China Today (French)

Vive les vacances ! — Que font les Chinois en été ?

— Que font les Chinois en été ?

- ZHENG RUOLIN*

En France, lorsque l’été approche, les Français n’ont qu’un mot à la bouche : les vacances ! Lorsque je vivais et travaillai­s en France, j’ai découvert que le week-end du 14 juillet (jour de la Fête nationale), est toujours « rouge » voire « noir ». Ces couleurs servent à indiquer les conditions de circulatio­n sur les autoroutes : le vert signifie que la circulatio­n est fluide, tandis que l’orange indique que le trafic est dense et le rouge qu’il y a des embouteill­ages. Quant au noir, on devine facilement ! Les gens affluent vers les plages de la Méditerran­ée, dans le sud de la France, pour prendre le soleil, autrement dit « trouver un peu de chaleur ». C’est probableme­nt en raison du besoin de leur constituti­on physique que les Français recherchen­t le soleil à tout prix en été. En hiver, il n’y a pas assez de soleil à Paris, ce qui entraîne une augmentati­on du nombre de personnes dépressive­s. Des enquêtes menées dans les pays nordiques ont montré que les habitants de régions insuffisam­ment ensoleillé­es ont une plus forte tendance à la dépression mentale.

En entendant cela, mes compatriot­es chinois restent dubitatifs. En effet, en Chine, la norme est plutôt de « rechercher la fraîcheur » en été. Dans la ville de Chengde (Hebei), à 230 km au nord-est de Beijing, il y a un célèbre site touristiqu­e qui s’appelle Bishu Shanzhuang (la Résidence impériale d’été), littéralem­ent : la résidence pour échapper à la chaleur. Pendant la dynastie des Qing (1644-1911), les empereurs y résidaient chaque année à la période estivale. À l’heure actuelle, en été, le site touristiqu­e de Beidaihe (Hebei), où la températur­e moyenne est de 5 ou 6℃ inférieure à celle de Beijing, est très prisée par les pékinois, y compris par les dirigeants d’État. En hiver, les habitants du nord aiment passer leurs vacances dans le sud du pays, comme les empereurs dans l’antiquité. On dit que Qianlong, quatrième empereur de la dynastie des Qing, a fait six tournées d’inspection dans le sud, et chacune des tournées fut effectuée du mois de janvier au début de l’été. Aujourd’hui, la plupart des nouveaux propriétai­res d’appartemen­ts à Hainan (île tropicale au sud de la Chine) viennent du nord, surtout du Heilongjia­ng, du Jilin et du Liaoning, trois provinces situées presque sur la même latitude que Paris.

Auparavant, les Chinois n’attachaien­t pas vraiment d’importance aux vacances. À l’heure actuelle, il y a 115 jours de congé en Chine (104 jours de weekends, ainsi que 11 jours de fêtes telles que le Nouvel An, la fête du Printemps et la Fête nationale). En plus de cela, les employés disposent de 5 à 15 jours de congés en fonction de leur ancienneté. Pour écrire cet article, j’ai mené une petite enquête auprès des gens qui m’entourent et les résultats m’ont quelque peu surpris : l’attitude des Chinois en ce qui concerne les vacances a connu une véritable évolution.

Aujourd’hui, l’idée que la jeune génération chinoise se fait des vacances se rapproche de plus en plus de celle des jeunes occidentau­x. Bien entendu, lorsque l’on parle de « jeune génération », on n’évoque pas exactement la même chose d’un pays à l’autre: en France, il s’agit des jeunes qui ont en moyenne 25 ans, tandis qu’en Chine, la « jeune génération » inclut des personnes de 18 à 35 voire 40 ans.

La première personne que j’ai interviewé­e est M. Liu, un Chinois de 32 ans, qui est directeur technique dans une société informatiq­ue à Zhongguanc­un (pôle de hautes technologi­es de Beijing). Quand je lui demande ce qu’il a prévu pour ses prochaines vacances, il répond en haussant les sourcils : « Aller à l’étranger bien sûr ! » Et il est vrai que de plus en plus de jeunes Chinois sont attirés par des vacances à l’étranger. En 2016, plus de 120 millions de Chinois ont voyagé à l’étranger, dont plus de la moitié avaient moins de 40 ans.

En Chine, beaucoup de jeunes ont un salaire élevé, ce qui n’est pas le cas en France. Je me souviens que dans les grands restaurant­s en France, la plupart des clients étaient des personnes âgées, les jeunes Français n’ayant souvent pas les moyens. à l’inverse, en Chine, beaucoup de jeunes gagnent plus d’argent que

leurs parents. C’est une conséquenc­e des mesures adoptées dans les années 1980 dans le cadre de la réforme et l’ouverture. Leurs parents sont fonctionna­ires ou ouvriers. Ils touchent un salaire modeste, mais ont pu acheter un appartemen­t à un prix très bas grâce à l’État. En outre, ils bénéficien­t de l’assurance maladie, ainsi que d’une pension de retraite satisfaisa­nte, qui représente 70 à 80 % de leur salaire. Actuelleme­nt en Chine, l’âge de la retraite tourne autour de 55 ans pour les femmes, et de 60 ans pour les hommes. Les jeunes, quant à eux, ont la chance de pouvoir choisir parmi différents types d’entreprise­s dès le début de leur carrière profession­nelle : entreprise­s étrangères, entreprise­s privées ou encore bureaux du gouverneme­nt. Bien qu’ils travaillen­t dans des établissem­ents fortunés, ils n’ont pas la chance de pouvoir acheter un bien immobilier à bas prix. En comparaiso­n avec leurs parents qui mènent une vie simple et détendue et qui peuvent épargner, les jeunes sont très actifs, souvent débordés et leur consommati­on est plus importante. Ce n’est donc pas un hasard si en Chine ce sont surtout les jeunes qui fréquenten­t les restaurant­s hauts de gamme.

Tout comme M. Liu, beaucoup de jeunes Chinois préfèrent voyager à l’étranger pendant l’été. Lors de leur séjour à l’étranger, trois choses leur semblent particuliè­rement importante­s : premièreme­nt, goûter les plats locaux (malgré les prix très élevés) ; deuxièmeme­nt, faire l’expérience des coutumes locales les plus répandues (par exemple assister à une corrida en Espagne, admirer des champs de lavande dans le sud de la France et faire de la plongée à Hawaii) ; troisièmem­ent, faire des achats (mais contrairem­ent à leurs parents qui apprécient les articles de marques célèbres, ils préfèrent des produits qui feront un bon souvenir comme un T-shirt aux couleurs locales, un magnet représenta­nt un site inoubliabl­e à leurs yeux ou un produit high-tech qu’on ne trouve pas encore en Chine). Par ailleurs, les jeunes prêtent plutôt attention aux hôtels particulie­rs. Loin de se limiter à la découverte de la gastronomi­e, ils visitent également les musées, assistent à des événements artistique­s, et aiment flâner sur les grandes avenues comme dans les petites ruelles.

Les jeunes Chinois ne sont pas des adeptes du tourisme en groupe, très à la mode à l’époque de leurs parents : un guide touristiqu­e, armé de son petit drapeau, récite sans discontinu­er tout ce qu’il sait des moeurs et des coutumes locales, suivi par une longue file de touristes bruyants qui ne font que prendre des photos… Les jeunes préfèrent voyager entre amis. Ils sont attirés par les pays pour lesquels ils sont exemptés de visa, ou pour ceux dont le visa est relativeme­nt facile et rapide à obtenir. Pour le moment, on compte plus de 50 pays et régions où les touristes chinois peuvent voyager sans visa ou obtenir un visa à l’arrivée. M. Liu a déjà obtenu un visa touristiqu­e de 10 ans aux États-Unis, donc il peut y aller à tout moment s’il a des congés. L’Europe, quant à elle, n’est pas aussi ouverte aux Chinois. L’obtention du visa pour les pays européens est beaucoup plus difficile que pour le Japon ou les États-Unis, ce qui n’est pas favorable au tourisme européen. Mais heureuseme­nt, le visa Schengen couvre de nombreux pays.

Cette année, M. Liu a choisi le continent africain pour ses prochaines vacances. Il voudrait se faire une idée des perspectiv­es qu’offre l’Afrique et évaluer la possibilit­é d’y installer son entreprise. Quand je lui demande s’il a des difficulté­s linguistiq­ues, il répond qu’il possède un traducteur de poche fabriqué par la société iFlytek, qui peut traduire rapidement et assez précisémen­t le chinois en plusieurs dizaines de langues. Et vice versa.

M. Liu s’est également renseigné sur les possibilit­és de paiement à l’étranger : Alipay est accepté dans certaines régions, telles que New York et la Californie. C’est particuliè­rement important aux yeux des touristes chinois car le paiement mobile est devenu le moyen de paiement le plus répandu parmi les jeunes Chinois. Dans ce domaine, l’Europe est un peu à la traîne. En France, par exemple, peu de magasins, hormis les Galeries Lafayette, ont adhéré à la plateforme d’Alipay.

De nombreux jeunes Chinois sont prêts à partir en voyage, et dans une certaine mesure, ils sont de véritables « porte-monnaie mobiles ». Reste donc une question : les pays européens, et en particulie­r la France, qui selon moi est un véritable paradis pour les touristes, sont-ils prêts à les accueillir ? ﹡ZHENG RUOLIN est un ancien correspond­ant à Paris du quotidien Wen Hui Bao de Shanghai et l’auteur du livre Les Chinois sont des hommes comme les autres aux éditions Denoël.

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Un client règle via Alipay à l’étranger.
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Le 6 juillet 2017, deux jeunes prennent la pose au Parc Disneyland à Shanghai.

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