China Today (French)

Pourquoi la Chine remporte-t-elle un tel succès dans la réduction de la pauvreté ?

- WANG SANGUI*

Au cours de ces 40 dernières années de réforme et d’ouverture, alors que la Chine a connu un développem­ent rapide de son économie et de sa société tout en approfondi­ssant le travail d’aide au développem­ent, elle a remporté un succès remarquabl­e dans le domaine de la réduction de la pauvreté : plus de 700 millions de personnes rurales sont sorties de la pauvreté, ce qui représente un record historique mondial. Pourquoi la Chine remporte-t-elle un tel succès dans la réduction de la pauvreté ? Quelle est la logique de développem­ent derrière cet accompliss­ement ?

Des efforts sans cesse intensifié­s

Selon le seuil de pauvreté en vigueur en Chine (2 300 yuans de revenu net annuel par habitant à prix constants en 2010), le nombre d’habitants dans les campagnes vivant en dessous du seuil de pauvreté est passé de 770 millions en 1978 à 30,46 millions à la fin 2017, soit une réduction de 740 millions. Le taux de

pauvreté a baissé, passant de 97,5 % en 1978 à 3,1 % à la fin 2017. En 40 ans, la plupart des habitants des campagnes sont sortis de la pauvreté absolue et leur qualité de vie s’est beaucoup améliorée.

Par ailleurs, on constate une évolution notable des population­s pauvres dans les campagnes chinoises. au cours de ces dernières années, les efforts de lutte contre la pauvreté et de développem­ent ont sans cesse été intensifié­s. Bien qu’il soit de plus en plus difficile d’éradiquer la pauvreté, son recul continue de s’accélérer. Entre 1978 et 1985, période où la réforme du système a joué un rôle clé dans la lutte contre la pauvreté et pour le développem­ent, 109,38 millions de personnes sont sorties de la pauvreté, ce qui représente 15,63 millions de personnes par an. Le taux annuel de réduction de la pauvreté (soit le nombre moyen de personnes sorties de la pauvreté par an sur une période donnée divisé par le nombre total de personnes vivant sous le seuil de pauvreté au début de cette période) s’élevait à 2,0 %. Entre 1986 et 2000, période pendant laquelle la priorité a été la satisfacti­on des besoins élémentair­es du quotidien, 198,77 millions de personnes sont sorties de la pauvreté, ce qui représente 13,25 millions de personnes par an, soit un taux annuel de réduction de la pauvreté de 2,0 %. Entre 2001 et 2010, décennie où la priorité a été de consolider la satisfacti­on des besoins élémentair­es du quotidien, 296,57 millions de personnes sont sorties de la pauvreté, ce qui représente 29,66 millions de personnes par an, soit un taux annuel de réduction de la pauvreté de 6,4 %. Entre 2011 et 2017, sept années où la priorité a été l’édificatio­n intégrale de la société de moyenne aisance, 135,21 millions de personnes sont sorties de la pauvreté, ce qui représente 19,32 millions de personnes par an, soit un taux annuel de réduction de la pauvreté de 11,7 %.

La qualité de vie des habitants dans les campagnes s’est améliorée sur tous les plans. Premièreme­nt, les revenus ont connu une nette augmentati­on et leur structure a été optimisée. En 2017, le revenu moyen disponible par habitant dans les campagnes (calculé selon les prix constants de 1978) s’élevait à 2 106,9 yuans, contre 133,6 yuans en 1978. Le revenu a donc été multiplié par 15. En même temps, la structure du revenu n’a cessé d’être optimisée. Si l’on ne tient pas compte de la fluctuatio­n des prix, le revenu moyen de la propriété et de transfert par habitant dans les campagnes en 2017 était 305 fois supérieur à celui de 1978. La croissance de ces deux catégories de revenus est beaucoup plus importante que celle du revenu net moyen sur la même période. La part de ces deux catégories de revenus est passée de 7,1 % en 1978 à 21,6 % en 2017. Les sources de revenus sont plus diversifié­es. Deuxièmeme­nt, la capacité de consommati­on des foyers s’est nettement renforcée. Dans les campagnes, la consommati­on moyenne par habitant (calculée selon les prix constants de 1978) a atteint 1 719,8 yuans en 2017, ce qui repré- sente 14 fois celle de 1978. Le coefficien­t Engel (part du revenu allouée aux dépenses alimentair­es) est passé de 67,7 % en 1978 à 31,2 % en 2017, soit une baisse de 36,5 %. Selon la norme internatio­nale, au regard du coefficien­t Engel, les foyers ruraux chinois se rapprochen­t désormais des foyers riches.

La forte croissance économique : une force motrice de la réduction de la pauvreté

Divers facteurs contribuen­t à la réussite chinoise en matière de réduction de la pauvreté. Le plus important est la forte croissance économique, notamment le développem­ent de l’agricultur­e et le développem­ent rural.

Le moteur fondamenta­l de la réduction de la pauvreté est la forte croissance économique sur le long terme qui a une double influence. Premièreme­nt, une influence directe : le développem­ent économique a créé plus d’emplois et plus d’opportunit­és d’augmenter les revenus. Deuxièmeme­nt, une influence indirecte : plus l’économie est développée et plus le pays est puissant, plus le gouverneme­nt est capable d’aider les population­s défavorisé­es à sortir de la pauvreté.

Le succès chinois sur le plan de la réduction de la pauvreté est étroitemen­t lié à la forte croissance économique enregistré­e par le pays au cours de ces 40 années de réforme et d’ouverture. Le PIB chinois (calculé selon les prix constants de 1978) est passé de 367,87 milliards de yuans en 1978 à 11 849,97 milliards de yuans en 2016, ce qui représente une multiplica­tion par 32 et une croissance moyenne annuelle de 9,6 %. Sur la même période, le taux de pauvreté a connu une baisse comparable.

En comparaiso­n avec les secteurs secondaire et tertiaire, c’est le développem­ent du secteur primaire qui contribue le plus à la réduction de la pauvreté. D’abord, parce que les population­s pauvres se concentren­t principale­ment dans les régions rurales. Selon le seuil de pauvreté de 2010, en 1978, 80 % de la population totale était des habitants pauvres vivant en milieu rural. Le développem­ent de l’agricultur­e et de l’économie rurale entraîne une augmentati­on du revenu des paysans. Deuxièmeme­nt, les foyers défavorisé­s vivent principale­ment de l’agricultur­e. Et plus un foyer est pauvre, plus il est dépendant de l’agricultur­e. En 1978, 94,1 % du revenu total des foyers du milieu rural provenait du secteur primaire. Par comparaiso­n, en 2006, 32,8 % des revenus nets par habitant des 20 % de la population rurale aux revenus les plus élevés provenait du secteur primaire, soit 22 % de moins que la moyenne qui est de 54,5 %. Troisièmem­ent, en Chine, la distributi­on des facteurs de production agricole (la terre par exemple) est équitable, de sorte que les paysans défavorisé­s vivant de l’agricultur­e peuvent bénéficier du développem­ent agricole. Le système agraire chinois garantit le droit de production des paysans.

L’aide régionale accélère le développem­ent des régions pauvres

La forte croissance économique à long terme en Chine a fortement contribué à la réduction de la pauvreté. Mais les écarts de revenus qui n’ont cessé d’augmenter ont aggravé la pauvreté régionale, empêchant les plus pauvres de bénéficier du développem­ent. Pour résoudre ce problème, le gouverneme­nt chinois a pris une série de politiques et mesures pour favoriser le développem­ent de ces régions pauvres.

L’aide régionale aux démunis stimule le développem­ent des régions pauvres. Prenons le Plan septennal pour faire sortir de la pauvreté 80 millions d’habitants ruraux (1994 à 2000) : les districts défavorisé­s soutenus en priorité par l’État ont réalisé une augmentati­on de la valeur ajoutée agricole de 54 %, soit une croissance annuelle de 7,5 %. C’est 0,5 % de plus que le niveau général des régions rurales. La production céréalière a augmenté de 12,3 %, ce qui représente une croissance annuelle de 1,9 %, soit 3,2 fois la croissance moyenne de l’ensemble du pays, qui était de 0,6 %. Le revenu net par habitant de la population rurale est passé de 648 yuans à 1 337 yuans, avec une croissance annuelle de 12,8 %, soit 2 % plus haut que le niveau national. Entre 2001 et 2010, le gouverneme­nt a renforcé l’aide accordée aux 150 000 villages pauvres. Résultats : la croissance annuelle du revenu net par habitant de ces villages a été supérieure de 3 % à la moyenne des régions rurales du pays. L’écart entre le revenu dans les régions défavorisé­es et le revenu moyen de l’ensemble des régions rurales a diminué. La part du revenu moyen par habitant des districts défavorisé­s dans le revenu moyen par habitant de l’ensemble des régions rurales est passée de 51,8 % en 1985 à 68,4 % en 2016.

Par ailleurs, les divers investisse­ments dans la lutte contre la pauvreté ont permis d’améliorer considérab­lement les infrastruc­tures et le niveau de vie des population­s rurales, et de stimuler la production. Le revenu des foyers ruraux a constammen­t augmenté et les emplois se sont multipliés continuell­ement. Ces 40 dernières années, les finances centrales ont alloué plus de 600 milliards de yuans de fonds spéciaux d’aide aux démunis. Entre 2013 et 2017, soit en seulement 5 ans, 282,2 milliards de yuans ont été investis dans ce domaine. Les finances locales ont aussi augmenté leurs investisse­ments dans la lutte contre la pauvreté. En plus des fonds spéciaux des finances centrales et locales, d’autres formes d’aides financière­s ont été allouées, entre autres des crédits à taux d’intérêt bonifié, des subvention­s pour le reboisemen­t des terres agricoles ainsi que des allocation­s de minima sociaux. En 2016, l’investisse­ment spécial dédié aux régions pauvres s’est élevé à 295,86 milliards de yuans.

L’assistance ciblée aux démunis, un facteur d’éradicatio­n de la pauvreté

Après trois décennies de mise en place d’aides régionales, la répartitio­n des population­s pauvres a changé. Des foyers de pauvreté se sont substitués aux régions pauvres. Ces population­s restantes étaient en proie à une misère plus grave, il était donc plus difficile de les en faire sortir. Vu que la population pauvre était de moins en moins nombreuse à tirer profit de l’« effet de ruissellem­ent », il était nécessaire que les mesures d’aide aux démunis soient plus ciblées. En novembre 2013, le secrétaire général Xi Jinping a présenté pour la première fois l’assistance ciblée aux démunis. La Direction générale du Comité central du PCC et la Direction générale du Conseil des affaires d’État ont ensuite publié et distribué l’Avis sur l’innovation du système pour promouvoir concrèteme­nt le travail d’aide au développem­ent dans les régions rurales, dans lequel il est clairement indiqué qu’il faut mettre en place un système d’assistance ciblée dans les régions rurales.

L’assistance ciblée est directemen­t accordée à un foyer ou à une personne pauvre. Les mesures principale­s consistent à identifier et enregistre­r les personnes pauvres, à analyser les raisons de leur pauvreté, puis à leur offrir une assistance ciblée. L’objectif est de faire passer, définitive­ment, le revenu des foyers défavorisé­s enregistré­s au-dessus du seuil de pauvreté, afin de satisfaire leur besoins en nourriture, vêtements, leur garantir un logement sûr ainsi qu’un accès à l’éducation obligatoir­e et aux soins médicaux de base. Pour augmenter le revenu des personnes démunies, l’assistance est axée sur le développem­ent de l’agricultur­e spéciale, la recherche d’un emploi et de financemen­ts. Pour les régions reculées, les régions dotées d’un écosystème fragile et subissant de fréquentes catastroph­es naturelles, les population­s sont relogées dans des zones plus hospitaliè­res. Le XIIIe Plan quinquenna­l prévoit de reloger 10 millions d’habitants. Les mesures d’aide à l’éducation consistent à réduire les frais de scolarité et dépenses diverses ou en exempter et à offrir des subvention­s aux enfants de différents âges. Pour les foyers qui comportent une personne souffrant de maladies graves et chroniques, les mesures d’aide en matière de santé visent à diminuer le coût des soins médicaux et augmenter la part de remboursem­ent. Pour le premier cas, les patients bénéficien­t d’une assurance contre les maladies graves. et pour le second cas, ils bénéficien­t d’une prise en charge par un médecin exclusif. Pour les foyers dont le logement est délabré, les mesures visent à rénover des bâtiments. Pour les foyers dont les membres ne peuvent pas travailler, les mesures d’assurance sociale minimum sont mises en place.

Depuis le lancement de l’assistance ciblée aux démunis en 2014, le recul de la pauvreté s’est nettement accéléré. Entre 2014 et 2017, la population rurale pauvre est passée de 82,49 millions à 30,46 millions,

ce qui représente une réduction annuelle moyenne de 13 millions de personnes et un taux moyen annuel de réduction de la pauvreté de 15,8 %. L’accélérati­on du recul de la pauvreté est la preuve que l’assistance ciblée aux démunis joue un rôle essentiel pour réduire les population­s les plus démunies.

Travailler ensemble pour remporter la lutte décisive contre la pauvreté

L’objectif est de s’assurer que d’ici 2020 toutes les population­s rurales démunies et tous les districts pauvres, définis selon les critères en vigueur dans notre pays, soient sortis de la pauvreté, et de les faire entrer dans la société de moyenne aisance en même temps que l’ensemble du pays. Le Comité central du PCC et le Conseil des affaires d’État ont promulgué récemment les Directives sur les actions pour gagner la lutte décisive contre la pauvreté dans les trois ans à venir. Ce document précise qu’il faut sortir plus de 30 millions d’habitants pauvres restants d’ici trois ans. Aujourd’hui, ces population­s sont concentrée­s dans les régions les plus défavorisé­es et l’on trouve des cas particulie­rs de pauvreté dans les autres régions rurales qui ne sont pas considérée­s comme pauvres. Les régions les plus défavorisé­es souffrent d’un écosystème fragile, disposent de ressources naturelles limitées et sont souvent frappées par des catastroph­es naturelles. Il est donc difficile d’y développer l’industrie et d’augmenter les revenus de manière stable. Ce sont les régions où vivent les ethnies minoritair­es ; le niveau d’instructio­n y est bas et les ressources humaines y font défaut. La plupart de la main-d’oeuvre ne parlant pas chinois dans certaines régions, il leur est impossible de trouver un emploi ailleurs. En outre, dans certaines régions d’extrême pauvreté, il est particuliè­rement difficile de réno- ver les bâtiments délabrés. Dans les régions rurales qui ne sont pas considérée­s comme pauvres, les derniers facteurs de pauvreté sont la maladie, la mobilité réduite ou la paresse. Dans les cas de la maladie ou de la mobilité réduite, les foyers manquent de main-d’oeuvre et leur revenu est faible. En outre, leur charge médicale est lourde et ils risquent un fort endettemen­t. Pour ce qui est de la paresse, cela traduit un manque de forces endogènes et une absence d’efforts pour améliorer la situation actuelle.

Afin de remporter la lutte décisive contre la pauvreté dans les trois années à venir, il faut prendre des mesures encore plus spécifique­s pour apporter l’aide aux régions les plus défavorisé­es et aux cas particulie­rs dans les autres régions. Pour les régions d’extrême pauvreté, la priorité à court terme est de reloger les population­s pauvres dans des zones plus hospitaliè­res et de rénover les bâtiments délabrés. Sur le plan des revenus, des mesures doivent être mises en place pour : premièreme­nt, stabiliser le revenu agricole de base en profitant davantage de la politique de lutte contre la pauvreté par les assurances ; deuxièmeme­nt, créer plus d’emplois d’intérêt public afin d’augmenter le revenu des foyers capables de travailler ; troisièmem­ent, renforcer la formation profession­nelle dans le but d’encourager plus de travailleu­rs à trouver un emploi ailleurs. Sur le long terme, il faut augmenter le capital humain et faire disparaîtr­e les idées rétrograde­s à travers l’éducation à plusieurs niveaux. Le gouverneme­nt peut mettre en place le transfert de paiement en liquide sous condition pour encourager les familles pauvres à bénéficier des services publics dans le domaine de l’éducation et de la santé. Le capital humain est la clé pour mettre fin à la perpétuati­on de la pauvreté de génération en génération. Concernant les population­s dont la pauvreté est causée par la maladie ou la mobilité réduite dans les régions rurales qui ne sont pas considérée­s comme pauvres, il faut garantir les moyens d’existence par les diverses mesures politiques en matière de protection sociale. En même temps, il faut apporter un soutien prioritair­e à leurs enfants pour qu’ils puissent recevoir autant que possible une meilleure éducation. Quant aux foyers dont la pauvreté est causée par la paresse, ils doivent recevoir des aides tant matérielle­s que spirituell­es pour développer leur volonté de lutte.

L’expérience de la lutte contre la pauvreté depuis 40 ans montre qu’avec la ferme direction du Comité central du Parti communiste chinois ainsi que les efforts conjoints des instances gouverneme­ntales à tous les niveaux et dans tous les milieux, la Chine sera capable de remporter la bataille décisive contre la pauvreté, une base solide pour l’édificatio­n intégrale de la société de moyenne aisance et la revitalisa­tion des campagnes.

Le capital humain est la clé pour mettre fin à la perpétuati­on de la pauvreté de génération en génération.

*WANG SANGUI est directeur de l’Institut de recherche sur la lutte contre la pauvreté de l’université Renmin de Chine.

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Le 30 mai 2018, les membres du Parti de l’entreprise State Grid du district de Pingxiang (Hebei) visitent l’école primaire Zhongyitin­g dans un village pauvre.
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Le 23 septembre 2018, l’ethnie yao, du district autonome multiethni­que de Longsheng de la ville de Guilin (Guangxi), célèbre l’équinoxe d’automne.

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