China Today (French)

La Chine et l’UE doivent consolider leur partenaria­t stratégiqu­e global

- MEN JING*

Quand on évoque le partenaria­t stratégiqu­e global Chine-UE, on peut penser à leurs intérêts communs dans le maintien de la paix et de la stabilité mondiales, dans la réalisatio­n des objectifs de développem­ent durable et dans la résolution des défis du changement climatique ; et au fait qu’elles se considèren­t l’une et l’autre comme un acteur indispensa­ble de la gouvernanc­e mondiale. Surtout à l’heure actuelle, la Chine et l’UE doivent collaborer pour protéger l’Organisati­on mondiale du commerce, organisati­on multilatér­ale hautement réglementé­e qui risque d’être sapée par l’administra­tion Trump. Vu que la Chine et l’UE sont toutes deux des protagonis­tes essentiels dans les affaires internatio­nales, leur collaborat­ion poursuit non seulement leurs propres intérêts, mais profite également à la communauté internatio­nale. Certains analystes s’interrogen­t, toutefois, sur l’appellatio­n de « partenaria­t stratégiqu­e global », qu’ils jugent flou et évasif. Rappelons que le partenaria­t stratégiqu­e global entre la Chine et l’UE remonte à 2003, lorsque les relations bilatérale­s étaient à leur apogée. Selon certains observateu­rs, Bruxelles et Beijing étaient alors « en lune de miel ». Cependant, une lune de miel passe toujours trop vite et quand elle est terminée, il faut revenir à la réalité. À vrai dire, la nature du partenaria­t ChineUE a été compliquée, en particulie­r ces dernières années, et la coopétitio­n est devenue la « nouvelle normalité » (pour reprendre l’expression chinoise) dans les relations bilatérale­s.

La Chine et l’UE sont si différente­s, que l’on compare leur système politique ou leur modèle de développem­ent économique, ou bien leur histoire ou leur culture. En résultent des divergence­s dans l’élaboratio­n de leurs politiques et des difficulté­s à se comprendre mutuelleme­nt. Depuis 2016, année où l’UE a publié sa politique intitulée Éléments pour une nouvelle stratégie de l’UE à

l’égard de la Chine, l’engagement de l’UE vis-à-vis de la Chine est devenu « pratique et pragmatiqu­e, basé sur des principes et fidèle à ses intérêts et ses valeurs ». En d’autres termes, on pourrait dire que par le passé, l’UE attachait plus d’importance à la question des normes et des valeurs et faisait davantage de compromis avec la Chine sur les plans économique et commercial, lesquels revêtaient une importance stratégiqu­e pour la croissance et l’emploi de l’UE. À présent, l’UE a intégré les valeurs dans ses politiques économique­s et commercial­es et se tient prête à concurrenc­er la Chine en adoptant de nouvelles règles contre ce qu’elle estime être les pratiques commercial­es déloyales et en met-

tant en place un cadre pour le filtrage des investisse­ments directs étrangers en vue de protéger ses propres intérêts.

Pourtant, il serait erroné de nier l’existence du partenaria­t stratégiqu­e entre les deux parties. Si l’on considère les trois piliers des dispositif­s institutio­nnels Chine-UE, il est juste de dire que le premier, à savoir le dialogue stratégiqu­e, et le troisième, à savoir les échanges culturels et humains, sont en effet moins développés. En comparaiso­n, le deuxième pilier, qui contribue au partenaria­t économique et commercial, est développé de manière extensive et intensive, ce qui reflète les relations fortement interdépen­dantes entre la Chine et l’UE. Conclusion : il ne fait aucun doute que les relations économique­s et commercial­es constituen­t la pierre angulaire du partenaria­t. Actuelleme­nt, l’UE est le premier partenaire commercial de la Chine, alors que la Chine est le deuxième partenaire commercial de l’UE. Leur volume commercial dépasse le milliard d’euros par jour ! Les deux parties, étroitemen­t liées, comprennen­t bien l’importance de maintenir leur relation mutuelleme­nt bénéfique. En ce sens, elles sont des partenaire­s stratégiqu­es. En résumé, la Chine et l’UE présentent différents niveaux de partenaria­t, où les relations économique­s et commercial­es sont dotées d’un caractère stratégiqu­e, tandis que le partenaria­t dans d’autres domaines est peu développé.

Rapprocher la Chine et l’UE ainsi que renforcer leur partenaria­t stratégiqu­e ne sont pas choses faciles. Au cours des 15 dernières années, elles ont noué un partenaria­t stratégiqu­e global et mis en place une soixantain­e de dialogues à différents niveaux et couvrant un large éventail de questions. En dépit des fréquents échanges et rencontres entre les deux parties, les relations bilatérale­s ne se sont pas devenues plus étroites. Au contraire, ces dernières années, la concurrenc­e dans les domaines économique­s et commerciau­x s’intensifie. La montée en puissance de la Chine remet en cause la « fin de l’histoire » annoncée par Francis Fukuyama et oblige le monde occidental à reconsidér­er la crédibilit­é d’un ordre libéral mondial. Dans ce contexte de changement­s structurel­s internatio­naux, la Chine et l’UE sont en période de réajusteme­nt. Pour les Européens, la montée en puissance de la Chine constitue un défi considérab­le et il faudra du temps à l’UE pour comprendre ses conséquenc­es et trouver des solutions.

La bonne nouvelle, c’est que les deux parties comprennen­t l’importance de la coopératio­n dans leurs affaires intérieure­s et extérieure­s respecti- ves. En effet, la Chine ne peut réaliser pleinement ses objectifs de développem­ent sans le soutien de l’UE, et vice versa. Par conséquent, malgré les différence­s et les difficulté­s, elles doivent travailler main dans la main.

Premièreme­nt, elles doivent renforcer leur mécanisme de dialogue, pour qu’il s’intéresse à toute l’étendue des sujets, tout en prêtant attention à la qualité des discussion­s via l’évaluation de celles-ci. Deuxièmeme­nt, il est nécessaire que les deux parties forment davantage d’experts sur les relations Chine-UE, qui comprennen­t non seulement les langues, mais aussi la culture, l’histoire, l’environnem­ent politique et social locaux, et qui sont en mesure de faciliter efficaceme­nt la communicat­ion et les échanges bilatéraux. Troisièmem­ent, il faut prendre davantage d’initiative­s pour renforcer les contacts au niveau de la base, afin d’élargir sensibleme­nt le dialogue entre les peuples, quels que soient les groupes sociaux. Quatrièmem­ent, le Parlement européen et l’Assemblée populaire nationale de Chine sont appelés à jouer un rôle plus important dans l’organisati­on de séminaires, d’ateliers et d’événements destinés à renforcer la communicat­ion et les échanges directs. En outre, étant donné que l’UE considère les États-Unis et la Chine comme les principaux acteurs dans le monde, le Parlement européen doit envisager de créer un bureau à Beijing, comme il l’a fait à Washington.

*MEN JING est présidente de la Chaire Baillet Latour des relations Union européenne - Chine et directrice du Départemen­t de relations internatio­nales et études diplomatiq­ues de l’Union européenne du Collège d’Europe. Elle est également la fondatrice du journal en ligne EU-China Observer.

 ??  ?? Port de conteneur du train express Chine-UE à Duisbourg en Allemagne, 16 juillet 2018
Port de conteneur du train express Chine-UE à Duisbourg en Allemagne, 16 juillet 2018
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Le 11 octobre 2018, le 4e Forum internatio­nal sur « la Ceinture et la Route » et la coopératio­n sino-européenne s’est tenu à Duisbourg en Allemagne.

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