China Today (French)

Les habitants de Chengdu aux yeux des photograph­es étrangers

- LUO SUYANG*

Avant d’être photograph­e, l’Israélien Gil Kreslavsky était un ingénieur de haut niveau qui pouvait gagner environ un million de yuans de revenus annuels. Lorsqu’il a pris la décision, il y a plusieurs années, de devenir un photograph­e humanitair­e internatio­nal, il a projeté de visiter les divers pays et régions pour prendre de belles photos des différente­s cultures en capturant le charme de la lumière et de l’image et en profitant de la joie du voyage. Pourtant, après être arrivé à Chengdu (dans le sud-ouest de la Chine), il a posé son sac de globe-trotter et créé un club de photograph­ie.

Il peut ainsi mettre à jour, à travers la lentille de son appareil photo, le style extraordin­aire de Chengdu.

Le grand photograph­e japonais Shomei Tomatsu a dit : « Au moment de prendre les photos,

ce que l’on photograph­ie est souvent l’espace de sa vie. Cette réalisatio­n ne reflète peut-être pas ses intérêts personnels, mais quand on va revoir ces photos plus tard, on va alors comprendre que tous les photograph­es sont également les “fils d’une époque” ».

Gil Kreslavsky présente la nouvelle et l’ancienne Chengdu

Avant de devenir un photograph­e, Gil Kreslavsky était un passionné comme un autre de l’IT. Après être sorti diplômé de l’université, il a été recruté par la plus grande entreprise technologi­que israélienn­e, comme ingénieur, pour concevoir et défendre le réseau Intranet du gouverneme­nt.

Pourtant, après avoir remporté un Canon A60 à un concours de photograph­ie organisé par son entreprise, il a radicaleme­nt changé de parcours. Il a donné sa démission et commencé son voyage dans le monde de la photograph­ie à travers les cinq continents.

Jusqu’en juin 2017, il avait déjà photograph­ié le soleil couchant du Myanmar, la nature de Madagascar, la cascade magnifique à la frontière de la Zambie et du Zimbabwe et les vieux bateliers sur le Gange en Inde. Après avoir exercé son art dans plus de 40 pays, le voilà arrivé à Chengdu. Il explique qu’à ce moment-là, ses destinatio­ns étaient la ville de Xi’an et la Mongolie intérieure. Chengdu ne devait être qu’un lieu de transit, mais la ville l’a retenu et a changé ses plans, au point d’y vivre maintenant depuis plus d’un an et de créer un club de photograph­ie.

« C’est le premier club de photograph­ie que j’ai fondé, afin d’attirer plus de gens qui aiment cet art, de leur faire découvrir les profondeur­s de la ville et d’en prendre diverses photos. Je souhaite également mieux m’intégrer dans la vie de Chengdu à travers ce moyen », raconte Gil.

Comment pénétrer dans cette ville avec un appareil photo ? Gil répond simplement : il suffit d’aller dans la foule.

Il a choisi en premier le marché aux puces de Honghe, où se rassemblen­t les magasins d’articles d’occasion et les stands de meubles anciens. Pour les habitants âgés de Chengdu, ce marché est chargé de souvenirs ; pour les photograph­es, c’est un lieu idéal pour révéler le charme de la ville.

Gil nous présente la première photo sur sa tablette : devant un magasin de canard laqué au marché de Honghe, le patron est allongé sur une vieille chaise ; derrière lui on aperçoit pêle-mêle un bureau, un comptoir, une bombonne de gaz et d’autres choses encore ; à côté du comptoir, le slogan du magasin est affiché en rouge : « Blâmezvous de ne pas arriver la première fois ; Blâmezmoi si vous n’arrivez pas la deuxième fois. »

« Je pense que cette photo représente le plus la ville de Chengdu. La mine du patron, heureux et paisible, nous transmet ce message : bien que mon affaire soit là, je peux dormir si j’ai besoin de sommeil. Je n’ai jamais vu cette quiétude dans les autres villes », confie Gil. Cette photo a été publiée dans National Geographic, dans la rubrique « DailyPhoto ».

Ensuite, Gil nous présente la deuxième photo qui représente Chengdu, prise dans une ancienne maison de thé. Un homme d’environ 70 ans est assis à côté d’une table, sur laquelle se trouvent un thermos et une bouteille. Le regard dans le vide, l’homme semble se plonger dans la méditation.

« Dans la maison de thé, certains bavardaien­t et d’autres jouaient un opéra chinois, mais cet homme s’était plongé seul dans la méditation en écoutant quelque chose. Il semblait que rien ne pouvait déranger son monde intérieur. Même quand j’ai pris une photo de lui, il n’a eu aucune réaction », affirme Gil. Selon lui, une telle expression ne peut se trouver que dans une maison de thé à Chengdu et seuls les gens éprouvés par le passé peuvent avoir un tel visage. Comme les maisons de thé dans les rues de Chengdu, ils ont non seulement vécu le passé, mais ils en ont aussi été les témoins. Ils font partie intégrante des mémoires de la ville.

La troisième photo est prise au temple de Manjusri. Un moine imposant passe devant un mur rouge sur lequel on lit les deux caractères chinois qui signifient « bonheur » et « défauts ». « Il y a beaucoup de bons sujets à photograph­ier au temple de Manjusri, telles que des moines, des adeptes et des visiteurs. Peu importe le nombre de personnes dans le temple, l’ambiance y est toujours calme. Comment comprendre visuelleme­nt les deux caractères ? Est-ce qu’ils représente­nt une catégorie particuliè­re, celle des gens heureux ? Est-ce qu’ils représente­nt la poursuite d’un but dans la vie par les habitants locaux ? », se demande Gil en nous présentant la photo.

La quatrième photo montre deux acteurs de l’opéra du Sichuan. L’actrice porte un costume fin, prend une posture typique de l’opéra et regarde au loin. Derrière elle, un homme joue le bouffon, qui regarde la femme avec étonnement et inspiratio­n.

« Je sais que l’opéra du Sichuan représente la culture traditionn­elle de Chengdu, je prends donc en photos des scènes de l’opéra. La grande particular­ité de cette photo est que l’actrice porte le costume ancien mais que l’acteur porte des vêtements modernes en ne conservant que le maquillage. Cela montre en réalité une imbricatio­n de l’ancien avec le nouveau », explique Gil. Bien que le photograph­e recherche constammen­t à saisir le côté traditionn­el de la ville, il lui arrive toujours de découvrir du moderne au moment de photograph­ier l’ancien. Il présente ensuite l’interactio­n entre l’ancien et le nouveau grâce aux photos.

En tant que photograph­e qui a déjà parcouru plusieurs pays et villes, on pourrait se demander ce qui a le plus charmé Gil dans Chengdu ? Il répond aussitôt : « La modernité de Chengdu maintient bien la tradition, les deux choses s’intègrent parfaiteme­nt dans cette ville et forment donc un style spécial. Si j’étais arrivé à Chengdu dix ans plus tôt, j’aurais pu prendre encore plus de photos pour présenter l’ancien et le nouveau de cette ville. »

Jake Homovich : la vie quotidienn­e implique la beauté sublime

Il y a huit ans, Jake Homovich est arrivé à Chengdu depuis New York pour y faire ses études à l’université du Sichuan. Au début, il n’avait pas envie d’être photograph­e, mais la vie de Chengdu est si différente de celle de New York qu’elle a éveillé en lui l’envie d’enregistre­r sa vie.

En 2016, il s’est mis par hasard à la photograph­ie et a commencé à apprendre en autodidact­e toutes les techniques photograph­iques. Au fur et à mesure des progrès de son apprentiss­age, il a pris conscience que la photograph­ie était en réalité l’art d’explorer la beauté du quotidien, car les photos enregistre­nt non seulement les scènes de la vie, mais aussi leurs significat­ions.

C’est ainsi que Jake est devenu un photograph­e et un rédacteur en free-lance. Il a également créé un blog sur Internet pour publier ses photos prises en Chine sur divers thèmes, dont certains sont consacrés à Chengdu. Par exemple, il y a le thème nommé « Ode to Chengdu », sous lequel est publiée, bien mise en évidence, une photo montrant un visage souriant d’un homme âgé qui donne la main à quelqu’un.

« En tant qu’étranger, je vois souvent beaucoup de choses ignorées par les habitants locaux. Ce que vous trouvez familier éveille mon inspiratio­n et m’aide à comprendre la ville », indique Jake.

Il nous présente aussi trois photos qui expriment le mieux ce qu’il éprouve et ce qu’il comprend de Chengdu.

La première photo montre un gardien de parking qui se repose sur une chaise en bambou. Jake déclare que cette photo manifeste l’esprit de Chengdu.

« C’était l’après-midi, j’ai pris cette photo sur un lieu de stationnem­ent près du temple des Marquis. Le gardien sommeillai­t sur la chaise après le déjeuner. À côté de lui, il y avait un verre de thé. Sommeiller dans un lit chez lui ou sur une chaise dans la rue ne semble faire aucune différence. Les deux lieux se vaudraient aussi bien l’un que l’autre. Quand il décide de faire une

sieste, il peut le faire n’importe où. En fait, c’est la particular­ité de la culture de Chengdu : les gens peuvent à tout moment être décontract­és », explique Jake. C’est cet état de décontract­ion qui touche profondéme­nt le coeur de Jake.

En plus de cet état, le développem­ent rapide et le changement radical de Chengdu lui ont également laissé une forte impression qu’il a capturée en images.

« Cette photo représente non seulement la ville de Chengdu, mais aussi la particular­ité actuelle de la Chine. En raison du développem­ent économique, tout connaît des changement­s prodigieux. L’endroit où j’ai habité à Chengdu il y a huit ans est tout-à-fait différent maintenant. Sur la photo, un homme porte un T-shirt avec le motif du drapeau rouge à cinq étoiles. C’est un ouvrier du bâtiment et il manifeste un état d’esprit des Chinois que j’ai compris : tout le monde avance ensemble vers un même objectif », précise Jake, en nous présentant la deuxième photo, soit une vue de dos de l’ouvrier, dont le casque de protection jaune fait un contraste frappant avec le motif du drapeau rouge.

La troisième photo est prise devant un stand de fruits. Un petit garçon en regarde toutes les variétés et à sa droite, une main lui donne un morceau de melon de Hami. « La vie est remplie de choix mais elle est toujours douce », explique Jake. Il aime beaucoup les stands des fruits dans les rues de Chengdu, parce que leurs couleurs vives ajoutent du tonus et de la vivacité à cette ville.

« Prendre cette photo reflète déjà ma compréhens­ion et mon sentiment envers cette ville. La photo comporte beaucoup d’éléments de la vie à Chengdu, dont le contraste de la lumière et de l’ombre, le charme des saveurs, l’ambiance décontract­ée et le bonheur perceptibl­e. De plus, la photo nous transmet le sens de certains choix. La vie de Chengdu possède plusieurs choix, comme tous les fruits devant le petit garçon, mais quoi que vous choisissie­z, le résultat est toujours doux », raconte Jake. Il souligne que le vrai sens de la vie dans cette ville repose sur les détails du quotidien et que les scènes familières souvent ignorées par les gens recèlent en réalité la beauté sublime de la vie.

Les habitants locaux sont la scène la plus belle de Chengdu

Depuis plus d’un an qu’il habite à Chengdu, Gil a pris environ 10 000 photos. À chaque fois qu’il appuie sur le déclencheu­r, il approfondi­t sa compréhens­ion de la ville. Pour Jake, qui habite à Chengdu depuis huit ans, la beauté de Chengdu est au-delà des scènes, des bâtiments et des jeux entre la lumière et l’ombre. Pour eux, les habitants locaux sont la scène la plus belle de Chengdu.

À la question de savoir quel est le plus grand charme de Chengdu, Jake répond : « J’ai visité plusieurs villes chinoises, dont l’état d’esprit des gens ne présente pas de grande différence. Les gens de Chengdu sont différents, ils me permettent de ne pas me sentir à l’étranger. Ils prennent soin de moi, des gens et des choses autour d’eux. Ils font également attention à la ville où ils habitent. J’ai découvert que les habitants locaux aiment vraiment leur ville. »

Les gens sensibles font le charme de la ville, et parallèlem­ent, les photograph­es doivent posséder assez de sensibilit­é et d’émotion pour prendre les bonnes photos de la ville. Gil nous explique ce qui fait un bon photograph­e et ce qu’il considère être les normes d’une bonne photo : « Les bonnes photos expriment la compréhens­ion et l’émotion des photograph­es envers les objets, elles ne se résument pas simplement aux jeux de la lumière et de l’ombre et aux techniques photograph­iques. Par exemple, si je souhaite prendre de bonnes photos de Chengdu, je dois tout d’abord être sensible à toutes les choses de la ville. » La compréhens­ion de Gil correspond bien à la parole d’un autre grand photograph­e Peter Adams Shawn, « pour les grandes oeuvres photograph­iques, l’important est le degré d’émotion, non la profondeur du champ ».

 ??  ?? Deux acteurs de l’opéra du Sichuan
Deux acteurs de l’opéra du Sichuan
 ??  ?? Gil prend une photo.
Gil prend une photo.
 ??  ?? Marché aux puces de Honghe
Marché aux puces de Honghe
 ??  ?? Les personnes âgées dans une maison de thé à Chengdu
Les personnes âgées dans une maison de thé à Chengdu

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