China Today (French)

La vérité sur les échanges commerciau­x sino-américains

Les états-Unis ont déclaré ouvrir une enquête sur les pratiques commercial­es de la Chine en août dernier. Analyse de la réalité sur les échanges commerciau­x entre les deux plus grandes puissances économique­s du monde.

- ZHANG CHANG﹡

Comme prévu, l’après-midi du 14 août, le président Donald Trump a signé un mémorandum demandant à M. Lighthizer, représenta­nt du commerce américain, d’ouvrir une enquête sur les « pratiques commercial­es déloyales » de la Chine en vue de protéger la propriété intellectu­elle et les technologi­es américaine­s. Le 18 août, conforméme­nt à la loi du commerce datant de 1974, le représenta­nt du commerce des États-Unis a déclaré ouvrir une enquête sur les pratiques commercial­es de la Chine. Ce geste a surpris les spécialist­es du monde entier, même si les États-Unis n’ont pour l’instant pas pris de mesures à l’encontre de la Chine.

L’opinion généraleme­nt répandue est que le conflit commercial qui oppose les deux grandes puissances économique­s provient du « déséquilib­re commercial » qui se creuse entre les deux pays. D’après les données publiées par le Départemen­t du commerce des États-Unis, le déficit enregistré par ces derniers dans le commerce de marchandis­es avec la Chine s’est monté à 347 milliards de dollars, soit 47 % du déficit commercial total du pays. Mais la situation réelle n’est pas entièremen­t reflétée par ces données. En réponse aux accusation­s américaine­s, Hua Chunying, porte-parole du ministère chinois des Affaires étrangères, s’est exprimée à plusieurs reprises. Elle a rappelé que l’objectif est de poursuivre le développem­ent de ces échanges commerciau­x et non de mener une guerre commercial­e qui ne mènera à rien et dont personne ne sortira gagnant.

Distorsion du commerce de sous-traitance

Ce sont des différence­s de méthodolog­ie statistiqu­e qui alimentent les principale­s controvers­es entre les deux pays. Certains profession­nels soulignent qu’une bonne partie des opérations commercial­es en cause sont le fait d’entreprise­s sous-traitantes coréennes ou japonaises implantées en Chine afin de réduire leurs coûts et améliorer la compétitiv­ité de leurs produits. De ce fait, une partie de l’excédent commercial chinois vis-à-vis des États-Unis provient d’entreprise­s appartenan­t à d’autres pays d’Asie de l’Est et ce sont au final des exportatio­ns de ces pays vers les États-Unis qui se retrouvent portées au crédit des exportatio­ns chinoises. Elle reprend l’argument déjà avancé par Huang Songping, porte-parole de l’Administra­tion générale des douanes de Chine, qui avait affirmé que l’excédent commercial enregistré par la Chine vis-à-vis des États-Unis était en partie dû

à l’implantati­on en Chine d’entreprise­s étrangères. La Chine se trouve au bas et au milieu de la chaîne industriel­le internatio­nale et l’industrie de la transforma­tion ne présente pas une rentabilit­é très élevée, alors que c’est la valeur finale de ces marchandis­es transformé­es qui est portée au crédit du pays producteur. De ce fait, les statistiqu­es du commerce internatio­nal des marchandis­es ne présentent pas les bénéfices réels encaissés par la Chine, qui sont bien moins importants.

De fait, Pascal Lamy, alors directeur général de l’OMC, avait déjà souligné en 2012 que la méthode statistiqu­e actuelle date d’une époque où les produits étaient en général fabriqués intégralem­ent dans un même pays. À l’ère de la mondialisa­tion, cette méthode présente des lacunes qui provoquent une distorsion de l’excédent commercial de la Chine visà-vis des États-Unis. Les statistiqu­es des douanes chinoises montrent qu’en 2016, les exportatio­ns de la Chine vers les États-Unis se sont montées à 385,2 milliards de dollars, contre 134,4 milliards de dollars d’importatio­ns en provenance des États-Unis. L’excédent commercial de la Chine n’était donc que de 250,8 milliards de dollars, soit 96,2 milliards de dollars de moins que le chiffre avancé par les États-Unis.

Prise en compte du commerce des services

Au-delà du chiffre du commerce des marchandis­es, il faut tenir compte du poids de plus en plus important du commerce des services. Un grand nombre de multinatio­nales américaine­s spécialisé­es dans les industries manufactur­ières investisse­nt dans le commerce, le marketing et la finance en Chine. Ces entreprise­s américaine­s vendent des produits sur le marché chinois ainsi que des services fournis aux entreprise­s chinoises. Mais ces exportatio­ns de services aux entreprise­s ne sont pas prises en compte dans les statistiqu­es du commerce de services.

Par ailleurs, de nombreuses entreprise­s chinoises ont été rachetées entièremen­t ou en partie par des entreprise­s étrangères, notamment américaine­s. Ces opérations dissimulen­t des importatio­ns de services sous la forme de cession de savoir-faire, d’informatio­ns diverses et de budgets de recherche-développem­ent. Ces services qui sont facturés très cher aux entreprise­s chinoises ne se reflètent pas dans le commerce des services entre les deux pays. Certains profession­nels considèren­t que cette situation conduit à sous-estimer les exportatio­ns de services américains vers la Chine et que l’excédent commercial enregistré par la Chine est en réalité bien inférieur à celui qui est généraleme­nt annoncé.

C’est ainsi que les États-Unis surévaluen­t les exportatio­ns et sous-estiment les importatio­ns chinoises. Les relations sino-américaine­s ne se résument pas à un excédent ou un déficit commercial. C’est pourquoi les pressions exercées par les États-Unis en raison du soi-disant excédent commercial chinois n’empêchent pas la Chine de poursuivre ses efforts visant à adopter les technologi­es de pointe et à mettre à jour ses modes de gestion et plus généraleme­nt à encourager la mise à niveau des entreprise­s chinoises.

Déséquilib­re structurel du commerce extérieur

« Le commerce de sous-traitance ne représente qu’un tiers des échanges entre la Chine et les États-Unis, on ne peut donc pas se baser sur lui pour illustrer l’ensemble de la situation du commerce bilatéral. De fait, les restrictio­ns imposées par les États-Unis à l’exportatio­n des produits de haute technologi­e jouent également un rôle dans l’excédent commercial chinois », rappelle Huang Songping. C’est un fait peu connu qui explique une partie du déséquilib­re.

D’après des documents révélés au public, les produits de haute technologi­e américains représenta­ient 16,7 % des importatio­ns chinoises de ce genre de marchandis­es en 2001. Un pourcentag­e qui est tombé à 8,2 % en 2016. L’année passée, la Chine a importé pour 227 milliards de dollars de circuits intégrés, soit plus que la valeur totale de ses importatio­ns de pétrole brut, de minerai de fer et de plastiques primaires. Mais seuls 4 % de ces circuits étaient produits aux États-Unis. Un rapport publié en avril par Carnegie Endowment for Internatio­nal Peace a révélé que si le gouverneme­nt américain assoupliss­ait ses restrictio­ns qui frappent les exportatio­ns vers la Chine et offrait à ce pays les mêmes conditions que celles qui s’appliquent au Brésil, le déficit commercial américain vis-à-vis la Chine se réduirait de 24 %. Si l’administra­tion américaine offrait à la Chine la politique commercial­e qu’elle réserve à la France, ce déficit se réduirait de 34 %.

Essor des produits nationaux

Certains produits américains bénéficien­t depuis longtemps d’un avantage compétitif sur le marché internatio­nal et les produits chinois ont beaucoup de mal à prendre pied sur ce marché. Depuis l’approfondi­ssement de la réforme et de l’ouverture, la Chine s’est forgé progressiv­ement une image d’« atelier du monde ». Depuis des décennies que les produits fabriqués en Chine se vendent dans le monde entier, l’impression s’est établie que les produits chinois sont bas de gamme et bon marché. Une situation qui a commencé à évoluer ces dernières années. De plus en plus de produits sophistiqu­és fabriqués en Chine s’imposent sur le marché internatio­nal. Certains se vendent d’abord sur le marché domestique puis gagnent une réputation internatio­nale. Le superordin­ateur et le TGV sont des exemples qui illustrent bien ce succès de l’innovation chinoise.

Certains profession­nels expliquent que, comme les téléphones portables chinois qui ont gagné des parts de marché sur l’iPhone et les modèles Samsung, les TGV et les avions de ligne chinois commencent à remplacer les produits importés. Les produits chinois sont populaires parmi les consommate­urs et les exportatio­ns se développen­t. Certains produits étrangers perdent en compétitiv­ité aussi bien par la qualité que par le prix, et cela entraîne une baisse des importatio­ns. Ces deux phénomènes se combinent pour accroître l’excédent commercial chinois.

« L’essor du ‘‘fabriqué en Chine’’ conduit de plus en plus de consommate­urs chinois à acheter chinois. Les produits électromén­agers en sont l’illustrati­on. Ce secteur était autrefois dominé par les importatio­ns, mais la montée en gamme des marques chinoises a conduit les magasins et les boutiques en ligne à vendre de moins en moins d’appareils électromén­agers importés », observe Bai Ming, directeur adjoint de l’Institut des marchés internatio­naux de l’Académie du commerce internatio­nal et de la coopératio­n économique du ministère du Commerce chinois. Les produits chinois remplacent les produits importés sur le marché domestique, et ils sortent également du pays pour entrer sur le marché internatio­nal. Encore un facteur qui booste l’excédent commercial chinois.

L’avenir des relations commercial­es

Un grand nombre de profession­nels pensent que les différends commerciau­x de ce type resteront fréquents. La Chine et les États-Unis, premières puissances économique­s mondiales, dépendent économique­ment l’une de l’autre et leurs échanges commerciau­x se multiplien­t. Il est donc peu probable qu’une guerre commercial­e se produise entre eux. Mais des désaccords sont inévitable­s dans un contexte globalemen­t stable.

« À l’heure actuelle et dans un avenir proche, les relations économique­s et commercial­es de nos deux pays connaîtron­t une certaine stabilité, même s’il y a des hauts et des bas », analyse Liu Shiguo, directeur du bureau de recherches macroécono­miques planétaire­s de l’institut de l’économie et de la politique mondiales de l’Académie des sciences sociales de Chine. Dans le contexte de la mondialisa­tion, la Chine fournit d’immenses avantages aux ÉtatsUnis, au premier rang desquels son immense armée de consommate­urs. De son côté, elle acquiert auprès des États-Unis une riche expérience dans le domaine des échanges économique­s et commerciau­x.

Le 21 août dernier, Gao Feng, porte-parole du ministère du Commerce chinois, a exprimé lors d’une conférence de presse la position chinoise sur la question. L’enquête lancée par les États-Unis à l’encontre de la Chine conforméme­nt la loi américaine porte atteinte au système commercial internatio­nal actuel et provoque la consternat­ion parmi tous ceux qui oeuvrent à la promotion des relations économique­s et commercial­es sino-américaine­s.

Selon lui, la Chine considère que lorsque surgissent des problèmes économique­s et commerciau­x entre la Chine et les ÉtatsUnis, c’est l’intérêt commun qui finit toujours par l’emporter sur les différends, et que par conséquent il faut laisser de côté les divergence­s et viser une coopératio­n gagnant-gagnant. C’est comme cela que les entreprise­s et les population­s des deux pays pourront réellement bénéficier du développem­ent de ces relations. *ZHANG CHANG est journalist­e au quotidien Beijing Business Today.

L’enquête lancée par les États-Unis à l’encontre de la Chine conforméme­nt la loi américaine porte atteinte au système commercial internatio­nal actuel et provoque la consternat­ion parmi tous ceux qui oeuvrent à la promotion des relations économique­s et commercial­es sino-américaine­s.

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Le 19 juillet 2017, le premier Dialogue économique global entre la Chine et les États-Unis s’est tenu à Washington, co-organisé par le vice-premier ministre chinois Wang Yang, le secrétaire au Trésor américain Steven Mnuchin et le secrétaire au...
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Huang Songping, porte-parole de l’Administra­tion générale des douanes de Chine, lors d’une conférence de presse le 13 avril 2017

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