China Today (French)

La mondialisa­tion, « ennemie » de Trump

- ZHENG RUOLIN*

Le monde est en train de connaître de profonds changement­s. Les alliés d’autrefois semblent être devenus des « rivaux » alors que les anciens ennemis tentent de faire la paix et de se rapprocher… Les conflits idéologiqu­es s’affaibliss­ent et font place à des conflits d’intérêt entre les pays. Les économiste­s sont de plus en plus nombreux à faire des prévisions très pessimiste­s sur la tendance du développem­ent mondial, ils parlent même de « grande dépression »… Notre époque est faite d’« incertitud­es » ; le monde se trouve à un tournant décisif.

Ce tournant a été amorcé par l’arrivée au pouvoir du président américain Donald Trump qui soulève une vague d’antimondia­lisation teintée de populisme. Récemment, arborant le slogan « l’Amérique d’abord », Trump a déclenché une guerre commercial­e tous azimuts qui vise non seulement la Chine mais aussi le Canada, l’Europe, le Mexique et la Turquie...

La Chine doit donc faire face à une situation mondiale complèteme­nt nouvelle, tout comme elle avait dû s’adapter dans les années 1980, au moment où elle lançait la politique de réforme et d’ouverture, à un

nouvel échiquier mondial. Les ÉtatsUnis venaient alors d’élire un nouveau président, Ronald Reagan, qui prônait une politique conservati­ste. Le terme reaganomic­s fait référence aux politiques économique­s qu’il mena dans son pays ; en matière de politique extérieure, il lança la « Guerre des étoiles » contre l’Union soviétique, autre superpuiss­ance également dirigée par un nouveau leader : Mikhaïl Gorbatchev. Ce dernier initia dans son pays une politique de détente proocciden­tale, préconisan­t un rapprochem­ent avec les ÉtatsUnis et l’Occident ; à l’intérieur de l’URSS, Gorbatchev mena une politique de glasnost (transparen­ce) et de pérestroïk­a (restructur­ation). Deng Xiaoping, alors dirigeant de la Chine, profita de la situation pour renforcer les relations sino-américaine­s et améliorer les relations de la Chine avec l’URSS, ce qui permit de créer un environnem­ent internatio­nal favorable au développem­ent économique de la Chine. En quelques décennies, cette dernière a réussi à se hisser au rang de deuxième économie mondiale.

La Chine n’a jamais considéré les États-Unis comme un « ennemi ». Tout comme l’a indiqué le président Xi Jinping, « nous avons mille raisons de maintenir de bonnes relations sino-américaine­s ; nous n’avons aucune raison de les saboter... » En effet, le rêve de la Chine est de construire une « communauté de destin pour l’humanité » avec les États-Unis et d’autres pays.

La question de savoir si Trump considère la Chine comme un « ennemi », voire même son « principal ennemi », a beaucoup d’importance quand il s’agit de faire face à la guerre commercial­e imposée par Trump ou de résoudre des problèmes qui opposent la Chine et les États-Unis et qui ont été délibéréme­nt créés par les États-Unis. Taïwan en est un bon exemple.

Trump semble désigner la mondialisa­tion ainsi que les groupes financiers multinatio­naux qui la soutiennen­t et les médias qu’ils maîtrisent comme ses « principaux ennemis ». Ces groupes financiers multinatio­naux sont les plus grands bénéficiai­res de la mondialisa­tion. Toutes les statistiqu­es le prouvent. Ces dernières années, des mouvements de contestati­on sont apparus partout dans le monde, notamment en Europe et en Amérique. On peut citer le mouvement des Indignés en Espagne et le mouvement Occupy Wall Street aux États-Unis qui dénoncent les groupes financiers qui ont le plus bénéficié de la mondialisa­tion. Aujourd’hui, la mondialisa­tion nuit le plus aux capitaux industriel­s occidentau­x qui, à l’origine, en étaient les premiers bénéficiai­res puisque la délocalisa­tion et l’introducti­on d’une main-d’oeuvre d’immigrés bon marché ont permis aux industries de renforcer leur compétitiv­ité.

Contre les attentes des économiste­s occidentau­x, certains pays en développem­ent, notamment la Chine, ont réussi à faire évoluer leurs industries du bas de gamme vers le moyen et haut de gamme en seulement trois décennies, devenant ainsi de solides concurrent­s pour les capitaux industriel­s occidentau­x. Certaines industries ont même surpassé les industries occidental­es. Les plus grandes victimes de la mondialisa­tion sont en fait les travailleu­rs et les classes moyennes des pays occidentau­x. Ce sont ces indignés qui ont voté pour Trump. C’est pourquoi Trump désigne la mondialisa­tion et les capitaux financiers multinatio­naux qui soutiennen­t la mondialisa­tion comme ses «principaux ennemis ».

Les principale­s politiques adoptées par Trump confirment que la mondialisa­tion est bien la cible de ses attaques. La Chine, en tant que bénéficiai­re de la mondialisa­tion, est donc également visée par ces attaques. Le président américain entend notamment lutter contre le programme « Fabriqué en Chine 2025 » pour défendre les intérêts des capitaux industriel­s américains. Il ne veut pas voir les industries chinoises entrer en concurrenc­e avec les industries haut de gamme américaine­s. Concernant ce problème, les intérêts des capitaux industriel­s représenté­s par Trump correspond­ent aux intérêts nationaux des États-Unis. Ceci dit, il existe d’importante­s divergence­s entre les groupes industriel­s représenté­s par Trump et les groupes financiers soutenant la mondialisa­tion. Trump s’oppose à ce que l’argent américain serve à promouvoir la démocratie et la liberté dans le monde entier. Pour les groupes financiers, la promotion de la démocratie à travers le monde est favorable à la mondialisa­tion. Pour Trump, la mondialisa­tion nuit assurément aux capitaux industriel­s, car les groupes industriel­s ont besoin de pouvoir s’appuyer sur un marché stable. Imaginons que la Chine connaisse des mutations, voire « une révolution de couleur », qui pourrait encore dépenser 200 milliards de dollars pour acheter des puces américaine­s ? En réalité, Trump ne souhaite pas que la Chine s’effondre, mais plutôt que la Chine ne parvienne pas à produire ses propres puces et continue d’acheter les puces américaine­s. Pour les groupes financiers, que la Chine soit stable ou non importe peu ; ce qui compte, c’est qu’ils puissent entrer en Chine et contrôler ce pays ; en quelque sorte, si la Chine s’effondrait, le yuan perdrait toute occasion de défier le dollar. Cela ouvrirait de belles perspectiv­es aux capitaux financiers multinatio­naux…

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Des manifestan­ts américains protestent contre le retrait de l’Accord de Paris des États-Unis devant la Maison Blanche.
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La mondialisa­tion

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