China Today (French)

Zhang Chenggang : une nouvelle ère de l’innovation

- LI XIAYUN

Ces dernières années, l’indexation des traités scientifiq­ues chinois dans l’indice de citation SCI (Science Citation Index) a connu une croissance exponentie­lle. Selon les données, pour 2017, plus de 330 000 traités répertorié­s dans le SCI émanaient de chercheurs chinois, ce qui place la Chine à la deuxième place du monde à cet égard pour la 13e année consécutiv­e. Ce bon score témoigne des grands progrès et nombreuses percées accomplis par le pays dans la recherche scientifiq­ue. Dans le même temps, ces statistiqu­es reflètent l’intérêt profond que portent les chercheurs chinois à l’indice SCI.

10 traités ajoutés au SCI en un an

Zhang Chenggang est un scientifiq­ue spécialisé dans la recherche médicale, en poste à l’Institut de médecine militaire relevant de l’Académie des sciences militaires de Chine. Dès l’âge de 31 ans, il a fondé son laboratoir­e et à 35 ans, il a remporté le prix national des sciences naturelles et décroché une bourse spéciale attribuée par le Conseil des affaires d’État. Ses recherches impliquent plusieurs domaines, notamment la biochimie et la biologie moléculair­e, la génomique et la protéomiqu­e, la microbiolo­gie, la médecine, les neuroscien­ces, la psychologi­e, la bioinforma­tique et le bioélectro­magnétisme. Il compte déjà à son actif deux brevets internatio­naux PCT (Traité de coopératio­n en matière de brevets), 17 brevets d’invention de niveau national et 11 copyrights logiciels déposés en Chine. Sans conteste, Zhang Chenggang fait partie de ces scientifiq­ues talentueux, aux connaissan­ces interdisci­plinaires et à l’esprit innovateur.

M. Zhang participe également à des projets nationaux de recherche scientifiq­ue et la plupart de ses travaux sont répertorié­s dans le SCI. D’après lui, depuis la réforme et l’ouverture de la Chine, l’économie chinoise a connu un essor. Et la recherche scientifiq­ue a pour finalité principale de résoudre les défis concrets rencontrés au fil du développem­ent du pays. Par exemple, de 1978 à la fin des années 1980, l’objectif consistait à répondre à la demande de croissance, en partant de zéro. Par conséquent, les scientifiq­ues chinois choisissai­ent leurs sujets de recherche en fonction des besoins du pays. À cette époque-là, il était inconcevab­le d’évaluer les résultats des recherches scientifiq­ues en s’appuyant sur des normes internatio­nales.

Satisfaisa­nt les besoins réels de la nation chinoise, la recherche scientifiq­ue à cette période a soutenu la constructi­on du pays, le développem­ent économique et la revitalisa­tion de l’industrie. Mais l’absence d’un système d’évaluation objectif a conduit au fur et à mesure à des exagératio­ns, déformatio­ns et inexactitu­des au niveau des résultats. De fait, à la fin

des années 1980, à l’heure où la Chine évoluait vers l’économie du marché et s’ouvrait davantage au monde, la recherche scientifiq­ue chinoise a dû revoir ses exigences pour s’adapter à la nouvelle époque. Mettant de côté l’aspect quantitati­f, elle s’est mise à viser plutôt l’excellence des résultats de recherche et l’obtention d’une reconnaiss­ance internatio­nale. Dès lors, le système internatio­nal d’évaluation par les pairs (« Peer Review ») a été introduit dans le pays.

Pour les scientifiq­ues chinois, participer à des conférence­s internatio­nales, saisir toute occasion de parler de ses travaux et publier des traités indexés dans le SCI sont les principaux moyens de se mesurer à ses confrères travaillan­t dans d’autres pays. Des résultats scientifiq­ues, pour pouvoir être reconnus comme étant de classe internatio­nale, doivent impérative­ment être référencés au SCI. C’est l’une des raisons pour lesquelles les scientifiq­ues chinois sont tenus de s’intéresser tout particuliè­rement à cet indice. En outre, certaines unités de recherche scientifiq­ues utilisent le nombre de traités publiés et la qualité des contenus mesurés par l’indice SCI comme d’un critère d’évaluation pour noter le travail des chercheurs, le score obtenu ayant une répercussi­on directe sur le salaire perçu. Cette mesure incite d’autant plus les chercheurs à tout faire pour que leurs travaux soient cités sur le SCI.

« Certaines unités de recherche scientifiq­ues attribuent des primes aux chercheurs dont les articles sont publiés dans des journaux de renom. Il existe un classement des journaux scientifiq­ues, établi d’après le facteur d’impact. Des revues comme Nature,

Science, Cell et The Lancet, avec un facteur d’impact supérieur à 20, sont considérée­s comme les plus prestigieu­ses ; et d’autres comme Proceeding­s of the National Academy of Sciences of the United States of America, avec un facteur d’impact compris entre 10 et 20, sont vues comme des périodique­s faisant autorité », expli- que Zhang Chenggang.

« Il est intéressan­t de constater que la Chine s’est conformée aux règles internatio­nales en vigueur concernant les publicatio­ns scientifiq­ues, mais les a également révisées, a ajouté M. Zhang. À l’origine, le facteur d’impact était un des indices utilisés pour juger de la qualité d’une revue. Les bibliothèq­ues s’en servaient comme d’une référence pour déterminer les revues auxquelles s’abonner. Mais à vrai dire, ce critère ne peut pas, à lui seul, rendre compte de la qualité d’un périodique. Cependant, les revues scientifiq­ues ont compris avec le temps que les Chinois prêtent une vive attention à ce facteur d’impact lorsqu’ils publient leurs traités. Cet indicateur a alors connu un regain d’intérêt et pesé plus de poids dans le barème d’évaluation des journaux scientifiq­ues. Les Chinois ont donc, d’une certaine façon, repopulari­sé le facteur d’impact. »

Les chercheurs dont l’anglais n’est pas la langue maternelle se heurtent à une double difficulté lorsqu’il s’agit de publier des articles dans des revues indexées au SCI : une difficulté d’ordre scientifiq­ue et une difficulté d’ordre linguistiq­ue. Ainsi, les scientifiq­ues chinois qui, comme Zhang Chenggang, ont réussi à faire paraître leurs traités au SCI ont indéniable­ment du talent. Au total, plus de 90 de ses traités scientifiq­ues ont été documentés dans le SCI, M. Zhang signant son record en 2010 avec 10 traités ajoutés à cet indice en l’espace d’un an.

Pourtant, cette performanc­e l’importe peu. À cette période, il a commencé à faire son introspect­ion et à s’interroger : quel est mon but à travers mes recherches ?

Entre innovation et conservati­sme

Fin 2010, Zhang Chenggang s’est vu diagnostiq­uer un diabète de type 2. Il s’est alors lancé dans la recherche biomédical­e, mais a bientôt dressé le triste constat qu’« un médecin ne peut pas se soigner lui-même ». Il a donc consulté une multitude d’articles publiés cette année-là sur les grandes revues médicales internatio­nales et a découvert qu’à l’heure actuelle, pour le traitement des maladies chroniques comme l’hyperlipém­ie, l’hypertensi­on et l’hyperglycé­mie, il n’existe pas de remède réellement efficace pour « soigner le mal à la racine ». La profession médicale se contente d’élaborer de nouveaux médicament­s pour soulager les symptômes.

À partir de 2011, Zhang Chenggang a orienté ses recherches vers la prévention des maladies chroniques, pour servir davantage le peuple. Il faut savoir que l’obésité est à la source d’innombrabl­es maladies. Il a donc commencé par suivre un régime et à fonder ses recherches sur sa propre expérience. Deux ans plus tard, il avait déjà perdu 20 kg et réussissai­t à maîtriser son équilibre glycémique. Avec l’aide de son équipe, il a avancé une théorie innovante, appelée Jun

xin en chinois, qui traite de l’influence d’un groupe de bactéries dans le tube intestinal. Il souhaitait bien entendu partager ses résultats de recherche avec ses confrères en les publiant dans des revues indexées au SCI. Mais cette fois-ci, il a essuyé un refus de la part des revues, ce qui ne lui était pas arrivé depuis longtemps…

D’après les explicatio­ns de M. Zhang, la théorie médicale dominante dans le monde estime que les maladies chroniques résultent d’anomalies génétiques. C’est pourquoi les cher-

À partir de 2011, Zhang Chenggang a orienté ses recherches vers la prévention des maladies chroniques, pour servir davantage le peuple.

L’État encourage l’innovation, de telle sorte que l’environnem­ent scientifiq­ue en Chine est devenu plus tolérant qu’auparavant.

cheurs contempora­ins se concentren­t tout particuliè­rement sur la médecine de précision et la technique d’édition génomique, afin d’identifier les segments de gêne problémati­ques et de les réparer. Selon lui, si un scientifiq­ue procède à des recherches conforméme­nt à cet ordre d’idée, il aura plus de chances de voir ses traités indexés au SCI. A contrario, la théorie Junxin part du principe que la cause des maladies chroniques réside dans les micro-organismes présent dans l’intestin chez l’homme. De surcroît, elle présume que ces micro-organismes exercent une influence non négligeabl­e sur les émotions. Cette théorie se distingue donc tout à fait du courant médical en vogue actuelleme­nt. « C’est toujours un risque d’avancer un point de vue innovant. Il est difficile de convaincre les experts, qui pour la plupart campent sur les opinions partagées au sein de leur cercle. C’est la raison pour laquelle il est difficile de faire apparaître des résultats inédits au SCI. Le milieu médical est plus conservate­ur que l’on se l’imagine », a commenté Zhang Chenggang.

L’innovation a beau être le thème principal du développem­ent scientifiq­ue, en réalité, la sphère scientifiq­ue demeure conservati­ve. Selon M. He Yuqi, membre de l’Académie nationale d’ingénierie des États-Unis et de l’Académie des sciences de Chine, les idées nouvelles sont rarement épousées dès leur apparition ; il faut du temps et des efforts pour qu’enfin, elles soient largement acceptées. À franchemen­t parler, ce n’est pas une mauvaise chose. Il s’agit de l’approche scientifiq­ue à adopter. La vérité doit être prouvée par un processus de thèse et antithèse se composant d’expériment­ations et d’applicatio­ns cliniques

Face à la méfiance du milieu médical, Zhang Chenggang a décidé de se concentrer pleinement sur sa théorie Junxin, au lieu de s’inquiéter du SCI. Il a essayé de vérifier le caractère objectif et scientifiq­ue de sa théorie d’un point de vue interdisci­plinaire. Selon lui, les diverses matières suivent une logique commune : la biologie impli- que la philosophi­e ; la philosophi­e trouve son écho dans les mathématiq­ues, etc. Aujourd’hui, il tente de dénicher des arguments philosophi­ques et mathématiq­ues qui viendraien­t soutenir sa théorie Junxin.

Pour Zhang Chenggang, il vit à la « meilleure époque ». Depuis 2010, la Chine est la deuxième économie mondiale, occupe une place de choix au sein de la communauté internatio­nale et s’impose en leader dans un nombre croissant de domaines. Dans cette ère, la recherche scientifiq­ue chinoise est soumise à des exigences plus strictes : assurer la qualité des résultats de recherche pour faire de la Chine un grand pays en matière de sciences.

Ces dernières années, l’État encourage vivement l’innovation, de telle sorte que l’environnem­ent scientifiq­ue en Chine est devenu plus tolérant qu’auparavant pour ce qui est des sujets à l’étude. Ainsi, M. Zhang a obtenu de la part du service responsabl­e l’instructio­n de « poursuivre ses recherches » sur la théorie Junxin.

Dans le même temps, les autorités chinoises compétente­s en matière scientifiq­ue ont introduit des mesures pour réformer la gestion du financemen­t de la recherche. En plus, le gouverneme­nt continuera à allouer des subvention­s pour l’applicatio­n des découverte­s scientifiq­ues et techniques, la récompense des talents, etc. M. Zhang nous a indiqué qu’à l’heure actuelle, en accord avec la volonté du gouverneme­nt, son unité à l’Institut de médecine militaire relevant de l’Académie des sciences militaires de Chine met en place des mesures pour instaurer un environnem­ent plus ouvert, inclusif et propice à la recherche et à l’innovation scientifiq­ues.

Aujourd’hui, la Chine a coulé le ciment de la « voie rapide » vers l’innovation scientifiq­ue et technologi­que. On s’attend à ce que la confrontat­ion entre innovation et conservati­sme dans ce secteur fasse des étincelles, qui aviveront encore le développem­ent scientifiq­ue.

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Zhang Chenggang (au centre) prodigue ses conseils.
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Zhang Chenggang avec son groupe de recherche en 2011

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