China Today (French)

La chronique de Zheng Ruolin Le visage ouvert de la Chine face aux sourds

- ZHENG RUOLIN*

Les lecteurs peuvent vérifier eux-mêmes si une telle règle existe : toutes choses, toutes nouvelles découverte­s et inventions, tous progrès scientifiq­ues, toutes mises en place de nouvelles politiques en Chine font immanquabl­ement froid dans le dos à certains « amis étrangers », qui en font une interpréta­tion très particuliè­re. Ainsi, de manière paradoxale, les éléments que nous venons d’évoquer leur font croire que la Chine est de plus en plus sombre et horrible.

J’aurai voulu dire à nos amis étrangers plus d’informatio­ns sur la Chine, mais s’ils gardent de tels préjugés, je ne pense pas que cela leur soit utile pour comprendre notre pays. Aujourd’hui, je souhaite écrire pour vous montrer plutôt comment une bonne nouvelle sur la Chine est devenue une mauvaise nouvelle dans les médias français, surtout aux yeux de notre très renommé journalist­e Jean-Jacques Bourdin, et comment cette nouvelle lui fait peur. À travers mon récit, vous pourrez entrevoir l’esprit de la Chine.

Dans un épisode de l’émission Bourdin Direct sur RMC, qui avait pour thème Les Citoyens chinois sous surveillan­ce, Jean-Jacques Bourdin et son invité Anthony Morel ont commencé par cette phrase : « Ce que vous allez me raconter me fait froid dans le dos. » Puis, concernant les choses se passant en Chine, dont ils ont parlé au cours de l’émission, Jean-Jacques Bourdin en tire cette conclusion : « Je ne mettrais plus jamais les pieds en Chine », parce que « la Chine est horrible ».

Pourtant, qu’est-ce qui permet à Jean-Jacques Bourdin de ressentir tant de crainte qu’il ne veuille plus jamais mettre les pieds en Chine ? Le système de reconnaiss­ance faciale n’est en effet qu’une invention scientifiq­ue.

Comme l’identifica­tion des empreintes digitales, la reconnaiss­ance faciale représente l’un des grands progrès scientifiq­ues de l’humanité. Le visage de l’homme ne peut pas être copié, il est une donnée facile à collecter qui ne nécessite pas d’attendre que la coordinati­on des personnes soit bonne. Par conséquent, le système de reconnaiss­ance faciale est plus pratique que celui des empreintes digitales. Aujourd’hui, un visage suffit pour effectuer les paiements : lorsque vous descendez d’un taxi, il vous suffit de manifester un joli sourire au chauffeur pour payer la course. De plus, notre visage acquiert d’autres fonctions : à l’aide de notre visage, nous pouvons entrer directemen­t en gare sans avoir besoin d’un billet de train ; plus la peine de pointer au bureau, le système de reconnaiss­ance faciale peut enregistre­r facilement notre présence et notre absence ; autre exemple, nous pouvons aller en Australie sans passeport, parce que le pays a lancé l’année dernière un nouveau système de contrôle des entrées consistant à utiliser la technologi­e d’identifica­tion biologique pour reconnaîtr­e le visage, à savoir l’iris et les empreintes digitales de chaque voyageur, afin de remplacer le contrôle traditionn­el et d’en exempter le personnel… La plus importante de ses applicatio­ns est dans le domaine de la sécurité où ce système peut jouer un rôle décisif dans la lutte contre le terrorisme et la criminalit­é.

D’ailleurs, les États-Unis ont déjà employé le système de reconnaiss­ance faciale dans le domaine de la sécurité. Selon des rapports, quelques années plus tôt, la police américaine a utilisé ce système pour distinguer les fans de football américain au Super Bowl à Tampa Bay en Floride.

Toutefois, comme toutes les autres inventions scientifiq­ues, l’applicatio­n de ce système engendre des problèmes moraux et judiciaire­s qui n’existaient pas auparavant, ce qui provoque donc des controvers­es. Son applicatio­n en Chine suscite également des contestati­ons très vives, surtout sur Internet. En réalité, dans beaucoup de domaines, son applicatio­n par le gouverneme­nt chinois ne concerne qu’une courte période d’essai, et rien n’est encore définitive­ment décidé. Mais dans l’émission de Bourdin, ce dernier n’a nullement parlé des controvers­es qui existaient en Chine, il a juste affirmé que notre pays utilisait une technologi­e pour renforcer la surveillan­ce de la population chinoise. Ce jugement est loin de la réalité.

Le système de reconnaiss­ance faciale n’a pas été inventé par la Chine même s’il est vrai que cette technologi­e s’y développe rapidement, notamment dans le domaine des applicatio­ns. De nombreuses entreprise­s chinoises mettent au point le système de reconnaiss­ance faciale, mais, dans le monde, elles ne se trouvent pas

en tête de peloton. Seules certaines de nos entreprise­s peuvent atteindre le niveau des États-Unis, de l’Allemagne et du Japon. Par exemple, l’entreprise chinoise SenseTime possède une forte capacité de développem­ent de ce système avec des réussites notables. Pour le moment, elle collabore avec l’entreprise japonaise HONDA pour développer les voitures sans pilote et intelligen­tes. Elle maîtrise la technologi­e évoquée dans l’émission de Bourdin : pouvoir reconnaîtr­e une personne en trois secondes au maximum par le système de reconnaiss­ance faciale.

Dans le monde entier, le système de reconnaiss­ance faciale est largement employé, par exemple, la nouvelle version de l’iPhone a utilisé cette technologi­e. Mais son applicatio­n en Chine fait froid dans le dos à Jean-Jacques Bourdin. Je suis certain que l’applicatio­n en Chine consiste à améliorer la vie de la population chinoise, et non de surveiller chaque Chinois. Le problème est que certaines applicatio­ns de ce système en Chine peuvent créer des phénomènes qui risqueraie­nt de produire des malentendu­s. Par exemple, des villes chinoises telles que Shenzhen ont fait un essai pour installer le système de reconnaiss­ance faciale à un carrefour, afin de photograph­ier les gens qui traversent au feu rouge puis de leur envoyer une alerte en affichant leur image sur un écran. Cela fait froid dans le dos à Jean-Jacques Bourdin. Comme j’ai vécu en Europe, je peux comprendre pourquoi il en ressent une certaine terreur. La raison en est qu’en Europe, même si une personne commet une erreur ou un crime, elle a également droit au respect de sa vie privée, l’État n’a pas le droit d’exposer son image publiqueme­nt. Mais en Chine, ce genre de règlement ou de loi n’existe pas. Le cas des restaurant­s illustre bien cette différence entre nos deux pays : il est interdit de fumer dans tous les restaurant­s en France, tandis qu’il est permis de fumer dans des restaurant­s de certaines régions en Chine. Les réalités différente­s d’un pays à l’autre entraînent des différence­s dans les modes de vie, mais il ne s’agit absolument pas de surveillan­ce politique.

Une autre chose qui fait froid dans le dos à JeanJacque­s Bourdin est l’utilisatio­n du système de reconnaiss­ance faciale dans un parc de Beijing pour limiter l’utilisatio­n excessive de papier toilette par les visiteurs. Cela peut sembler incroyable en France. Mais en Chine, presque chaque Chinois peut en comprendre la raison, même si elle nous fait rougir : vingt ans ou trente ans plus tôt, la Chine était encore un pays très pauvre ; la pauvreté a laissé une empreinte indélébile sur toute une génération, notamment sur les personnes âgées entre 60 et 70 ans ou plus aujourd’hui. Ainsi, le Temple du Ciel de Beijing a utilisé la « machine à papier toilette avec reconnaiss­ance faciale » à titre d’essai. Après avoir identifié le visage, la machine donne automatiqu­ement une quantité limitée de papier. Mais cette action n’a pas été étendue à d’autres lieux. D’ailleurs, Jean-Jacques Bourdin et son invité n’ont pas du tout fait attention à une phrase sous la machine : « La technologi­e transforme l’action ». De fait, l’objectif d’une telle installati­on est vraiment limpide, il consiste à transforme­r les comporteme­nts de certaines personnes. Bien sûr, je pense qu’élever la formation culturelle et morale des individus à travers une large éducation est une méthode plus convenable. Mais même dans ce cas-là, des journalist­es étrangers pourraient encore dire que « la Chine développe une campagne de lavage de cerveau à une grande échelle » …

Depuis longtemps déjà, le FBI a créé le National Genetics Institute (NGI), qui possède une base de données où sont enregistré­es les informatio­ns génétiques de 117 millions d’adultes américains, à savoir les empreintes digitales, les visages, les empreintes des mains et l’iris. Ce chiffre représente déjà 48 % des adultes américains. Je ne sais pas si cette informatio­n ferait froid dans le dos à Jean-Jacques Bourdin ? Dans ce domaine, la Chine est loin des États-Unis. Mais la question ne se pose même pas en Chine : elle n’en a tout simplement pas besoin, parce que le taux de criminalit­é est très bas. Comme la réalité du pays est différente, l’applicatio­n du système de reconnaiss­ance faciale est logiquemen­t différente, ne croyez-vous pas ?

Il faut bien souligner que les applicatio­ns de ce système en Chine, dont Anthony Morel a parlé, ne sont qu’à une période d’essai. Si les Chinois s’opposent fermement aux applicatio­ns de ce système, le gouverneme­nt chinois ne les imposera jamais par la force. Sans une introducti­on préalable à la réalité d’un pays aussi complexe que la Chine, beaucoup de situations ne peuvent causer que des malentendu­s et donner une fausse image de la Chine, qui devient brutalemen­t « un pays horrible ».

Je souhaite vraiment que Monsieur Bourdin, qui a affirmé qu’il ne mettrait jamais les pieds en Chine, puisse « s’aventurer » à le faire. Les Chinois disent souvent qu’il vaut mieux se fier à ses yeux qu’à ses oreilles. J’ai rencontré de nombreux amis étrangers, qui avaient une série d’opinions bien ancrées sur la Chine avant d’y venir et qui prétendent souvent m’expliquer « la vérité de la Chine » lors de nos échanges, simplement parce qu’ils croient que les Chinois n’ont pas connaissan­ce des choses horribles se passant réellement dans leur pays, à cause du manque de liberté des médias. Dans ce cas-là, je les invite souvent à visiter la Chine pour qu’ils puissent découvrir notre pays de leurs propres yeux. Tous ces étrangers, sans exception, admettent qu’ils avaient, au final, des opinions partiales sur la Chine.

Donc, Monsieur Bourdin, bienvenu en Chine !

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Une technologi­e numérique de reconnaiss­ance faciale
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La reconnaiss­ance faciale

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