China Today (French)

Promouvoir la réforme de l’OMC : un devoir impérieux pour la Chine

- YAO LING*

En qualité de leader du commerce des marchandis­es et de première économie en développem­ent dans le monde, la Chine est tenue de contribuer à la réforme de l’Organisati­on mondiale du commerce (OMC) et de la promouvoir activement pour que ses institutio­ns puissent mieux répondre aux besoins réels du développem­ent économique et commercial global, en favorisant toujours plus la croissance mondiale et les échanges commerciau­x.

Une situation d’urgence résultant de causes extérieure­s

Depuis sa création en 1995, l’OMC joue un rôle irremplaça­ble dans le maintien d’un environnem­ent commercial libre et équitable à l’échelle mondiale, soutenant la croissance du commerce internatio­nal et donnant aux économies émergentes et en développem­ent les moyens de progresser. En ce qui concerne le maintien d’un environnem­ent commercial libre et équitable, selon les données de l’OMC, fin 2017, les membres de l’organisati­on ont porté en justice 308 différends commerciau­x et constitué un groupe d’experts ; parmi ces différends, 156 ont été soumis à l’Organe d’appel et ont donné lieu à des rapports d’arbitrage. Entre les économies développée­s et celles en développem­ent, la proportion de procédures engagées était alors de trois sur deux. Pour ce qui est de l’action stimulante de l’OMC sur le commerce internatio­nal, notons que les exportatio­ns mondiales de marchandis­es ont été multipliée­s par 4,1 entre 1994 et 2017, une augmentati­on plus rapide que celle enregistré­e par l’économie mondiale (multipliée par 2,9 fois) sur la même période. Quant au commerce extérieur, il a connu un essor rapide dans les économies émergentes et en développem­ent : leur poids dans les exportatio­ns mondiales est passé de 27,3 %

Depuis sa création en 1995, l’OMC joue un rôle irremplaça­ble dans le maintien d’un environnem­ent commercial libre et équitable à l’échelle mondiale.

à 47,8 %. Et bien que la part des pays les moins avancés dans les exportatio­ns mondiales n’ait pas beaucoup bougé, la valeur de leurs exportatio­ns a été multipliée par neuf au minimum.

Cependant, frappée de plein fouet par l’unilatéral­isme et le protection­nisme ambiants, l’OMC, organisati­on fondée sur le multilatér­alisme et des règles, est confrontée aujourd’hui à une situation plus grave que jamais.

Premièreme­nt, la menace de voir son Organe d’appel paralysé se fait sentir. L’OMC assume trois fonctions principale­s, à savoir le règlement des différends, les négociatio­ns commercial­es ainsi que la mise en oeuvre et le suivi. Parmi elles, le mécanisme d’appel en matière de règlement des différends est considéré comme l’outil suprême de l’OMC pour résoudre les désaccords en vertu de règles, assurant ainsi aux économies développée­s et en développem­ent un environnem­ent d’affaires équitable au sein du système commercial multilatér­al étendu à tout le globe. Cependant, dès 2017, ce mécanisme a subi une crise, la plus grave depuis sa mise en place, et si la situation n’est pas rétablie à temps, il risquerait de se retrouver paralysé dès la fin de 2019. Selon les règles de l’OMC, l’Organe d’appel est composé de sept pays membres. Une fois qu’un différend commercial est transmis en procédure d’appel, un groupe d’arbitrage formé de trois membres est requis. Mais à cause de l’obstructio­n des États-Unis, cet organisme n’est plus en mesure d’amorcer la sélection de nouveaux membres depuis 2017. Résultat : il ne reste aujourd’hui que trois membres, parmi lesquels deux arriveront au terme de leur mandat en décembre 2019. Et si les juges ne sont pas renouvelés au premier semestre 2019, l’Organe d’appel sera paralysé.

Deuxièmeme­nt, les négociatio­ns commercial­es multilatér­ales évoluent péniblemen­t. L’Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce (GATT), conclu après la Seconde Guerre mon-

diale, a été le prédécesse­ur de l’OMC. À l’origine, il s’agissait d’une organisati­on internatio­nale établie par les économies développée­s aux fins de négociatio­ns tarifaires, où les économies en développem­ent étaient peu représenté­es. Mais depuis la création de l’OMC, née à l’occasion des négociatio­ns du cycle d’Uruguay, les économies en développem­ent ont considérab­lement accru leur participat­ion aux délibérati­ons commercial­es, que ce soit en tant qu’initiateur­s des négociatio­ns ou en tant que nouveaux membres. En raison du grand nombre de participan­ts aux négociatio­ns, de la différenci­ation des demandes en fonction des économies et du principe de consensus par voie de consultati­on adopté par l’OMC, les négociatio­ns du cycle de Doha promues par l’OMC après sa fondation ont eu du mal à progresser, ce qui a sérieuseme­nt nui à la fonction de négociatio­n de l’organisati­on.

Troisièmem­ent, l’unilatéral­isme et le protection­nisme s’intensifie­nt. Après la crise financière internatio­nale, l’économie mondiale s’est redressée lentement ; parallèlem­ent, le commerce mondial était à son niveau plus bas. La morosité économique a alors alimenté l’appel au protection­nisme. La libéralisa­tion du commerce et la mondialisa­tion économique ont été davantage remises en question au sein des économies développée­s, où le commerce a commencé à être vu comme le garant de la sécurité nationale et du nationalis­me écono- mique, une idée qui a conquis un plus grand nombre d’électeurs. Dans ce contexte, après sa prise de fonction aux États-Unis, le président Trump a appliqué son slogan de campagne « l’Amérique d’abord » à tous propos. Par exemple, les étatsUnis se sont retirés de plusieurs accords multilatér­aux ou d’organisati­ons internatio­nales au motif qu’ils ou qu’elles n’étaient pas conformes aux intérêts américains, dont l’Accord de Paris et l’Union postale universell­e. Sous prétexte de sécurité nationale, ils ont imposé unilatéral­ement des droits de douane supplément­aires sur des produits importés, provoquant ainsi une guerre commercial­e. Menaçant de dissoudre l’Accord

de libre-échange nord-américain (ALENA), les états-Unis ont contraint le Canada et le Mexique à signer un nouvel accord commercial tripartite. Qui plus est, ils ont menacé de taxer de façon plus importante certaines automobile­s importées, avec cette fois-ci dans leur viseur : l’UE, le Japon, la Corée du Sud et d’autres alliés. En agissant au détriment d’autrui et en recourant à la force plutôt qu’aux règlementa­tions, les États-Unis ont entrepris des actions commercial­es unilatéral­es qui ont peut-être protégé leurs propres intérêts, mais qui ont surtout porté atteinte aux piliers du système commercial multilatér­al, désormais au bord de l’effondreme­nt.

Les besoins inhérents au développem­ent de la Chine

Dans le rapport du XIXe Congrès du Parti communiste chinois (PCC), le secrétaire général Xi Jinping a souligné que « le socialisme chinois est entré dans une nouvelle ère ». Il s’agit d’« une ère où la Chine s’avance vers le devant de la scène internatio­nale et apporte une plus grande contributi­on à l’humanité ». Dans la conjonctur­e actuelle, la Chine doit considérer activement la réforme de l’OMC et y participer, afin de proposer une solution chinoise pour la constructi­on du système commercial mondial.

La Chine ne peut se développer que dans un environnem­ent commercial internatio­nal inclusif et ouvert. Selon le rapport du XIXe Congrès du PCC qui a eu lieu en octobre 2017, jusqu’à 2020, nous sommes à l’étape décisive de l’édificatio­n intégrale de la société de moyenne aisance. La Chine a divisé en deux phases la période allant de 2020 au milieu de ce siècle : dans un premier temps, elle réalisera l’essentiel de la modernisat­ion socialiste et, dans un second temps, elle édifiera un grand pays socialiste

moderne dans tous les domaines. Déjà, l’économie chinoise est passée d’une croissance rapide à un développem­ent axé sur la qualité. Il convient dorénavant de mettre en place un système économique moderne, mais également de mener à bien trois grandes batailles, à savoir la prévention et l’atténuatio­n des risques majeurs, l’éliminatio­n ciblée de la pauvreté et la lutte contre la pollution environnem­entale.

Bien que la demande intérieure ait contribué à l’économie nationale à hauteur de 91 %, il est encore nécessaire de valoriser davantage le rôle moteur que joue le développem­ent stable du commerce extérieur pour l’économie. L’UE et les États-Unis sont nos principaux partenaire­s commerciau­x, 35,4 % des exportatio­ns chinoises étant dirigées vers ces deux régions. Contrairem­ent aux États-Unis qui ont opté pour l’unilatéral­isme et le protection­nisme, la grande majorité des économies du monde, dont l’UE, continuent de soutenir le système commercial multilatér­al fondé sur le libre-échange et des règles. Dans un contexte de guerre commercial­e entre la Chine et les États-Unis, il est essentiel de promouvoir la réforme de l’OMC pour qu’elle préserve toute sa légitimité et toute son efficacité. Telle est la clé pour garantir la stabilité de l’environnem­ent du commerce extérieur chinois.

Pour que la Chine puisse atteindre son objectif de construire une puissance commercial­e, un plus grand dispositif internatio­nal

est requis. Depuis 2013, année où le président Xi Jinping a avancé l’initiative « la Ceinture et la Route », la Chine s’attache résolument au principe dit de « concertati­on, synergie et partage » pour faire progresser la coopératio­n avec les pays riverains asiatiques, africains et européens. Cette coopératio­n est caractéris­ée par la coordinati­on politique, l’interconne­xion des infrastruc­tures, la facilitati­on du commerce, l’intégratio­n financière et la communicat­ion d’esprit entre les peuples. Cette initiative a été accueillie avec enthousias­me dans de différents pays. Via la création de la Banque asiatique d’investisse­ment pour les infrastruc­tures et du Fonds pour la Route de la Soie, sur l’initiative de la Chine, ainsi que via l’intégratio­n des stratégies de développem­ent avec les pays situés le long de « la Ceinture et la Route » et la promotion de la constructi­on de six corridors économique­s, la constructi­on conjointe de « la Ceinture et la Route » est devenue un important mécanisme de coopératio­n internatio­nale, et ce en seulement cinq ans. Grâce à la large participat­ion des divers pays, dont l’influence dépasse les sphères du commerce et de l’investisse­ment pour s’étendre aux dimensions environnem­entale, culturelle et sociale, se forme peu à peu un ensemble de relations bilatérale­s et multilatér­ales aux traits distinctif­s, bénéfiques pour tous et propices au développem­ent inclusif à l’échelle de la planète.

L’initiative « la Ceinture et la Route », propositio­n chinoise ayant pour objectif de stimuler le développem­ent économique mondial, a contribué à la coopératio­n mutuelleme­nt bénéfique, à la fois pour la Chine et pour les pays riverains. Quant à la réforme de l’OMC, reposant sur des valeurs fondamenta­les telles que l’ouverture, l’inclusivit­é et la non-discrimina­tion, dès lors qu’elle s’appuie sur une plate-forme plus large ou véritablem­ent multilatér­ale, il se peut qu’elle amorce un nouveau cycle de croissance du commerce mondial, ce qui sera favorable au développem­ent de la Chine.

*YAO LING est directrice adjointe du Bureau de l’Europe à l’Académie du commerce internatio­nal et de la coopératio­n économique relevant du ministère du Commerce.

Il est essentiel de promouvoir la réforme de l’OMC pour qu’elle préserve toute sa légitimité et toute son efficacité.

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Zone de l’intelligen­ce artificiel­le et des équipement­s haut de gamme lors de la première édition de l’Exposition internatio­nale d’importatio­n de Chine à Shanghai, en novembre 2018

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