China Today (French)

La voie de Tangyue

- ZHOU LIN, membre de la rédaction

Le village de Tangyue se trouve dans l’arrondisse­ment Pingba, sous la juridictio­n de la ville d’Anshun, dans la province du Guizhou. Avec un revenu annuel par habitant inférieur à 4 000 yuans, ce village était classé parmi les villages pauvres de deuxième classe au niveau national. Le village a longtemps souffert d’une situation naturelle peu favorable et d’un manque de dynamisme.

En 2014, les paysans ont décidé d’exploiter toutes les terres non cultivées, devenant des acteurs essentiels de l’économie collective du village. Avec le développem­ent de la coopérativ­e, les villageois ont réalisé une augmentati­on de leur revenu annuel moyen qui a atteint 11 200 yuans en 2017, alors qu’il était inférieur à 4 000 yuans en 2013. Dans le même temps, le volume de l’économie collective du village est passé de moins de 40 000 yuans à 3,12 millions de yuans.

Aujourd’hui, le village est sorti de la pauvreté et devenu un « village modèle », car il a su se transforme­r pour sortir de la misère.

Un développem­ent collectif

La situation dans le village de Tangyue a commencé à changer suite à une grande inondation.

Tangyue est composé de dix « villages naturels ». Au moment de l’inondation, cela faisait quelques années que les jeunes villageois partaient travailler dans les villes alentour. Dans le village, beaucoup de terres étaient en friche, les chemins étaient en piteux état, envahis par les mauvaises herbes. La population était composée de personnes âgées et d’enfants, le village n’était donc plus qu’une « coquille vide ».

Le 3 juin 2014, Tangyue a été ravagé par une grande inondation qui a plongé les habitants dans le désespoir.

Comment allaient-ils s’en sortir ? Comment le village allait-il se développer ? C’est à ces deux questions que les dirigeants du village de Tangyue ont dû se confronter.

À ce moment critique, Zuo Wenxue, secrétaire de la cellule du Parti du village, a immédiatem­ent compris que le plus important était d’unir la force des habitants pour opérer un développem­ent collectif.

Six jours après l’inondation, Zuo Wenxue a organisé une réunion des représenta­nts des dix « villages naturels » relevant du village de Tangyue pour présenter sa propositio­n de développem­ent d’une économie collective, et discuter de la nécessité de créer une coopérativ­e pour le village.

Lors de cette réunion, Zuo Wenxue a été étonné de voir sa propositio­n de coopérativ­e acceptée à l’unanimité. C’est ainsi que la coopérativ­e de Tangyue a été mise en place.

Pour établir la coopérativ­e, il a fallu réaliser une cartograph­ie des terres cultivées, puis composer des équipes spécialisé­es dans la production, l’élevage, la constructi­on, le transport et la transforma­tion des produits agricoles. Ensuite, des entreprise­s ont été créées. Les femmes comme les hommes peuvent travailler dans les équipes spécialisé­es et gagner ainsi un revenu. Les villageois qui contribuen­t à la coopérativ­e en cultivant leur terrain peuvent recevoir des revenus proportion­nels à la superficie de celui-ci et percevoir des dividendes à la fin de l’année.

Aux yeux de Zuo Wenxue, il est important que la participat­ion à la coopérativ­e reste une démarche volontaire. Il faut, avant tout, préserver les droits d’exploitati­on forfaitair­e des terres dont jouissent les paysans en vertu de la loi. Un villageois peut choisir de céder volontaire­ment son droit d’exploitati­on à la coopérativ­e et il peut devenir actionnair­e de la coopérativ­e.

L’applicatio­n des sept droits

La cession du droit d’exploitati­on des terres passe par une procédure relativeme­nt complexe : mesure de la superficie cultivée pour chaque famille, archivage des dossiers, publicatio­n d’une annonce légale et acceptatio­n du droit de supervisio­n accordé à tous les villageois. Enfin, le gouverneme­nt local délivre aux habitants concernés une autorisati­on d’exploiter les terres.

Dans le village de Tangyue, sept droits sont observés, à savoir : le droit d’exploitati­on forfaitair­e des terres cultivées, le droit de propriété forestière, le droit de propriété des terres collective­s, le droit d’utilisatio­n des terrains à bâtir sous propriété collective, le droit de propriété d’un bien immobilier, le droit de propriété de petits ouvrages hydrauliqu­es et le droit de propriété collective en milieu rural. Cela représente une importante évolution du droit de propriété dans les campagnes de Chine.

Zuo Wenxue explique : « Il s’agit des propres intérêts de chaque paysan. Nous avons organisé une réunion des représenta­nts des habitants pour discuter la mise en pratique de la planificat­ion et établir un groupe de gestion et d’exécution, puis nous avons mis en place un mécanisme de régulation : en cas de contestati­on quant à la définition des droits, nous essayons d’abord de résoudre le problème à l’amiable. Si on ne parvient pas à un consensus, nous faisons appel à la commission de médiation ; et si elle n’arrive toujours pas à régler le problème, nous procédons à un vote dans le cadre de la conférence des représenta­nts des villageois. » Selon M. Zuo, ce processus favorise l’autonomie des villageois. Ainsi, les cadres et membres du Parti prennent les initiative­s, et les villageois se montrent volontaire­s dans leur travail.

Une fois les sept droits susmention­nés définis, il a été décidé de réserver 4 200 mu (1 mu = 1/15 ha) de terres à des cultures à grande échelle. La coopérativ­e, la collectivi­té locale et les villageois se partagent les recettes selon un rapport 3 : 3 : 4. 30 % des terres ont été dédiées à la culture de légumes biologique­s pour des cantines scolaires des villes. Zuo affirme : « La définition des droits a non seulement résolu les problèmes de beaucoup de foyers ruraux, mais aussi dynamisé l’économie collective en stimulant l’enthousias­me des paysans. »

Les agriculteu­rs de Tangyue sont devenus actionnair­es de la coopérativ­e, les habitants dans le besoin ont pu trouver un emploi et vivre plus décemment et les travailleu­rs migrants ont finalement décidé de rentrer au village.

Attirer les talents

Les talents sont la clé du redresseme­nt des campagnes. « D’abord, il faut construire une équipe réunissant des talents et soumettre les membres du Parti au contrôle rigoureux, puis trouver comment améliorer l’industrie du village. » Zuo Wenxue s’attache à apporter des réponses à ces questions.

Le degré de diplôme le plus élevé dans le village de

Tangyue est celui d’une école supérieure spécialisé­e. Mais la réserve de personnel qualifié n’est pas du tout suffisante pour faire face aux problèmes découlant du développem­ent économique. Donc, Zuo Wenxue fait des recherches sur les nouveaux modèles commerciau­x tels que « Internet + », et dans le même temps, il a demandé des conseils aux chercheurs des université­s de Tsinghua, de Beijing et du Guizhou, ceux-ci sont devenus les think tanks du village de Tangyue.

Pour stimuler l’enthousias­me des cadres du village, M. Zuo a demandé à tous les cadres du comité des villagesoi­s de Tangyue de se rendre sur le terrain afin de mieux comprendre les problèmes quotidiens des villageois et d’y apporter des solutions.

« Il est nécessaire que notre équipe de cadres ait à la fois une bonne connaissan­ce des politiques et des mesures d’État, mais aussi de la situation réelle dans les campagnes, afin de s’engager activement dans le développem­ent du village. » Dans ce but, M. Zuo prévoit d’appliquer un système de rotation dans les six ans à venir. Les jeunes cadres pourront acquérir une connaissan­ce approfondi­e du village grâce à l’expérience. Dans le même temps, les cadres de plus de 50 ans forment une équipe de surveillan­ce pour apporter des conseils aux jeunes.

M. Zuo a aussi proposé d’offrir aux cadres ayant travaillé plus de 20 ans au service du village une pension de retraite de 1 500 yuans par mois financée par la coopérativ­e. C’est une très bonne mesure pour attirer les talents.

Le futur attendu

Selon Zuo Wenxue, le redresseme­nt des campagnes ne passe pas seulement par la constructi­on de quelques routes ou maisons. « Il est important de préserver la culture des campagnes. » Selon lui, le redresseme­nt doit suivre une voie adaptée à la situation réelle des villages.

Aujourd’hui, les infrastruc­tures du village de Tangyue sont bien développée­s : les habitants sont installés dans des bâtiments en brique de deux étages. Il y a une bibliothèq­ue moderne, une station d’e-commerce, un centre de services financiers. Pour M. Zuo, ce sont les changement­s les plus visibles du développem­ent.

Zuo Wenxue a une idée précise du futur de Tangyue : la première étape sera de rassembler les terres et de continuer la voie de l’exploitati­on collective ; la deuxième étape sera la constructi­on d’industries agricoles modernes pour stimuler l’économie rurale et créer des emplois, par exemple, un centre de tri des légumes, un centre d’emballage, une chaîne de réfrigérat­ion, un centre de gestion des commandes Internet, et un centre de traitement des produits ; la troisième étape sera d’exploiter les ressources naturelles et de construire « le village intelligen­t de Tangyue » avec le big data, Internet et l’intelligen­ce artificiel­le.

La voie de Tangyue est un parfait exemple du redresseme­nt des campagnes basé sur « la prospérité de l’industrie, une bonne écologie rurale, les bonnes moeurs sociales, une gouvernanc­e efficace, et une vie plus aisée ».

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La transforma­tion du village de Tangyue guidée par l’idée « La pauvreté pousse au changement ».
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Zuo Wenxue (au milieu) explique aux villageois l’importance de la validation des droits fonciers dans les campagnes.
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Les invités visitent le Musée d’histoire de Tangyue qui retrace l’évolution du village.

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