, c’est une fusée qui met en orbite les équipement­s qui doivent quitter la surface de la terre pour s’établir dans l’espace.

La série CZ-3A de lanceurs comprend les modèles suivants : le CZ-3A, CZ-3B et les CZ-3C/YZ-1, ces deux derniers étant des versions plus lourdes du premier. Le lanceur se compose d’une fusée à trois étages qui place en orbite les satellites du système de navigation Beidou, les satellites de télécommun­ications et les autres satellites commerciau­x internatio­naux. Après toutes sortes de missions en haute orbite, les fusées de la série CZ-3A ont effectué un tiers de tous les lancements spatiaux réalisés en Chine. La capacité d’embarqueme­nt d’un lanceur est une donnée capitale pour le succès des vols spatiaux chinois. « Le lanceur est comme le premier coureur dans une course de relais. Nous devons être certains qu’il fasse son travail pour permettre l’exploitati­on optimale des satellites qu’il transporte », explique Mme Jiang.

Lors du lancement de la sonde lunaire Chang’e-3, qui faisait partie du programme d’exploratio­n lunaire chinois, celui-ci s’est directemen­t placé sur l’orbite de transfert Terre-Lune, une trajectoir­e elliptique dont le périgée se trouve à 200 km et l’apogée à 380 000 km, avant de se séparer de la fusée de lancement. Un voyage que l’on peut comparer à une montée en ascenseur directemen­t vers l’étage souhaité, approche qui demande une précision sans faille.

« Si l’on compare le lancement d’une fusée à celui d’une flèche, on pourrait dire que les missions d’autrefois cherchaien­t à frapper à l’intérieur du troisième cercle de la cible ; de nos jours, il nous faut absolument mettre en plein dans le mille », affirme Jiang Jie.

Des défis qui mobilisent toute l’innovation et l’ingéniosit­é disponible­s. Jiang Jie et son équipe ont ainsi pris l’initiative d’opter pour la technologi­e de guidage composite appelée « plate-forme de navigation satellitai­re inertielle à double laser ».

« Cette technologi­e nous permet de donner deux yeux à la fusée : l’un s’assure que la fusée suit bien l’orbite prévue, l’autre calcule avec précision la meilleure route et modifie automatiqu­ement la trajectoir­e », explique Mme Jiang.

Le 2 décembre 2013, le lanceur CZ-3C/YZ-1 a emporté avec succès la sonde Chang’e-3 sur la Lune.

Depuis le début de sa carrière, Jiang Jie a participé à des recherches sur une trentaine de lanceurs de la série CZ-3A. Elle a ainsi accumulé une riche expérience et elle a réalisé des percées technologi­ques majeures, comme celle qui a consisté à concevoir un système de commande stable pour une fusée asymétriqu­e à deux propulseur­s, à conduire avec succès la mission de pilotage de cette fusée, puis à poser en douceur le premier satellite d’exploratio­n lunaire sur l’orbite prévue. On peut dire qu’aujourd’hui Jiang Jie est une experte chevronnée de l’espace.

Neuf triomphes de suite en 143 jours

Le coût relativeme­nt modeste, la grande adaptabili­té et l’excellente fiabilité des fusées de la série CZ-3A leur ont valu la réputation de « lanceurs médaillés d’or ». Ces dernières années, cette série de lanceurs est entrée dans une « nouvelle normalité » de tirs à rythme élevé qui s’est soldée par une suite de neuf réussites en 143 jours.

En 2016, les lanceurs de la série CZ-3A ont accompli avec succès sept missions, ce qui constitue les lancements annuels les plus fréquents. En 2017, il est prévu de procéder à une dizaine de lancements, et durant la période intensive, des tirs se succéderon­t tous les 15 jours.

Le lancement spatial est une activité à haut risque et toutes les technologi­es mises en oeuvre ont été développée­s en Chine de façon indépendan­te. Comme le moindre problème initial représente­rait un risque sérieux pour la mission, la priorité va toujours à la qualité de la recherche et de la production. C’est pourquoi les chercheurs chinois du secteur spatial ont adopté un

système de contrôle qualité particulie­r pour les éléments et les processus. Ils ont également progressé dans leur travail sur les technologi­es avancées nécessaire­s à la gestion et la conception des lanceurs pour arriver à un standard de « zéro défaut avant lancement ».

La série de fusées CZ-3A inspire une grande confiance en raison de sa flexibilit­é en termes d’altitude de travail et d’adaptabili­té à toutes sortes de missions. Ces dernières années, les lanceurs CZ-3A ont fonctionné à un rythme soutenu pour répondre aux demandes du marché. Les lanceurs les mieux adaptés aux besoins des clients se sont également imposés sur le marché du lancement de satellites commerciau­x.

« Ces lancements fréquents sont dûs à une demande importante qui elle-même est le fruit du développem­ent rapide des besoins en systèmes satellitai­res pour les télécoms, la navigation, la détection à distance, la météorolog­ie, et un grand nombre de missions de lancement commercial internatio­nal », affirme Jiang Jie.

Comme le système de navigation satellitai­re Beidou, le réseau de système global englobant une trentaine de satellites qui

doivent être tous en orbite d’ici à 2020 deviendra une des plus importante­s constellat­ions satellitai­res de l’histoire de l’espace. Ce nouveau réseau global se place sur trois orbites distinctes, optimisées pour permettre une exploitati­on parfaite de toutes les fonctions de navigation de Beidou.

Jiang Jie précise en outre que, différent du système local de Beidou qui ne couvre que la région Asie-Pacifique, le réseau de système global nécessite plus de satellites pour couvrir plus de régions. C’est pourquoi il faut procéder à ces nombreux lancements qui permettent de garantir le fonctionne­ment continu de la constellat­ion de satellites. Depuis peu, les fusées porteuses emmènent les satellites directemen­t sur leur orbite de travail et non sur une orbite basse dite « de transfert ». Cette approche permet de gagner les quelques jours que l’on passait autrefois à faire changer le satellite d’orbite, et cela permet d’éviter d’équiper les satellites de moteurs de manoeuvre.

On sait que la série de lanceurs CZ-3A, la plus employée en Chine pour le lancement de satellites orbitaux, est passée par plusieurs périodes de lancements à haute fréquence. Ces périodes comprennen­t les 26 missions qui se sont étalées de 2010 à 2012 et qui ont permis d’entretenir un taux de succès exceptionn­el digne des standards internatio­naux les plus élevés. Ces dernières années, le réseau de satellites du système régional Beidou a rempli sa mission qui consistait à placer sur toute une série d’orbites une constellat­ion de 14 satellites. Chang’e-2 et Chang’e-3 ont été placés dans l’espace sans coup férir, et les lanceurs ont expédié directemen­t les sondes lunaires sur l’orbite de transfert TerreLune. Tout cela a posé les fondations d’une capacité chinoise à créer des réseaux satellitai­res en constellat­ion et d’entreprend­re des missions d’exploratio­n spatiale encore plus lointaine.

D’un grand pays à une puissance spatiale

Jiang Jie le rappelle, « l’histoire de la recherche-développem­ent sur la série de lanceurs CZ-3A est passée par trois étapes : formation, modernisat­ion, expansion ».

Dans la première phase, appelée l’ère 1.0, le CZ-3A pouvait placer des satellites en orbite haute, c’est à dire sur l’orbite géostation­naire de transfert (GTO), mais les satellites nécessitai­ent plusieurs transferts pour arriver à leur orbite définitive.

Dans la période appelée l’ère 2.0, les fusées porteuses sont parvenues à lancer des satellites sur des orbites synchrones, et aussi à les transporte­r vers différente­s orbites d’altitude haute ou moyenne. Le programme d’exploratio­n lunaire a réalisé dans les faits la possibilit­é d’une orbite de transfert direct TerreLune. Entre temps, la mise en place du système de navigation par satellite Beidou a rendu possible le lancement de satellites sur l’orbite circulaire intermédia­ire et sur l’orbite géosynchro­ne inclinée.

Aujourd’hui, à l’ère 3.0, la série CZ-3A développe des fusées à quatre étages au lieu de trois, le CZ-3D, dont l’étage supérieur permet le lancement de satellite en orbite moyenne et haute directemen­t sur leur trajectoir­e définitive. D’autre part, les fusées sont modernisée­s pour pouvoir s’adapter à toute une variété de missions.

2016 était l’année du 60e anniversai­re du programme spatial chinois. Cette année-là, 22 missions ont été accomplies par les fusées de la série Longue Marche, et 40 engins spatiaux ont été placés avec succès dans l’espace. L’épisode des 20 lancements successifs réussis a constitué un nouveau triomphe dans l’histoire de l’exploratio­n spatiale chinoise.

De plus, la Chine a construit sa première base marine cette année, le Centre de lancement de satellites Wenchang, dans la province du Hainan, qui a procédé à son lancement inaugural. Le premier vol Longue Marche 5 a constitué une étape importante dans l’histoire des lanceurs chinois, puisqu’il a porté les capacités de la Chine sur le même pied que celles des ÉtatsUnis et de la Russie. La Chine est passée du rang de grand pays spatial à celui de puissance spatiale forte.

Durant le XIIIe Plan quinquenna­l, la série de lanceurs Longue Marche devra accomplir plus de 100 missions. D’ici à 2020, la série CZ-3A exécutera entre 8 et 10 lancements par an.

« La mise en orbite par fusée est un projet d’envergure qui requiert la coopératio­n sur divers plans. C’est pourquoi il met à rude épreuve mes capacités à résoudre les problèmes. « Il m’oblige à me concentrer sur le système dans sa globalité », conclut Jiang Jie. Pourtant, quelle que soit la fréquence des missions à venir, nous les accepteron­s avec confiance. »

Durant le XIIIe Plan quinquenna­l, la série de lanceurs Longue Marche devra accomplir plus 100 missions. de D’ici à 2020, la série CZ-3A 8 et 10 exécutera entre lancements

par an.

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Le lanceur Longue Marche 3A est transféré au Centre de lancement de Xichang le 13 janvier 2012.
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Jiang Jie, conceptric­e en chef de la série CZ-3A
 ??  ?? La fusée Longue Marche 5, qui a effectué son vol inaugural le 3 novembre 2016 depuis le Centre de lancement de Wenchang, première base de lancement de satellites sur le littoral chinois.
La fusée Longue Marche 5, qui a effectué son vol inaugural le 3 novembre 2016 depuis le Centre de lancement de Wenchang, première base de lancement de satellites sur le littoral chinois.
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