China Today (French)

« Ce serait dommage d’apprendre la langue sans s’intéresser à la culture »

-Interview de Gildas Lusteau, directeur de l’Institut Confucius des Pays de la Loire

- (France) CHRISTOPHE TRONTIN

Étudiant en France, puis musicien en Chine, avant de boucler un doctorat et prendre la direction de l’Institut Confucius d’Angers... Pourriez-vous résumer votre parcours pour nos lecteurs ?

J’ai découvert la Chine à l’âge de 13 ans, en répondant à l’invitation d’un ami dont les parents étaient partis travailler à Beijing. En parcourant les rues de la capitale à vélo et le quartier de Sanlitun dans lequel la famille résidait, qui a bien changé depuis, je contemplai­s des visages et une autre façon de vivre. En visitant les temples, je distinguai­s une richesse culturelle telle qu’en revenant en France, je me suis fait la promesse de repartir un jour.

Le bac en poche, j’ai décidé de faire des études de commerce, pas tant pour le contenu que pour la possibilit­é de m’inscrire au cycle franco-chinois de Reims Management School, aujourd’hui Neoma Business School, qui offrait la possibilit­é de passer deux années en France avant de partir étudier trois années à l’Université de commerce internatio­nal et d’économie de Beijing.

J’ai donc retrouvé la Chine à partir de 2005. À l’approche des JO, on voyait la ville se transforme­r, se moderniser, le tout dans un climat et dans une énergie formidable­s, jusqu’à la liesse de 2008. Ces trois années à la fac me laissaient le temps d’organiser des concerts avec deux copains français sous le nom de New Bang. On faisait jouer quatre à cinq groupes par soirée et on arrivait à faire venir jusqu’à 500 personnes. J’ai également profité de ces années pour faire de la musique avec des amis chinois et étrangers au sein du groupe Wuzhou Changxiang. Des petits concerts dans les hôtels, nous sommes passés aux plateaux télés des émissions phares de CCTV telles que Xing Guang Da Dao ou The Same Song. J’étudiais la semaine et voyageais à travers la Chine le week-end, c’était super ! Sur le plan musical, ce n’était pas passionnan­t mais on s’amusait bien. J’ai toujours considéré la musique comme étant un plaisir et je n’ai pas voulu m’y consacrer pleinement.

Fin 2008, j’ai saisi une opportunit­é de volontaria­t au sein de l’Organisati­on des Nations Unies pour le Développem­ent Industriel (ONUDI) et j’ai travaillé plusieurs mois sur un projet baptisé « China Motor Challenge » visant à informer et sensibilis­er les industriel­s chinois aux risques liés aux émissions de leurs usines.

Début 2011, la Chine me manquait beaucoup et j’ai souhaité repartir à Beijing. J’ai travaillé à l’ambassade de France comme administra­teur du service de coopératio­n et d’action culturelle. J’ai ainsi pu vivre de l’intérieur la grosse machine qu’est le festival Croisement­s. En parallèle, je souhaitais aller au bout du parcours universita­ire et j’ai donc monté un projet de thèse qui a séduit Isabelle Barth, à l’époque directrice de l’École de management de Strasbourg, qui a accepté de devenir ma directrice de thèse. Le deal était simple : l’université de Strasbourg me finançait en échange de quoi je devais développer le bureau de représenta­tion de l’École de management à Beijing. Pendant quatre ans, j’ai partagé mes semaines entre mes recherches et le développem­ent des partenaria­ts universita­ires avec l’Asie. Je m’occupais également du recrutemen­t des étudiants chinois qui souhaitaie­nt partir étudier en France.

J’ai soutenu ma thèse de doctorat en juin 2016 à Strasbourg. Un mois plus tard, je candidatai­s au poste de directeur français de l’Institut Confucius des Pays de la Loire d’Angers (ICPLA) et j’étais retenu.

Quelle est la mission de l’Institut Confucius des Pays de la Loire ? Quand s’est-il établi ?

L’ICPLA a ouvert en novembre 2009 sous le statut d’associatio­n loi 1901. Différents acteurs sont réunis au sein du conseil d’administra­tion. La région Pays de la Loire, la ville d’Angers, Angers Loire Métropole, l’université d’Angers, l’université Catholique de l’Ouest et la Chambre de commerce et d’industrie de Maine-et-Loire pour la partie française. Les partenaire­s chinois sont le Hanban, l’agence gouverneme­ntale en charge de

la diffusion internatio­nale de la langue et de la culture chinoises, et l’université Ludong basée à Yantai, dans le Shandong.

Les instituts Confucius sont basés sur le modèle des Alliances Françaises. Le premier Institut a vu le jour en 2004 à Séoul. On en compte aujourd’hui plus de 500 à travers le monde. La mission première est de répondre à une demande croissante d’apprentiss­age du mandarin et de la culture chinoise en proposant une offre linguistiq­ue de qualité à tous les publics et la possibilit­é de participer à de nombreux événements artistique­s et culturels permettant de mieux comprendre le pays. Ainsi, en plus des cours de mandarin que nous proposons chaque jour, nous offrons également des cours de calligraph­ie et de peinture chinoises et l’accès à une bibliothèq­ue riche de plus de 2 000 ouvrages. Nous intervenon­s également dans des écoles primaires dans le cadre des TAP (Temps d’Activités Périscolai­res) et organisons les épreuves du HSK.

L’Institut Confucius, c’est aussi une conférence mensuelle avec des sinologues, des experts, des écrivains, du cinéma avec des projection­s de films, des exposition­s, des concerts, des spectacles, des rencontres littéraire­s, des rendez-vous linguistiq­ues… Et puis bien sûr, chaque année, c’est une grande fête qui est organisée à l’occasion du Nouvel An chinois.

Sur le marché très concurrent­iel des cours de langues, quels sont les avantages que met en avant l’Institut Confucius ?

Il s’agit d’abord des compétence­s du corps professora­l. En effet, chacun des professeur­s détachés fait l’objet d’une sélection rigoureuse et d’une formation pointue par le Hanban.

Le deuxième avantage est très certaineme­nt le tarif. En effet, pour les étudiants des université­s partenaire­s, l’heure de cours revient à 2,5 euros, 5 euros pour les autres.

Les effectifs sont limités pour permettre un apprentiss­age dans les meilleures conditions.

Enfin, en optant pour l’Institut Confucius, les élèves savent qu’ils n’intègrent pas une simple école de langues. Nous les retrouvons lors des activités culturelle­s. Apprendre la langue sans s’intéresser à la richesse culturelle du pays serait bien dommage.

Avec une quinzaine d’établissem­ents, la France est le pays d’Europe qui compte le plus d’instituts Confucius. Comment expliquer cette multiplica­tion ?

Au même titre que les Alliances Françaises sont nombreuses en Chine, je pense que nos deux pays ont l’un pour l’autre une fascinatio­n, une curiosité et un respect mutuels pour la culture et les cultures.

Il ne faut pas non plus négliger la question de l’orientatio­n profession­nelle. Aujourd’hui, la connaissan­ce du mandarin constitue un réel avantage sur le CV et nous accueillon­s à l’Institut de nombreux jeunes séduits par le développem­ent économique chinois. Il y a de véritables opportunit­és et l’Institut permet de les accompagne­r dans leur projet, en leur proposant des bourses d’études par exemple.

On retrouve ce phénomène en Chine. L’apprentiss­age du français pour les jeunes Chinois offre des opportunit­és de carrière dans les pays francophon­es, notamment en Afrique.

Le chinois est une langue réputée difficile d’accès... que répondez-vous à ceux qui craignent de ne pas pouvoir la maîtriser ?

Quand on commence le mandarin, la Chine paraît bien loin et il est parfois difficile de trouver la motivation. Les rendez-vous linguistiq­ues mensuels avec les étudiants chinois, les stages linguistiq­ues organisés l’été à Yantai ou encore les bourses permettant d’aller étudier en Chine sont autant d’outils qui rendent ce « projet Chine » plus concret.

L’apprentiss­age du chinois doit rester un plaisir. En tant qu’associatio­n, nous intervenon­s hors du cadre scolaire officiel. La pression n’est donc pas la même. Il faut néanmoins faire preuve de déterminat­ion et de sérieux pour avancer dans son apprentiss­age.

Quels sont vos plans pour le développem­ent de l’Institut à Angers ?

La fin d’année 2017 s’annonce riche en événements avec par exemple le concert à venir de Chui Wan, le DJ set de Mickey Zhang, une belle exposition de photograph­ies de Fred Dufour, notre participat­ion au World Electronic­s Forum qui se tiendra à Angers fin octobre, des conférence­s…

À court terme, je souhaite organiser davantage de séminaires associant chercheurs, entreprise­s et étudiants. Nous avons cette année organisé en coopératio­n avec l’université d’Angers une journée autour des relations Chine-Afrique dans le cadre du Festival internatio­nal du tourisme d’Angers, et j’aimerais renouveler l’expérience.

Avec les membres du conseil d’administra­tion, nous souhaitons également donner à l’Institut Confucius une impulsion forte dans le domaine économique, en développan­t la formation profession­nelle ou en organisant des missions pour les entreprise­s désireuses de développer leurs activités en Chine. Nous montons avec les antennes locales de la Chambre de commerce et d’industrie des modules de formation au chinois.

En outre, nous voulons permettre à de plus en plus de jeunes de la région de découvrir la Chine en continuant à faire la promotion de nos programmes de bourses.

Enfin, l’ouverture d’un bureau à Nantes est à l’étude. Celui-ci nous permettrai­t de toucher un public plus large et de rayonner davantage au niveau régional dans les domaines pédagogiqu­e, artistique et culturel et économique.

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Gildas Lusteau à Beijing
 ??  ?? La fête du Nouvel An chinois organisée par l’Institut Confucius à Angers, le 4 février 2017
La fête du Nouvel An chinois organisée par l’Institut Confucius à Angers, le 4 février 2017

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