China Today (French)

Société Générale accompagne l’internatio­nalisation de la Chine

- JULIEN BUFFET, membre de la rédaction

Installé à proximité de l’ambassade de France dans le quartier diplomatiq­ue de Liangmaqia­o, le groupe Société Générale Chine a ouvert ses portes aux journalist­es de La Chine au présent pour une interview exclusive avec PierreYves Bonnet, son nouveau responsabl­e pays et président de SG China (Ltd) depuis septembre 2018. Ancien fonctionna­ire au ministère français des Finances dans les années 1990, homme de grande stature et de nature passionnée. La Chine n’est pas une terra incognita pour Pierre-Yves Bonnet qui se souvient parfaiteme­nt de son premier contact avec le pays en 1997, l’année même de la rétrocessi­on de Hong Kong à la Chine, et du contraste à son retour : « Je reviens 21 ans après et je vois un pays qui a changé du tout au tout. Il est toujours resté très beau, mais en revanche, la modernisat­ion est absolument incroyable et notamment dans le secteur bancaire : il y a une transforma­tion totale, une digitalisa­tion très rapide et des innovation­s que le monde entier regarde. »

Une banque intégrée à « la Ceinture et la Route »

Dès l’arrivée dans le hall, le visiteur est frappé par le planisphèr­e géant qui présente le tracé de la Ceinture économique de la Route de la Soie reliant la Chine à la Russie, l’Europe, le Maghreb, l’Afrique de l’Ouest et de l’Est puis enfin l’Asie du Sud-Est. À la question de savoir pourquoi l’initiative chinoise « la Ceinture et la Route » trône en si bonne place, la réponse de Pierre-Yves Bonnet est : « Tout simplement parce que Société Générale est parfaiteme­nt implantée le long de ‘‘la Ceinture et la Route’’. Donc c’est une stratégie que nous comprenons tout à fait. » Cependant, cette stratégie n’est pas le résultat d’un simple constat. Installée en Chine depuis 1981, Société Générale devient une banque de plein exercice en 2008 où elle commence par développer ses activités commercial­es et de retail avant de les recentrer majoritair­ement sur les activités de banque de financemen­t et d’investisse­ment.

Société Générale est l’une des premières banques commercial­es à mettre son expertise et son réseau internatio­nal au service des grands clients chinois, privés et public, engagées dans l’initiative « la Ceinture et la Route ». Officielle­ment, sur la centaine de pays concernés par l’initiative, 77 d’entre eux ont déclaré fermement leur adhésion, les derniers en date étant le Sénégal et le Rwanda. Pour autant, si le système bancaire chinois a couvert jusqu’à présent le financemen­t des projets, estimés à 1 600 milliards de dollars à partir de prêts bancaires et de prises de participat­ion en action, les banques commercial­es chinoises n’ont pas réalisé un maillage complet de tous ces pays. Les établissem­ents les mieux représenté­s à l’étranger dans les pays de la BRI, Bank of China (BOC) et Industrial and Commercial Bank of China (ICBC), sont présents respective­ment dans 18 pays seulement. Or, le réseau de Société Générale couvre environ 60 pays de la BRI avec un réseau particuliè­rement fort et structuré dans les zones stratégiqu­es que sont la Russie et l’Europe de l’Est ainsi que l’Afrique.

Cette présence inégalée sur le terrain est un atout considérab­le pour la Chine car en même temps qu’elle étend l’internatio­nalisation du yuan à travers « la Ceinture et la Route », elle limite les risques financiers comme le souligne Pierre-Yves Bonnet : « Travailler en Afrique n’est pas forcément évident. Ce sont des pays compliqués en termes d’infrastruc­tures, de systèmes politiques, d’instabilit­é, voire de risque ou de conformité. Notre grande expérience fait que nous sommes tout à fait pertinents pour les grands clients chinois. » En effet une grande majorité des pays traversés par la BRI sont notés Ba1 par les agences spécialisé­es, soit avec des risques importants. Afin de bien protéger et de guider les entreprise­s chinoises, Société Générale forme donc depuis quelques années des employés chinois qui animent le réseau des Desk Chine : « Le fait d’être Chinois avec cette double formation leur permet d’établir des liens beaucoup plus privilégié­s, que ne pourrait le faire une personne en local, avec les entreprise­s chinoises qui sont installées sur place. »

Multilatér­alisme financier et commercial

L’année 2018 a été marquée par des succès significat­ifs pour

Société Générale qui souligne la force de sa stratégie de soutien à l’internatio­nalisation de la Chine dans des pays africains clés, notamment depuis la signature d’un protocole d’accord sur les activités commercial­es avec China Developmen­t Bank en 2014. Pour Pierre-Yves Bonnet, deux exemples méritent d’être cités.

D’un côté l’Éthiopie, symbole éclatant du modèle gagnantgag­nant avec 75 % d’opinion favorable à la Chine selon une étude de l’IRIS, où la banque française a permis le financemen­t d’un avion fourni par une compagnie de leasing chinoise à destinatio­n d’Ethiopian Airlines. Le transport aérien contribue en effet à l’attractivi­té des échanges commerciau­x au sein de « la Ceinture et la Route » tant pour les affaires que pour le tourisme. De l’autre, l’Algérie, un pays important pour l’internatio­nalisation du yuan du fait de ses ressources pétrolière­s, où Société Générale a permis, en 2018, le premier règlement en yuan offshore (CNH) pour une entreprise chinoise implantée localement. Considérée dans le cadre plus large de l’ouverture de la Bourse internatio­nale de l’énergie de Shanghai qui autorise des transactio­ns de contrat à terme sur le pétrole brut depuis le 26 mars 2018, cette première expérience de règlement en yuan pourrait ensuite inciter l’Algérie à suivre l’exemple de l’Angola en adoptant le schéma du pétro-yuan convertibl­e en or. Une possibilit­é d’autant plus réelle que Société Générale Algérie collabore déjà avec les groupes pétroliers chinois SINOPEC et CNOOC.

Cette participat­ion de la banque française au multilatér­alisme commercial de « la Ceinture et la Route » s’exprime aussi dans les relations sino-russes. Depuis les sanctions économique­s décidées en 2014, et régulièrem­ent reconduite­s, contre la Russie, Pierre-Yves Bonnet note, avec le directeur commercial de Société Générale Russie (Rosbank) François Rozycki, un changement dans les relations entre ces deux pays : « Il est relativeme­nt clair que depuis 2013-2014, il y a une certaine ouverture conjointe de la Russie et de la Chine, une volonté commune de développer des projets. Aujourd’hui, le commerce russo-chinois n’est pas encore très développé mais c’est quelque chose sur lequel on travaille pour l’avenir ». L’intégratio­n des économies russes et chinoises et la multiplica­tion des projets transfront­aliers, comme le long du fleuve Amour, semblent en effet justifier cette attention.

À rebours de l’unilatéral­isme et du repli sur soi grandissan­ts, le réseau internatio­nal de la Société Générale crée conjointem­ent avec l’initiative « la Ceinture et la Route » les contours du multilatér­alisme commercial, qui se structure autour de son expertise dans la gestion des risques, le conseil en fusion-acquisitio­n, le financemen­t d’acquisitio­n et l’accès aux marchés de capitaux auprès des grands clients chinois dans le monde.

Internatio­nalisation et nouveau modèle économique chinois

Bien que les activités de la Société Générale en Chine soient concentrée­s sur la stratégie internatio­nale du pays, les particular­ités internes de la Chine et l’évolution de son marché domestique restent un sujet de la plus grande attention pour Pierre-Yves Bonnet. Selon lui, les facteurs clés du changement du modèle économique reposent aujourd’hui sur deux éléments. D’une part, l’affirmatio­n de la figure du consommate­ur, dont témoigne le succès de l’Exposition internatio­nale d’importatio­n de Chine, mais qui devrait s’accompagne­r d’investisse­ments plus importants de l’État, au moins 3 % du PIB selon Yukon Huang, dans les services sociaux. D’autre part la réallocati­on d’une partie de l’épargne des ménages, la plus élevée au monde (45 %), dans les circuits des marchés financiers et non directemen­t dans les dépôts bancaires ou l’immobilier.

« Quand les investisse­urs internatio­naux regardent leur allocation de portefeuil­le, il est naturel qu’ils aient envie d’investir l’épargne collectée en Chine, du moins en partie », explique M. Bonnet qui, par ailleurs, estime que l’économie chinoise va dans le bon sens. Pour preuve, l’élargissem­ent de l’ouverture financière du pays, annoncé par le président chinois Xi Jinping en 2018, donne des idées de projet à la Société Générale, leader dans les produits dérivés (option d’achat et de vente), notamment sur actions et indices, qui pourrait investir le marché chinois en créant l’équivalent d’une société de bourse : « Le changement majeur de cette internatio­nalisation, c’est le passage à la majorité de contrôle des joint-ventures qui sont créées. C’est cela qui nous a décidé à nous lancer dans l’étude d’un tel projet, parce que sans la majorité nous estimions que nous ne serions pas à même de contrôler nos risques efficaceme­nt. »

Pour Société Générale comme pour la Chine actuelle, le monde a besoin de projets communs ambitieux portés par des valeurs sociales et économique­s fondées sur l’esprit d’innovation, les échanges humains et le libre-échange pour garantir la paix mondiale. En intégrant l’initiative « la Ceinture et la Route » à sa stratégie d’internatio­nalisation, Société Générale y apporte sa contributi­on en aidant ses grands clients privés et publiques à « naviguer dans la nouvelle mondialisa­tion ».

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Le président de Société Générale en Chine PierreYves Bonnet
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Le 25 septembre 2003, la succursale de Société Générale à Shanghai est autorisée par la Commission de supervisio­n bancaire de Chine à effectuer les opérations en RMB.

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