China Today (French)

Le miracle chinois : une expérience en matière de lutte contre la pauvreté

- IAN GOLDIN*

Depuis des décennies, la pauvreté dans le monde ne cesse de reculer : dans les années 1960, environ 50 % de la population mondiale vivait sous le seuil d’extrême pauvreté (moins de 1,90 dollar par jour et par personne) ; aujourd’hui ce chiffre se situe autour de 10 %. La contributi­on de la Chine à cet égard a été essentiell­e puisqu’elle est à elle seule responsabl­e de 70 % de la baisse du taux de pauvreté dans le monde au cours de ces 40 dernières années.

La réussite de la Chine en matière de réduction de la pauvreté est historique. Depuis 40 ans, le gouverneme­nt chinois s’est engagé dans une campagne pour la réduire avec l’objectif de faire de la Chine, en l’espace d’une génération, un pays à revenu intermédia­ire. Les résultats enregistré­s marquent un progrès sans précédent dans l’histoire de l’humanité avec un nombre record d’habitants sortis de la pauvreté en un temps record.

Depuis la réforme et l’ouverture en 1978, le taux de Chinois vivant sous le seuil d’extrême pauvreté en milieu rural est passé de 97,5 % à 3,1 % selon les dernières estimation­s, ce qui signifie qu’en 40 ans, plus de 700 millions de personnes rurales sont sorties de l’extrême pauvreté.

Cette réussite est le fruit d’une modernisat­ion concertée de l’économie. La part du secteur agricole dans l’emploi a connu une baisse significat­ive, passant de 75 % à moins de 25 % aujourd’hui. Ce sont désormais les secteurs de l’industrie manufactur­ière, et de plus en plus, des services, qui se taillent la part du lion.

Ceci est allé de pair avec un processus d’urbanisati­on et un engagement en faveur de l’éducation et de la santé pour tous ainsi qu’un accès à l’eau potable et à l’électricit­é. S’il y a 40 ans, à peine 20 % de la population vivait dans des zones urbaines, aujourd’hui, plus de 60 % des 1,4 milliard de citoyens chinois sont des citadins.

L’urbanisati­on s’est accompagné­e d’une augmentati­on spectacula­ire de l’espérance de vie qui a gagné 12 ans et s’élève aujourd’hui à 77 ans. Le revenu moyen a été multiplié par plus de 40, et par plus de 60 après ajustement tenant compte du pouvoir d’achat.

L’ambition du gouverneme­nt chinois, telle qu’elle a été annoncée par le président Xi Jinping lors du Forum de haut niveau pour la réduction de la pauvreté et le développem­ent en 2015, est d’éliminer l’extrême pauvreté en Chine d’ici 2020. Compte tenu de l’extraordin­aire réussite économique de la Chine, cet objectif apparaît tout à fait réaliste.

Comment la Chine est-elle parvenue à une telle réussite et quel enseigneme­nt les pays en développem­ent peuvent-ils tirer de la réduction de la pauvreté en Chine ?

La clé de la réussite chinoise tient dans le fait que la forte croissance économique a été accompagné­e, dès la mise en place dans les années 1970 des réformes du marché, de l’instaurati­on de politiques de développem­ent fermes visant spécifique­ment la réduction de la pauvreté.

Selon l’OCDE, les principaux facteurs qui ont permis l’éliminatio­n quasi totale de la pauvreté sont la poursuite d’une politique axée sur le développem­ent ainsi que la constructi­on d’un consensus national. Ceci implique une exécution rigoureuse des mesures de développem­ent et des politiques sociales, un système uniformisé d’évaluation des politiques ainsi qu’un effort concerté de la part des secteurs public et privé, motivé par un engagement national fédérateur envers des objectifs communs.

La définition des objectifs de développem­ent précis et la création d’un élan fédérant l’ensemble de la population, y compris le secteur privé et le secteur public, ont joué un rôle essentiel dans la stratégie chinoise de réduction de la pauvreté, ce qui deviendrai­t un modèle pour les pays en développem­ent dans leur lutte contre la pauvreté.

Sans une mise en oeuvre cohérente et efficace de telles politiques, la réalisatio­n d’objectifs aussi ambitieux n’aurait pas été possible.

La façon dont la Chine a conduit à l’essai ses politiques de développem­ent, les élargissan­t à l’ensemble du pays lorsqu’elles étaient concluante­s ou les supprimant lorsqu’elles se révélaient improducti­ves, en suivant un processus d’apprentiss­age dynamique extrêmemen­t efficace, est tout à fait unique.

Depuis que la Chine s’est engagée dans un effort de réduction de la pauvreté, elle s’est toujours appuyée sur les essais et les expériment­ations politiques : l’efficacité des politiques, d’abord menées à des échelles locales, a été attestée de façon empirique. Ces politiques ont ensuite pu être appliquées à l’échelle nationale grâce à un contrôle strict et à un système de rotation des fonctionna­ires sur l’ensemble du territoire.

L’introducti­on, à la fin des années 1970, de la propriété foncière, qui a permis de stimuler la productivi­té agricole, est, par exemple, le résultat de l’expérience fructueuse du « système de responsabi­lité forfaitair­e pratiqué au niveau du foyer » qui avait été mené à l’échelle d’un village.

La conduite d’expérience­s soigneusem­ent planifiées, un contrôle rapproché des résultats, des ajustement­s réguliers à travers la mise à l’essai et enfin l’applicatio­n des mesures à des zones plus étendues en fonction des conclusion­s tirées de la pratique ont toujours constitué les grandes lignes de la stratégie chinoise de réduction de la pauvreté.

Le plus précieux enseigneme­nt que la Chine nous apporte est de combiner un engagement profond et de large envergure à l’égard des objectifs poursuivis et un processus d’apprentiss­age par la pratique.

Les mesures politiques ont été financées d’une part par des investisse­ments publics dans les infrastruc­tures et dans l’innovation technologi­que, et d’autre part par des ressources et des investisse­ments internatio­naux

Depuis que la Chine s’est engagée dans un effort de réduction de la pauvreté, elle s’est toujours appuyée sur les essais et les expériment­ations politiques.

qui ont été utilisés de manière responsabl­e et qui ont facilité la transmissi­on, la transforma­tion et l’adaptation des pratiques internatio­nales les plus réussies.

Cette remarquabl­e ouverture d’esprit qui consiste à analyser les expérience­s internatio­nales et à rester ouvert à l’adaptation et à la mise en place de changement­s, en consultati­on avec les communauté­s locales, est d’ailleurs une autre référence essentiell­e que l’expérience chinoise nous enseigne.

Les premiers efforts menés par les institutio­ns en vue de réduire la pauvreté ont rapidement débouché sur une création massive d’emplois puisque les investisse­ments privés et publics ainsi que la constructi­on de réseaux de transports et d’infrastruc­tures de communicat­ion ont permis de créer de nouveaux emplois et de réorienter les travailleu­rs vers les secteurs productifs de l’industrie manufactur­ière et des services.

Aujourd’hui, plus de 90 % des emplois et 70 % du PIB proviennen­t du secteur privé.

Cela n’aurait pas été possible sans la création d’un remarquabl­e réseau d’institutio­ns éducatives, sociales et de recherche, et d’un vaste réseau de transport et de communicat­ion. En créant cette structure solide, le gouverneme­nt chinois a offert aux citoyens les plus pauvres un tremplin leur permettant de sortir par eux-mêmes de la pauvreté, en leur insufflant le sens des responsabi­lités et en leur donnant accès à des ressources éducatives et technologi­ques. Dans ce processus, l’indépendan­ce, que ce soit au niveau individuel, communauta­ire ou national, a constitué une priorité, ce qui est inédit pour un pays en développem­ent.

Le phénomène de croissance chinoise, aussi impression­nant soit-il, comporte aussi des limites : en particulie­r, l’impact environnem­ental d’une croissance aussi rapide qui a débouché sur la nécessité de limiter la consommati­on d’eau et d’énergies et de résoudre les problèmes de pollution et de dépendance aux énergies fossiles.

Le gouverneme­nt reconnaît ces défis et les a intégrés à son objectif d’éliminer l’extrême pauvreté d’ici 2020.

La Chine ne s’est pas seulement imposée comme une puissance économique internatio­nale, elle a également accepté d’assumer son rôle dans la gouvernanc­e internatio­nale. Au-delà de sa déterminat­ion à s’ajuster aux standards environnem­entaux internatio­naux et à assumer son rôle de leader dans la lutte contre le changement climatique, elle joue également un rôle de plus en plus important dans l’éradicatio­n de la pauvreté à l’échelle mondiale.

Les investisse­ments chinois sont dirigés vers le continent africain et représente­nt une aide et une contributi­on non négligeabl­e au développem­ent des infrastruc­tures de transport, de communicat­ion et de développem­ent du marché. Le rôle majeur joué par la Chine dans l’établissem­ent de la Banque asiatique d’investisse­ment pour les infrastruc­tures, de la Nouvelle banque de développem­ent et de l’initiative « la Ceinture et la Route » reflètent sa volonté d’élargir son engagement envers un développem­ent partagé à l’échelle du monde.

Au cours des 40 dernières années, la Chine a prouvé que l’on pouvait venir à bout du fléau de la pauvreté. L’expérience chinoise offre des références essentiell­es qui démontrent qu’avec suffisamme­nt de volonté, les Objectifs de développem­ent durable fixés dans le cadre de l’ONU peuvent être atteints. Alors que la Chine continue ses efforts pour éliminer l’extrême pauvreté au sein de ses frontières et améliorer le niveau de vie de ses citoyens, sa réussite dans ces domaines sera renforcée par sa déterminat­ion à faire de la durabilité environnem­entale une priorité et par ses efforts redoublés en vue d’éradiquer la pauvreté dans le monde et de contribuer à la constructi­on d’un avenir commun plus sûr et durable.

 ??  ?? Le 27 septembre 2018, dans le village de Longwangya (province du Shandong), un paysan fait sécher le maïs récolté.
Le 27 septembre 2018, dans le village de Longwangya (province du Shandong), un paysan fait sécher le maïs récolté.
 ??  ?? Le 5 juillet 2018, dans le bourg de Yifengdian de la ville de Qingdao (province du Shandong), Meng Qingjian (à gauche) est envoyée pour offrir une aide technique aux cultivateu­rs.
Le 5 juillet 2018, dans le bourg de Yifengdian de la ville de Qingdao (province du Shandong), Meng Qingjian (à gauche) est envoyée pour offrir une aide technique aux cultivateu­rs.
 ??  ?? Le 4 juillet 2018, les habitants du district de Tancheng de la ville de Linyi (province du Shandong) travaillen­t dans une entreprise de fabricatio­n de niches pour chiens, ce qui leur assure de meilleurs revenus.
Le 4 juillet 2018, les habitants du district de Tancheng de la ville de Linyi (province du Shandong) travaillen­t dans une entreprise de fabricatio­n de niches pour chiens, ce qui leur assure de meilleurs revenus.

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