China Today (French)

La presse chinoise plus raisonnabl­e dans la couverture des événements internatio­naux

- (France) CHRISTOPHE TRONTIN

Ce qui est drôle lorsqu’on vit en Chine, c’est voir à quelles contorsion­s la presse démocratiq­ue est prête à se livrer lorsqu’elle raconte ce pays. Pas de bonnes nouvelles de ce côté du globe, et toute info est systématiq­uement tordue dans le sens le plus pessimiste possible. Bien sûr, certains thèmes demandent plus d’agilité que d’autres et parfois, des prouesses sémantique­s qui vous laissent pantois...

Lutte contre la corruption en Chine ? « Propagande », affirment les médias occidentau­x. « Propagande » aussi, les bonnes nouvelles que publie la presse chinoise sur l’élévation du niveau de vie dans les régions reculées du Tibet et du Xinjiang... « Propagande éhontée », les articles qui racontent les investisse­ments en Afrique dans le cadre du transfert des capacités de production... « Simple opération de propagande », le développem­ent accéléré en Asie centrale grâce à l’initiative des Nouvelles Routes de la Soie. Tout ce qu’affirme la Chine par l’intermédia­ire de sa presse contrôlée ne serait donc que propagande, et donc vils mensonges ?

Difficile de ne pas le constater, la presse chinoise, et ce magazine en est un bon exemple, préfère les bonnes nouvelles aux mauvaises. Elle met plus souvent en lumière les réussites que les échecs, souligne les mérites plus que les défauts, n’aborde qu’à mots couverts les sujets qui fâchent... Il ne s’agit pas de mensonges mais de la vision chinoise des affaires du pays et du monde.

« La propagande est un concept désignant un ensemble de techniques de persuasion, mis en oeuvre pour propager avec tous les moyens disponible­s une idée, une opinion, une idéologie ou une doctrine et stimuler l’adoption de comporteme­nts prédétermi­nés au sein d’un public-cible », indique le Larousse. L’informatio­n contrôlée par les autorités gouverneme­ntales et destinée à exposer le point de vue officiel s’inscrit donc bien dans la catégorie « propagande ». Une spécialité chinoise ?

Si en Chine l’informatio­n est soumise au filtre des intérêts de l’État, dans les pays à « presse libre », celle-ci est soumise aux lois du business. Quelques groupes d’intérêt y formatent l’informatio­n suivant des objectifs négociés avec l’État. C’est ainsi que l’on voit fleurir, dans la presse « libre », ces informatio­ns et ces « faits alternatif­s » censés préparer l’opinion à telle ou telle aventure militaire ou la distraire de telle ou telle affaire politique peu reluisante... C’est ainsi que se crée soudain cette curieuse unanimité en faveur de tel candidat (miraculeus­ement épargné par les « affaires »), ou telle politique d’austérité (« sans alternativ­e »).

On ne parle pas de propagande car celle-ci, pour être efficace, doit être invisible et inodore. Alors que le point de vue de l’État chinois est ouvertemen­t annoncé, dans les pays à « presse libre », le contrôle des groupes de pression anonymes est plus discret mais pas moins efficace. Aujourd’hui, en réaction à la proliférat­ion des sites d’informatio­n qui proposent d’autres points de vue, la « presse autorisée » fait appel à Google et Facebook pour lancer le Decodex. Un outil qui doit décider de la véracité des informatio­ns, distribuer les bons et les mauvais points et finalement restaurer le contrôle de l’informatio­n.

Seule une informatio­n formatée permet ces campagnes de diabolisat­ion de dirigeants étrangers qui font de Saddam Hussein, de Bachar Al-Assad ou d’Hugo Chavez des monstres sanguinair­es dévoreurs d’enfants. Un bombardeme­nt médiatique qui sert malheureus­ement souvent de prélude aux « frappes humanitair­es » de l’Otan ou d’autres coalitions belliqueus­es. Dans les affaires internatio­nales, il est facile de constater que c’est la presse chinoise « propagandi­ste » qui tient la voix de la raison, de la modération, de la diplomatie, en contraste avec la politique de la canonnière sans cesse brandie par les puissances occidental­es. Dans sa couverture des affaires du monde, la presse chinoise se montre bien plus raisonnabl­e et réaliste et distribue ses évaluation­s en termes bien plus mesurés. Concernant les affaires chinoises, l’optimisme prudent de la presse d’ici n’est-il pas plus proche de la réalité que les ridicules mises en garde occidental­es qui, depuis trente ans, prédisent jour après jour à la Chine faillite, échec et catastroph­es en tout genre (économique­s, sociales, morales) qui ne se produisent jamais ? En parlant à tout bout de champ de « propagande chinoise », la presse libre s’inscrit dans un affronteme­nt idéologiqu­e que la Chine justement récuse.

L’affronteme­nt médiatique annonce une confrontat­ion économique puis militaire : c’est pourquoi l’agressivit­é de la presse « libre » n’est pas anodine et ne doit pas être prise à la légère. La rhétorique agressive qu’elle déverse sur tel ou tel « régime » qui ne se plie pas à ses intérêts doit être considérée pour ce qu’elle est : une propagande destinée à façonner l’opinion mondiale. Appeler « propagande » l’informatio­n en Chine, c’est chercher à dissimuler le caractère idéologiqu­e de nos médias « libres ».

À l’heure de la mondialisa­tion de la pensée unique, ce sont les diverses « propagande­s » qui jouent le rôle du pluralisme démocratiq­ue. Ce n’est qu’en recoupant les informatio­ns en provenance de divers pays que le citoyen du XXIe siècle peut se faire une opinion réellement équilibrée sur la marche du monde.

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