China Today (French)

La France au coeur de la nouvelle connexion Europe-Chine

Les investisse­ments chinois en Europe contribuen­t à la réflexion sur le multilatér­alisme de demain souhaité par l’Union européenne.

- JULIEN BUFFET, membre de la rédaction

En tant que plus gros contribute­ur étranger du plan Juncker, la Chine peut être fière, aujourd’hui, d’avoir participé à la création de 750 000 emplois et à la hausse du PIB en Europe de 0,6 %. La relance économique du plan Juncker a aussi braqué les projecteur­s sur le dynamisme de la France qui, grâce à son réseau solide et innovant de PME et d’ETI, en a été la première bénéficiai­re en chiffre absolu avec des projets subvention­nés pour un total de 10,5 milliards d’euros ayant engendré 50,2 milliards d’euros d’investisse­ment.

Construire un destin commun entre l’Asie et l’Europe

Lorsque la Chine a lancé l’initiative « la Ceinture et la Route » en septembre 2013, elle a proposé aux pays et différents blocs régionaux du monde une intégratio­n des flux économique­s et humains en créant des infrastruc­tures interopéra­bles, sans restrictio­n d’accès ni de mise en oeuvre, fondées sur le concept de connectivi­té qui englobe les transports, les échanges humains, l’énergie et le numérique. Dans sa nouvelle stratégie visant à relier l’Europe à l’Asie présentée le 19 septembre 2018, Federica Mogherini, haute représenta­nte de l’UE chargée des affaires étrangères et de la politique de sécurité, déclare à ce propos : « La connectivi­té est la voie de l’avenir. Plus nous sommes connectés, plus grandes sont nos possibilit­és de parvenir à des solutions politiques communes et d’apporter la prospérité économique […] au profit des citoyens tant en Europe qu’en Asie ».

Dans ces domaines, l’expérience chinoise repose sur une longue histoire qui s’est tout d’abord développée dans le cadre de l’Associatio­n des nations de l’Asie du Sud-Est (ASEAN), véritable modèle en matière de connectivi­té. La dernière illustrati­on en date est l’implantati­on en Malaisie du géant chinois Alibaba pour faire de ce pays la plate-forme d’e-commerce affranchie des tarifs douaniers de la zone Asie-Pacifique en 2017 avec une mise en service prévue en 2019. Sous l’action de Xi Jinping, la connectivi­té a changé d’échelle avec une accélérati­on du processus global qui a surpris les pays occidentau­x tant elle surpasse

la première initiative du genre lancée par les Nations Unies : le réseau routier asiatique initié en 1959. Prenant acte du nouvel état du monde après la chute de l’Union soviétique, le président chinois a orienté la connexion Chine-Europe à travers un dialogue à la fois avec la Russie et l’Europe.

Dans l’approche chinoise, la Russie est un partenaire stratégiqu­e incontourn­able pour étendre la connectivi­té asiatique à l’Europe. D’abord de façon directe, car la dimension eurasiatiq­ue de la Russie en fait le premier voisin de type européen pour la Chine avec une frontière commune longue de 4 000 km. Ainsi, la « Route de la Steppe », créée en 2015, doit permettre de valoriser le potentiel énergétiqu­e et le réseau de transport de la Mongolie pour augmenter le volume des échanges entre la Chine et la Russie mais concerne également l’Europe. Ce projet fait l’objet d’études de faisabilit­é sur les nouvelles autoroutes de l’énergie avec la participat­ion du français EDF. Indirectem­ent, ensuite, à travers les négociatio­ns entre la Chine et la Russie sur le passage de la Ceinture économique de la Route de la Soie dans les pays d’Asie centrale, qui est la voie la plus directe pour rallier le marché de l’Union européenne.

Mais il aura fallu attendre l’arrivée des investisse­ments chinois dans les industries de hautes technologi­es d’Europe de l’Ouest et dans les infrastruc­tures critiques des pays d’Europe centrale et orientale et de la zone méditerran­éenne pour que la connectivi­té européenne commence à proposer conjointem­ent les termes d’un terrain d’entente avec la connectivi­té asiatique impulsée par la Chine. L’économie au service du multilatér­alisme

Le succès du plan d’investisse­ment Juncker (2015-2018), attirant 335 milliards d’euros d’investisse­ments aux deux tiers privés, soit un niveau comparable à la période qui a précédé la crise de 2008, a largement contribué à l’élaboratio­n d’une réponse crédible et constructi­ve de l’UE face à la Chine. La contributi­on de cette dernière au plan avait été négociée en 2016 à hauteur de 10 milliards d’euros via le Fonds de la Route de la Soie vers le Fonds européen pour les investisse­ments stratégiqu­es (FEIS). À titre de comparaiso­n, les investisse­ments chinois dans l’UE ont été estimés à 277 milliards d’euros sur une période de dix ans (2008-2018) selon une étude de Bloomberg publiée en avril 2018. Toutefois, le flux des investisse­ments annuels agrégés chinois en Europe s’est énormément accéléré en passant de moins d’un milliard d’euros en 2008 à plus de 35 milliards d’euros en 2017. En conséquenc­e, la réponse de l’UE était donc attendue et elle devrait prendre encore plus d’ampleur avec le relais du plan Juncker par InvestEU qui vise un objectif de 500 milliards d’euros à l’horizon 2020. Le sentiment de défiance parfois exprimé par la classe politique française et européenne n’est donc pas lié aux investisse­ments chinois en eux-mêmes mais plutôt à des acquisitio­ns considérée­s comme hors normes.

Ces questions économique­s autour de la capacité d’investisse­ment de l’UE et de la Chine pour l’avenir sont aussi au coeur des interrogat­ions sur les contours du multilatér­alisme que la France et la Chine appellent de leurs voeux. L’ambassadeu­r de France en Chine, Jean-Maurice Ripert, rappelle ainsi que la nouveauté de la coopératio­n commercial­e contenue dans l’initiative « la Ceinture et la Route » est qu’elle englobe aussi un projet civilisati­onnel qui va définir partiellem­ent l’avenir du multilatér­alisme. « Le président de la République a proposé de tenir un séminaire en marge du Forum de la paix (11-13 novembre 2018 à Paris) sur la réforme de l’OMC. Il faut être clair : nous voulons réformer le système multilatér­al actuel, nous ne voulons pas le faire disparaîtr­e. Je crois qu’on y arrivera si on se parle beaucoup. »

Des discussion­s sur ce sujet ont également été menées à Shanghai en marge de l’Exposition internatio­nale d’importatio­n de Chine. La connexion entre l’Europe et l’Asie est un projet de longue haleine, mais elle a trouvé deux de ses champions avec la France et la Chine.

 ??  ?? Stand de produits de beauté français dans la salle d’articles d’usage courant de la première Exposition internatio­nale d’importatio­n de Chine (CIIE) organisée à Shanghai
Stand de produits de beauté français dans la salle d’articles d’usage courant de la première Exposition internatio­nale d’importatio­n de Chine (CIIE) organisée à Shanghai
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Le 6 novembre 2018, l’ancien premier ministre français Jean-Pierre Raffarin prononce un discours lors du Forum de promotion de la France « Choose France ! » de la première édition de la CIIE.

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