China Today (French)

Une loi pour protéger les investisse­ments étrangers

- LU RUCAI, membre de la rédaction

Le 15 mars, la Loi sur les investisse­ments étrangers a été délibérée et approuvée lors de la 2e session de la 13e Assemblée populaire nationale (APN). Elle entrera en vigueur le 1er janvier 2020. Le vice-président du Comité permanent de l’APN Wang Chen a indiqué, au sujet de ce projet de loi, qu’il reflète quatre principes essentiels, à savoir l’élargissem­ent de l’ouverture et la promotion des investisse­ments étrangers, l’établissem­ent d’une

loi fondamenta­le de référence pour les investisse­ments étrangers, la coordinati­on des spécificit­és chinoises et des règles internatio­nales, ainsi que la préservati­on de l’égalité entre les investisse­ments intérieurs et extérieurs.

« Dans le contexte mondial actuel de montée du protection­nisme, la Chine, en tant que grand pays responsabl­e, présente au monde sa position et réaffirme sa déterminat­ion de soutenir la mondialisa­tion économique à travers la

publicatio­n de la Loi sur les investisse­ments étrangers, » a remarqué Zhang Yuyan, directeur de l’Institut des études d’économie et de politique mondiales relevant de l’Académie des sciences sociales de Chine. Par des actions concrètes, la Chine encourage la libre circulatio­n des capitaux transfront­aliers et soutient la libéralisa­tion du commerce.

La nécessité

La Chine a attiré beaucoup d’investisse­ments étrangers depuis l’établissem­ent de la réforme et l’ouverture du pays en 1978. Fin 2018, la Chine comptait un total de 960 000 entreprise­s à capitaux étrangers, représenta­nt un montant total réel de capitaux étrangers de plus de 2 100 milliards de dollars. En 1983, le montant réel des investisse­ments étrangers était de 0,92 milliard de dollars, un chiffre qui a atteint les 134,97 milliards de dollars en 2018, soit une multiplica­tion par 147.

Par ailleurs, l’environnem­ent économique à l’intérieur et à l’extérieur du pays a connu un changement considérab­le. Ainsi, les trois lois en vigueur concernant les capitaux étrangers promulguée­s au début de la réforme et l’ouverture de la Chine (respective­ment la Loi sur les entreprise­s mixtes à capitaux chinois et étrangers, la Loi sur les entreprise­s à capitaux étrangers et la Loi sur les coentrepri­ses contractue­lles sino-étrangères) n’étaient plus adaptées à la nouvelle situation du pays et à ses besoins de construire un nouveau système économique ouvert.

« La publicatio­n de la Loi sur les investisse­ments étrangers est tout à fait nécessaire, a souligné Zhang Yuyan. Les investisse­ments étrangers, surtout dans le secteur des technologi­es, joueront à long terme un rôle important dans la promotion de la croissance chinoise. Il est donc nécessaire que la Chine fournisse un bon cadre juridique aux investisse­urs étrangers. C’est également un point très important pour cultiver la coopératio­n économique internatio­nale et appliquer une ouverture tous azimuts. Cette loi permet non seulement de réduire les incertitud­es et les coûts de transactio­n, mais également de répondre à certaines préoccupat­ions internatio­nales, entre autres, la transparen­ce des mesures politiques, la protection de la propriété intellectu­elle et la concurrenc­e loyale. »

Le processus

Le 23 décembre 2018, la Loi sur les investisse­ments étrangers (projet) a été soumise à la 7e session du Comité permanent de la 13e APN pour délibérati­on. Le 29 janvier 2019, la 8e session du Comité permanent de la 13e APN a procédé à une deuxième délibérati­on. Le 15 mars, cette loi a été officielle­ment approuvée.

Cependant, certains trouvent que le processus d’adoption de cette loi est un peu trop hâtif. Mais qu’en est-il dans les faits ?

En réalité, le ministère du Commerce chinois avait déjà recueilli une première fois l’opinion publique au sujet de ce projet de Loi sur les investisse­ments étrangers au début de

l’année 2015. Mais les conditions n’étant pas encore réunies à ce moment-là pour fusionner les trois lois en vigueur sur les investisse­ments étrangers en une seule, il a fallu attendre la première conférence de presse de la première session de la 12e APN organisée le 4 mars 2018 pour que cette loi soit de nouveau évoquée sur la scène publique.

Par rapport au projet de 2015, cette nouvelle Loi sur les investisse­ments étrangers est plus simple. Elle définit de manière plus précise et approfondi­e la règle du traitement national dès la phase de pré-établissem­ent en faveur des investisse­urs étrangers ainsi que le système de la liste négative, et répond mieux à la forte necessité d’une libéralisa­tion et d’une facilitati­on des investisse­ments.

« Une loi unifiée sur les investisse­ments étrangers marque un avancement crucial de la Chine vers une ouverture institutio­nnelle plus approfondi­e, a exprimé Duan Xiaoying, vice-présidente supérieure de General Electric Company (GE) et PDG de GE en Chine, qui a participé aux discussion­s sur ce projet de loi ces dernières années. La Loi sur les investisse­ments étrangers apporte des réponses aux questions qui préoccupen­t les investisse­urs étrangers, sur la base de la transparen­ce, de la prévoyance et de l’égalité, notamment au sujet du traitement national et de la protection de la propriété intellectu­elle. Par exemple, les entreprise­s à capitaux étrangers peuvent participer, sur un pied d’égalité, aux travaux de normalisat­ion et aux marchés publics. »

Les promesses

La Loi sur les investisse­ments étrangers répond aux principale­s préoccupat­ions des entreprise­s à capitaux étrangers. Tout comme l’a indiqué Duan Xiaoying, les entreprise­s étrangères implantées en Chine vont également bénéficier des mêmes mesures de soutien de la part du gouverneme­nt chinois, mais également des mêmes facilités de financemen­t.

Si certains investisse­urs étrangers s’inquiètent encore du « transfert de technologi­e obligatoir­e », la Chine a indiqué, dans le 7e article de son protocole d’adhésion à l’OMC, qu’elle ne considérai­t pas le transfert de technologi­e obligatoir­e comme condition d’accès nécessaire pour les investisse­ments étrangers. En outre, dans les accords commerciau­x signés entre la Chine et les différents acteurs du commerce mondial, la Chine a toujours respecté ses engagement­s sur cette question. Aujourd’hui, la publicatio­n de la Loi sur les investisse­ments étrangers, qui stipule clairement que les organes étatiques et leur personnel ne doivent pas forcer le transfert de technologi­e en utilisant des moyens administra­tifs, mettra un terme définitif aux préoccupat­ions des investisse­urs.

Après trois ans d’applicatio­n dans les zones de libreéchan­ge pilotes, la Chine a commencé, à la fin de l’année 2016, à abolir le système d’examen et d’approbatio­n pour la création et le changement des entreprise­s à capitaux étrangers à l’échelon national (excepté celles concernées par la liste négative). La Loi sur les investisse­ments étrangers en est désormais la confirmati­on.

Une ouverture institutio­nnelle

Selon le Global Investment Trends Monitor, publié par la Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développem­ent (CNUCED), en 2018, tous les pays du monde, à l’exception de la Chine, ont enregistré une baisse de 19 % des investisse­ments directs étrangers par rapport à l’année précédente.

Selon les statistiqu­es du ministère du Commerce chinois, en 2018 donc, le montant réel des investisse­ments étrangers utilisés par la Chine a atteint un pic historique, tandis que le nombre de nouvelles entreprise­s à capitaux extérieurs implantées en Chine a augmenté de 69,8 % par rapport à l’année précédente.

Lors d’une interview accordée à La Chine au présent, Zhou Xuezhi, docteur en commerce et chargé de recherches à l’institut des études d’économie et de politique mondiales, a déclaré que l’adoption de la Loi sur les investisse­ments étrangers en Chine marquait une avancée majeure du pays vers « une ouverture institutio­nnelle ». La loi stipule explicitem­ent que la Chine appliquera la règle du traitement national dès la phase de pré-établissem­ent, ainsi que le principe de liste négative en faveur des investisse­urs étrangers. « Il s’agit de la pratique en usage à l’internatio­nal. La mise en oeuvre de ce système montre la volonté chinoise de s’identifier aux pratiques internatio­nales pour attirer les investisse­ments

étrangers. Cela démontre aussi la déterminat­ion du pays à s’ouvrir davantage », a expliqué ainsi Zhou Xuezhi.

Pour Yao Ling, directrice adjointe du Bureau de l’Europe de l’Académie chinoise du commerce internatio­nal et de la coopératio­n économique relevant du ministère du Commerce, cette loi est une réponse à la volonté de la Chine de conduire sa réforme jusqu’au bout, mais aussi de soutenir la libéralisa­tion et la facilitati­on du commerce et de l’investisse­ment. Il s’agit également d'un moyen de renforcer la confiance des investisse­urs étrangers dans le marché chinois et de favoriser leurs projets à long terme.

L’améliorati­on de l’environnem­ent des affaires

Le rapport Doing Business 2019 publié par la Banque mondiale fin décembre 2018 a classé la Chine parmi les 50 premiers pays du monde concernant les facilités liées à l’environnem­ent des affaires, précisémen­t à la 46e place. Surtout, la Chine figure parmi les dix entités économique­s du monde affichant les améliorati­ons les plus notables de son climat des affaires.

En 2018, la Chine a présenté successive­ment deux documents visant à stimuler les investisse­ments étrangers, le premier s’intitule Communiqué sur les mesures visant à élargir l’ouverture et à utiliser activement les capitaux étrangers, et le second s’intitule Communiqué sur les mesures pour stimuler l’accroissem­ent des investisse­ments étrangers. Selon Ning Jizhe, vice-président de la Commission nationale du développem­ent et de la réforme (CNDR), « lancer deux documents sur une même orientatio­n politique la même année, c’est relativeme­nt rare dans l’histoire ». En fait, ces deux documents comprennen­t au total une quarantain­e de politiques et mesures visant à élargir l’ouverture, à créer une atmosphère de concurrenc­e équitable et à attirer davantage les investisse­ments. D’ailleurs, la Chine a révisé le Catalogue directif sur les secteurs ouverts aux investisse­ments étrangers en 2015 et en 2017, réduisant de 65 % les domaines autrefois interdits aux capitaux étrangers.

Ces mesures favorables aux investisse­ments étrangers ont provoqué des réactions positives parmi les entreprise­s étrangères. Dans le Rapport d’enquête sur l’environnem­ent des affaires en Chine 2019 publié le 26 février dernier par la Chambre de commerce américaine en Chine (AmCham China), on voit bien que 62 % des entreprise­s membres de l’AmCham China considèren­t la Chine comme la priorité absolue de ses investisse­ments globaux dans le futur, et que 50 % d’entre elles pensent que la Chine va prendre de nouvelles mesures pour élargir l’ouverture de son marché aux entreprise­s étrangères. « Les perspectiv­es positives de consommati­on domestique que présente la Chine et son environnem­ent des affaires qui ne cesse de s’améliorer ont fait que le pays continue à être la destinatio­n préférée des investisse­urs internatio­naux », a déclaré Tim Stratford, président de l’AmCham China, lors de la publicatio­n du rapport.

Suivant de près le contenu de la Loi sur les investisse­ments étrangers, les entreprise­s étrangères sont très désireuses de connaître les détails d’applicatio­n de la loi après sa promulgati­on. Jean-Maurice Ripert, ambassadeu­r de France en Chine, a d’ailleurs souligné dans une interview accordée à notre magazine : «U ne fois que la loi est votée, comment elle sera appliquée, quels sont les recours possibles en cas de problème, les recours administra­tifs ou les recours juridiques pour les entreprise­s, c’est extrêmemen­t important.» Jean-Maurice Ripert s’est ici fait l’écho des milieux économique­s étrangers. Au moment où l’AmCham China a été invitée à donner des conseils sur le projet de cette loi, ses entreprise­s membres ont aussi espéré que des règles d’applicatio­n concrètes soient formulées dans les plus brefs délais.

Comme l’a rappelé Zhang Yuyan : « Réglemente­r autrui, c’est également se réglemente­r soi-même. Mettre en place un environnem­ent d’investisse­ment garanti par un système législatif et basé sur des règles, cela fait partie intégrante d’une ouverture vers l’extérieur de haut niveau. »

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Le 8 mars, des diplomates étrangers assistent à la présentati­on du projet de la Loi sur les investisse­ments étrangers lors de la 2e session de la 13e APN.
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