La renaissance de l’opéra kunqu
Depuis peu, un spectacle de l’opéra kunqu a été donné au Théâtre du Monument du Millénium de Chine. Ce spectacle repousse les conventions du genre car si la représentation s’inscrit bien dans les activités de la Saison du Millénium de Chine dédiée à la culture traditionnelle, elle présente au public un nouvel essai qui combine l’opéra kunqu avec d’autres patrimoines culturels immatériels.
Le kunqu est la plus vieille forme d’opéra chinois qui est encore jouée et qui a été inscrit en 2001 par l’UNESCO sur la liste représentative du patrimoine culturel immatériel de l’humanité.
« J’espère que “l’expérience d’immersion” proposé par le spectacle pourra modifier la distance entre l’art traditionnel et les spectateurs », a résumé Hao Meng, créatrice de la troupe du théâtre kunqu de « la Ceinture et la Route » et secrétaire adjointe du Centre d’art mondial du Monument du Millénium de Chine. Intéressons-nous de plus près à ce qui se cache derrière les paroles de cette jeune femme.
La confiance dans la culture traditionnelle
Diplômée de l’Institut national de l’Art théâtral de Chine, Hao Meng n’a pas choisi d’être une actrice de l’opéra kunqu, mais après quatre ans de formation universitaire, l’opéra kunqu a provoqué en elle une émotion profonde.
Le changement s’est produit quand Hao Meng a rendu visite à son frère aîné aux États-Unis. Dans une soirée entre amis, alors que tout le monde félicitait
son frère pour la publication de sa thèse dans une revue spécialisée très réputée aux États-Unis, Hao Meng n’arrivait pas à participer à la discussion, la faute au sujet qui lui était étranger et à la barrière de la langue. Elle ressentait donc sa présence comme ennuyeuse. Pour dissiper sa gêne, son frère lui a proposé de présenter une pièce de l’opéra kunqu. Avec les encouragements de son frère, elle a chanté un extrait. La mélodie fantastique et sa belle voix ont gagné les applaudissements de tout le monde. « En fait, ces applaudissements étaient pour la culture traditionnelle chinoise. À ce moment-là, j’ai ressenti une fierté. »
Quelques jours plus tard, Hao Meng a visité le Parc de Yellowstone où elle est touchée par les efforts des habitants locaux pour la protection des 2 000 cerfs du père David qui sont en voie de disparition. Elle prend ainsi conscience du risque de disparition d’un patrimoine ancestral chinois : « Le kunqu possède plus de 600 ans d’histoire, mais il ne reste que 600 acteurs professionnels de kunqu en Chine. Pourquoi ce patrimoine artistique n’est-il pas mieux protégé ? »
Dès lors, Hao Meng décide de s’engager pour la protection et la transmission aux générations futures de cet art. Elle partage son opinion avec ses amis et quand l’un d’eux lui demande : « Est-ce que l’opéra kunqu est absolument nécessaire dans cette société dominée par l’économie ? », elle lui répond : « Est-ce que la confiance en soi est absolument nécessaire chez l’Homme ? »
En novembre 2017, au Forum de l’opéra kunqu du patrimoine culturel immatériel, la troupe du théâtre kunqu de « la Ceinture et la Route », créé par Hao Meng, a été présentée à son public. Yang Fengyi, viceprésidente de l’Association des dramaturges de Chine, et directrice du Théâtre du Nord de l’opéra kunqu, déclare alors au Forum : « L’introduction des soutiens des autres milieux est une innovation dans la transmission de l’opéra kunqu. »
L’existence de la troupe dépend des soutiens du milieu de l’art, des affaires, de l’éducation à l’opéra kunqu et de certains ambassadeurs étrangers en Chine. « La création de cette troupe témoigne du charme de cet art et présente aussi l’enthousiasme pour la protection et l’héritage du kunqu. » Lors du Forum, Kevin Lee, président de la Commission des échanges culturels sino-américains a remis un prix à Hao Meng pour récompenser sa contribution spéciale au patrimoine culturel immatériel. Il a aussi invité l’équipe du théâtre kunqu de « la Ceinture et la Route » à visiter et à donner des spectacles en 2018 au Centre de Lincoln, aux États-Unis.
La modernisation d’un art ancien
Le 31 décembre 2017, au Théâtre du Monument du Millénium de Chine, l’équipe du théâtre kunqu de « la Ceinture et la Route » a présenté sa première oeuvre : Le rêve en visitant le jardin, une scène tirée du chef-d’oeuvre Le Pavillon des Pivoines écrit par le dramaturge chinois Tang Xianzu (1550-1616).
« La décoration de la scène de ce spectacle a réalisé une grande avancée dans la représentation traditionnelle. » Selon Hao Meng, la décoration de la scène de ce spectacle hérite du style minimaliste de l’opéra kunqu, mais des éléments modernes sont également ajoutés. En effet, Hao Meng a su faire fructifier plusieurs expé- riences qui lui sont aujourd’hui utiles : assistante du directeur général de la cérémonie d’ouverture des Jeux olympiques de Beijing, assistante du directeur général de l’Opéra Turandot au Nid d’oiseau. En outre, grâce à son expérience de la coopération avec le célèbre réalisateur chinois Zhang Yimou, Hao Meng a acquis les compétences techniques pour réaliser des effets fantastiques sur scène avec des éléments chinois. Pendant l’adaptation de cette pièce, Hao Meng a ainsi utilisé les rideaux de ligne pour réaliser la gradation de la scène, elle a créé un effet de peinture à l’encre avec les techniques de vidéo et de lumières pour faire entrer les spectateurs dans un rêve.
Les spectateurs du premier spectacle ont beaucoup apprécié le style de la décoration de la scène élégante et fraîche. Un spectateur de 50 ans s’est même exclamé : « La scène est moderne pour rendre à l’art ancien une nouvelle vigueur. »
« L’opéra traditionnel, comme le kunqu, ne peut pas être enfermé dans un musée, explique Han Ziyong, directeur du Centre administratif du Fonds national d’art de Chine. L’art doit être partagé, et l’opéra traditionnel doit trouver sa place dans la société contemporaine. La combinaison de l’art traditionnel avec l’esthétique moderne rendra la vitalité à cet art. »
Selon Hao Meng, les spectateurs sont indispensables au patrimoine de l’opéra kunqu. « La culture doit être goûtée. » Suivant cette idée, avant le spectacle, Hao Meng a préparé une activité pour faire vivre une « expérience d’immersion » et présenter ce patrimoine : une fois franchie la porte du Théâtre, c’est une exposition des costumes de l’opéra kunqu, avec un guide professionnel, qui ébahit les visiteurs qui prennent connaissance des caractères de tous les personnages joués. Après l’exposition, place au théâtre d’ombres. Les différents spectacles donnent aussi un aperçu des coulisses de la scène et de la fabrication des marionnettes du théâtre d’ombres pour en apprendre les secrets. En plus, pendant le spectacle, les artistes ne restent pas sur scène, ils sont au milieu des spectateurs, répondant aux questions du public à la manière d’un cours sur l’art mais en plus vivant.
Hao Meng insiste sur ce point : « l’innovation doit permettre de bien saisir le coeur
des spectateurs. Quand ils trouvent du charme à la culture traditionnelle, ils prennent confiance et se portent en volontaire pour défendre leur culture et transmettre ce patrimoine culturel immatériel. »
Selon Hao Meng, la première oeuvre de sa troupe est un succès, et beaucoup d’artistes réputés y ont participé . « Avec autant d’artistes réputés et de designers compétents, le spectacle de la troupe gardera un niveau élevé et permettra de bien raconter l’histoire chinoise aux étrangers. » Dans les plans de l’équipe de Hao Meng, une tournée outre-mer est en effet prévue.
La sortie à l’étranger de l’opéra kunqu
Maintenant, la Troupe du théâtre kunqu de « la Ceinture et la Route » est composée d’une vingtaine de membres, tous nés pendant les années 1980 et avec une formation professionnelle complète. « Les artistes de l’opéra sont capables de sup- porter un travail difficile, ils ont aussi un fort esprit d’équipe. Le maître répète souvent qu’il faut avoir l’esprit de solidarité. C’est particulièrement important pour une équipe avec tellement de jeunes. » Hao Meng est d’ailleurs fière de ses collègues, donc elle dit : « Tous nos membres ont des plans à long terme, on va rester jusqu’au bout pour développer l’art du kunqu. »
En fait, Hao Meng a de la chance. La troupe du théâtre kunqu de « la Ceinture et la Route » possède une collection rarissime de pièces de l’opéra : L’anthologie des pièces des départements impériaux musicaux Nanfu et Shengpingshu des Qing, collectionnées par le Musée du Palais impérial.
Cette anthologie rassemble, de manière systématique, une collection de documents historiques et des pièces de la dynastie des Qing (1644-1911). Mis à part les documents liés aux costumes, aux accessoires et certains enregistrements sonores anciens, il y a encore 11 498 textes écrits pour les pièces de théâtre. Ces pièces folkloriques et impériales des Qing possèdent une très grande valeur.
La troupe du théâtre de l’opéra kunqu de « la Ceinture et la Route » a classé et rangé ces documents avec l’aide de l’Université de Beijing et de quelques experts, ensuite, elle a donné une représentation de certaines pièces de théâtre.
« On doit envisager une masse de travail à peine croyable, par exemple la traduction des textes du chinois classique vers le chinois moderne, l’adaptation de l’histoire selon le contexte contemporain, etc. » Selon Hao Meng, de nombreux experts ont été très touchés par ses efforts, souhaitant participer à la conservation de l’art du kunqu.
Selon Hao Meng, son équipe doit utiliser la plateforme des nouveaux médias sur le thème de l’opéra afin d’entreprendre une diffusion plus large, par exemple les animations, les films, les jeux en ligne, etc. En plus, le commerce lié aux échanges culturels est une méthode importante du soutien de la société à l’héritage du kunqu. Sa troupe veut diffuser le kunqu le long de la Route de la Soie comme un cadeau chinois.
« Quand nous diffusons le kunqu à l’étranger, il faut insister sur la place de la culture chinoise, au lieu de transiger et de faire des concessions à d’autres cultures. Yang Fengyi explique la raison d’un tel choix : depuis longtemps, nous pensons toujours à l’esthétique des spectateurs étrangers, mais en fait, toutes les nations et tous les pays ont une compréhension commune de la beauté et de l’art. »
Hao Meng partage la même opinion que Mme Yang. Elle n’admire pas l’adaptation des histoires étrangères vers le style du kunqu, ni la fusion du kunqu avec l’opéra occidental : « La renaissance du kunqu a besoin d’innovation, mais il ne s’agit pas d’une innovation qui serait atrophiée par le manque de tradition. »
En 2018, la troupe va partir à l’étranger grâce aux soutiens de certains diplomates. Des tournées sont prévues aux États-Unis, en Asie, en Afrique, en Amérique latine, et dans des pays du Moyen-Orient, pour présenter le kunqu et la culture chinoise traditionnelle aux spectateurs du monde entier.
Sa troupe veut diffuser le kunqu le long de la Route de la Soie comme un cadeau chinois.