China Today (French)

TGV : les techniques indigènes boostent le développem­ent du secteur

- DANG XIAOFEI, membre de la rédaction

Il fut un temps où les Chinois devaient vendre 800 millions de chemises pour se payer un Boeing. Aujourd’hui, la Chine exporte des TGV prisés pour leur technologi­e de pointe, leur fiabilité et leur rapport qualité/prix. Le développem­ent de l’industrie manufactur­ière chinoise fait des envieux. Son retard de départ, le TGV chinois l’a comblé en seulement neuf ans. Quels sont ses secrets ? Comment a-t-il pu ainsi surpasser ses concurrent­s ?

Un succès de l’innovation chinoise

Depuis les plaines et les régions marécageus­es jusqu’au désert de Gobi, des plateaux glacés aux forêts tropicales, le TGV est omniprésen­t en Chine. Le train à grande vitesse, concept autrefois inconnu, est désormais un moyen de transport courant pour les Chinois.

C’est en 2007 que furent mis en service les premiers trains capables de rouler à 300 km/h fabriqués en Chine. En 2010, le TGV Beijing-Shanghai établit un record mondial : une vitesse de 486,1 km/h. En 2016, des TGV surnommés « Phénix d’or » et « Dauphin bleu » se sont croisés à une vitesse de croisière de 420 km/h. Ceux-ci ont officielle­ment rebaptisés en juin « Fuxing » ( Renaissanc­e ) et font la navette entre Beijing et Shanghai. Le TGV chinois n’a cessé de progresser depuis.

« Il faut souligner que c’est l’innovation autonome chinoise qui explique les progrès techniques incessants de notre TGV », affirme Shang Jing, directeur général adjoint et ingénieur en chef de Zhuzhou CRRC Times Electric Co., Ltd. Aujourd’hui, les techniques du TGV chinois se trouvent au premier rang mondial et nous disposons de quelques technologi­es inégalées.

Les rames automotric­es aux normes chinoises sont des trains à motricité répartie. Le TGV chinois de la dernière génération est intégralem­ent conforme aux normes chinoises, c’est à dire que ce sont des entreprise­s indigènes qui maîtrisent l’ensemble de ses techniques clés qui ont toutes été développée­s nationalem­ent. Cela montre que les entreprise­s chinoises ont aujourd’hui la capacité de concevoir et de fabriquer des trains qui pourront satisfaire les besoins de différents pays. Selon Shang Jing, « Ce train aux normes chinoises est composé de rames automotric­es intégralem­ent développée­s ici. Par exemple, le système de transmissi­on électrique de traction du TGV, un système clé, est fourni par Zhuzhou CRRC Times Electric Co., Ltd et à 100 % de fabricatio­n locale, qu’il s’agisse de conception ou de développem­ent (y compris les logiciels). » Le système de transmissi­on électrique de traction, le coeur et la source de la force motrice du TGV, est l’une des composante­s clés du TGV.

La société où travaille Shang Jing fournit également le convertiss­eur de traction, autre pièce maîtresse du TGV. « Pour réduire le bruit, un groupe de travail a été formé avec la mission de résoudre les problèmes techniques. C’était une course contre

la montre, puisque dans la journée, le train devait fonctionne­r. Nous avons réalisé nos tests sur une version du programme avant de procéder à l’analyse des données. Le soir, le train-test rentrait et nous pouvions faire d’autres tests à bord. Nous avons modifié et optimisé plus de 100 fois nos logiciels », raconte Shang Jing, se remémorant les joies et l’amertume du travail de recherche-développem­ent.

Grâce à ces efforts, le bruit du convertiss­eur est maintenu entre 76 et 78 décibels, contre plus de 80 décibels chez les entreprise­s concurrent­es étrangères. « Un écart qui semble négligeabl­e et pourtant qui est source de confort pour les passagers qui ne sont plus soumis à ce sifflement aigu », explique Shang Jing. Ce n’est qu’un petit exemple de l’innovation menée par son groupe.

Grâce à l’innovation, le TGV est doté d’un système de contrôle de réseaux (Networked control system) et d’une technique à puce IGBT. Le système de contrôle de réseaux peut se comparer au « cerveau » du TGV, puisqu’il ordonne et gère l’ensemble du convoi, tandis que la puce IGBT en serait le coeur. Deux techniques clés que le TGV doit à des entreprise­s chinoises. Mais l’expertise de la Chine ne s’arrête pas là puisqu’elle s’étend également aux techniques de constructi­on des voies, des ouvrages d’art, la fabricatio­n des rames à grande vitesse, les contrôles en cabine, l’alimentati­on électrique, la motricité, sans compter la gestion et le contrôle des risques.

Fin 2016, en Chine, la longueur totale des lignes ferroviair­es atteignait 120 000 km, dont 20 000 km de voies à grande vitesse. Les trains à rames ont parcouru un total de 3,8 milliards de km, transporta­nt un total de 5 milliards de passagers. Chaque jour, sur les LGV du pays, ce sont 4 200 trains qui circulent et transporte­nt 4,5 millions de passagers.

Effets d’entraîneme­nt sur les pôles de compétitiv­ité

La mise en service du TGV interurbai­n Beijing-Tianjin, en 2008, a marqué l’entrée du TGV dans la vie des Chinois. En une décennie à peine, il a provoqué un effet d’entraîneme­nt dans le développem­ent de pôles industriel­s dont la production atteint des trillions de yuans et qui sont devenus l’un des principaux moteurs du développem­ent économique chinois.

« Aujourd’hui, le secteur du TGV constitue une chaîne industriel­le complète : depuis la fabricatio­n des rames à celle des composants clés, en passant par les pièces mécaniques », souligne Shang Jing.

CRRC, l’entreprise où travaille Shang Jing, a son siège à Zhuzhou, une ville du Hunan que l’on qualifie parfois de « centre de la diplomatie du TGV. » Grâce à l’effet d’attraction que produit le secteur du TGV, des industries liées au transport ferroviair­e se sont regroupées dans cette ville. Leur production recouvre presque l’ensemble des industries liées au transport ferroviair­e. Ensemble, elles forment un centre industriel qui comprend la recherche-développem­ent, la production, le service après-vente, la logistique. 70 % des pièces employées dans une rame de TGV sont fabriquées ici.

À ce jour, Zhuzhou compte 320 entreprise­s fabriquant des équipement­s de transport ferroviair­e, dont 62 qui enregistre­nt un chiffre d’affaires annuel égal ou supérieur à 5 millions de yuans. « L’effet de regroupeme­nt devrait améliorer la compétitiv­ité internatio­nale des entreprise­s du secteur ferroviair­e, jouer un rôle d’entraîneme­nt pour une trentaine d’autres secteurs industriel­s, ce qui permettra aux entreprise­s de se partager un marché internatio­nal du transport ferroviair­e estimé à 190 milliards d’euros », analyse Liu Youmei, membre de l’Académie d’ingénierie de Chine et directeur du comité des experts de Zhuzhou CRRC.

Sans doute, le développem­ent du TGV a entraîné celui de secteurs tels que la sidérurgie, les nouveaux matériaux, les infrastruc­tures et l’industrie mécanique. Pour Shang Jing, les exigences extrêmemen­t élevées du TGV en matière de qualité, de sécurité et de coût, n’ont pu que stimuler le progrès des entreprise­s en amont. « Certaines industries bas de gamme, à bas coût ou à bas prix se transforme­nt en industries à forte valeur ajoutée grâce à la modernisat­ion technologi­que et des équipement­s, et cette transforma­tion encourage le développem­ent d’autres secteurs liés, et donc au final de toute l’industrie », observe-t-il.

À Qingdao, siège de CSR Qingdao Sifang, on peut constater cet effet de rayonnemen­t. Autour de l’entreprise se rassemblen­t une centaine de fournisseu­rs de pièces et de composants. Dans tout le pays, on compte au total plus de 500 entreprise­s de ce genre, dont la production annuelle atteint une valeur de 100 milliards de yuans.

Dans la réalité, l’effet de rayonnemen­t va plus loin encore. Le TGV joue également un rôle moteur dans l’économie régionale. « Le TGV va renforcer les liens économique­s entre les villes et y produire des synergies, grâce à la circulatio­n des capitaux, des techniques et des ressources humaines au travers de la région. En accroissan­t l’efficacité de la circulatio­n des personnes, on améliore la qualité de la logistique. Le TGV renforce les liens entre régions voisines et encourage le développem­ent économique entre ces régions », affirme Wang Lan, directeur de l’exploitati­on de l’Académie des sciences du chemin de fer de Chine.

L’important est que le développem­ent du TGV chinois contribue non seulement à l’essor de l’économie chinoise, mais par l’exportatio­n, il contribue aussi au développem­ent économique des pays importateu­rs.

L’exportatio­n du TGV chinois contribue à la croissance de l’économie locale

L’exportatio­n du TGV chinois complète parfaiteme­nt la mise en oeuvre de l’initiative des Nouvelles Routes de la Soie. En plus de ses avantages en termes de logistique, de coût et de réseau, les chemins de fer apportent un autre atout : le transport des marchandis­es lourdes et volumineus­es.

À l’heure actuelle, les projets de coopératio­n comme le TGV Jakarta-Bandung, le TGV Moscou-Kazan et le TGV Kuala Lumpur-Singapour sont sur les rails.

L’exemple de la constructi­on du TGV entre Jakarta et Bandung, démarrée au début de 2016, illustre bien la coopératio­n sino-indonésien­ne. Ce train à grande vitesse qui s’étend sur un tronçon de 150 km permettra de relier la capitale de Jakarta à la station balnéaire de Bandung, quatrième ville du pays. La vitesse prévue est de 350 km/h et la mise en service devrait avoir lieu dans les trois ans à venir, réduisant la durée du trajet de 3 heures à 40 minutes seulement.

Le TGV Jakarta-Bandung démontre l’avantage compétitif de la production chinoise. Celui-ci facilitera la vie des Indonésien­s vivant dans ces deux villes et favorisera le développem­ent de l’économie des régions voisines, sans compter celui du secteur ferroviair­e. M. Soemarno, ministre des Entreprise­s publiques de l’Indonésie, a ainsi affirmé que le TGV Jakarta-Bandung transforme­rait les régions voisines en nouvelles zones de croissance économique et que cela jetterait une base solide à la constructi­on d’une seconde ligne à grande vitesse, entre Jakarta et Surabaya.

Selon le maire de Bandung, une ville axée sur les services dont la croissance économique repose sur le commerce, l’investisse­ment et le tourisme, le TGV apportera un afflux de touristes dix fois supérieur à celui d’autrefois et jouera donc un rôle de stimulant pour le développem­ent de la ville.

« À l’heure actuelle, Bandung, ville privée de lignes ferroviair­es, affiche un taux de croissance annuel de 8,8 %. Avec l’arrivée du TGV et un système de tram sur rail léger, le taux dépassera 10 % », prévoit-il. La mise en oeuvre du projet du TGV Jakarta-Bandung va promouvoir directemen­t le développem­ent des secteurs comme la métallurgi­e, l’industrie manufactur­ière et les infrastruc­tures, créer de nouveaux emplois, accélérant ainsi la restructur­ation industriel­le.

 ??  ?? Deux TGV aux normes chinoises, le Phénix d’or CR400BF et le Dauphin Bleu CR400AF, sont mis en service le 25 février 2017 sur la ligne Beijing-Guangzhou.
Deux TGV aux normes chinoises, le Phénix d’or CR400BF et le Dauphin Bleu CR400AF, sont mis en service le 25 février 2017 sur la ligne Beijing-Guangzhou.
 ??  ?? Le TGV de modèle CRH380A en phase d’assemblage sur le site de production de CRRC Qingdao Sifang Co., Ltd, le 6 janvier 2015
Le TGV de modèle CRH380A en phase d’assemblage sur le site de production de CRRC Qingdao Sifang Co., Ltd, le 6 janvier 2015
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